C'est la conclusion du portrait signé par l'écrivain Marc Dugain dans l'édition de septembre du magazine Vanity Fair après sa lecture du dossier judiciaire.
Le regard de l'écrivain
L'auteur de "La Chambre des officiers" et de "La Malédiction d'Edgar" a eu accès à l'ensemble du dossier judiciaire du meurtrier présumé du 55 boulevard Schuman à Nantes. Dans Vanity Fair (article disponible pour les abonnés et en vente en kiosque), Marc Dugain tente de décrypter "l'homme sans horizon".Ses conclusions sur Xavier Dupont de Ligonnès
Xavier Dupont de Ligonnès était narcissique, manipulateur et orgueilleux, mais cela n'en fait pas un psychopathe hors du commun. Au bout de la route, on imagine plutôt un dépressif caché, aux blessures complexes et invisibles, qui s'est pris pour dieu en emportant les siens dans sa pulsion suicidaire, mais qui, tellement attaché au regard porté sur lui, a monté une fiction grossière qui se sera effondrée en quelques jours. Il ne se révèle pas comme un monstre, qui est une figure mythologique, mais bien comme un membre de la communauté humaine qui ne laissera pas le souvenir d'un être d'une intelligence exceptionnelle, comme il le prétendait, mais d'un minable enfermé en lui-même."
Quand la littérature s'inspire du faits-divers
Les Bonnes"Madame Bovary", "Le rouge et le noir", "De Sang-froid", autant de romans inspirés par le crime. Près de nous, les soeurs Papin, les bonnes criminelles du Mans ont été le moteur de l'inspiration de Jean-Genet pour sa pièce de théâtre écrite en 1947. Plus tard Claude Chabrol sera lui même inspiré par la pièce pour la "cérémonie".
SOLANGE
Le moindre mot vous paraît une menace. Que Madame se souvienne que je suis la bonne.
CLAIRE
Pour avoir dénoncé Monsieur à la police, avoir accepté de le vendre, je vais être à ta merci ? Et pourtant j'aurais fait pire. Mieux. Crois-tu que je n'aie pas souffert? Claire, j'ai forcé ma main, tu entends, je l’ai forcée, lentement, fermement, sans erreur, sans ratures, à tracer cette lettre qui devait envoyer mon amant au bagne. Et toi, plutôt que me soutenir, tu me nargues? Tu parles de veuvage! Monsieur n'est pas mort, Claire. Monsieur, de bagne en bagne, sera conduit jusqu'à la Guyane peut-être, et moi, sa maîtresse, folle de douleur, je l’accompagnerai. Je serai du convoi. Je partagerai sa gloire. Tu parles de veuvage. La robe blanche est le deuil des reines, Claire, tu l’ignores. Tu me refuses la robe blanche
SOLANGE, froidement.
Madame portera la robe rouge."
L'adversaire
Les auteurs contemporains vont encore plus loin dans le réalisme. Emmanuel Carrère dans "l'Adversaire" reprend quasiment tout le dossier du procès de Jean-Claude Roman, ce faux médecin, assassin de toute sa famille alors que son mensonge était en passe d'être dévoilé. Nicole Garcia, dans la version cinématographique, offrira un des plus beaux rôle à Daniel Auteil. Dans un colloque sur l'écriture au Centre Georges Pompidou, l'auteur de Limonov, expliquait sa démarche, celle d'un témoin coincé dans le cerveau du menteur meurtrier.
Je suis entré en relation avec lui, j'ai assisté à son procès. j'ai essayé de raconter précisément, jour après jour, cette vie de solitude, d'imposture et d'absence. D'imaginer ce qui tournait dans sa tête au long des heures vides, sans projet ni témoin, qu'il était supposé passer à son travail et passait en réalité sur des parkings d'autoroute ou dans les forêts du Jura. De comprendre, enfin, ce qui dans une expérience humaine aussi extrême m'a touché de si près et touche, je crois, chacun d'entre nous."
Emmanuel Carrère, "l'Adversaire".
L'article de Marc Dugain sur Xavier Dupont de Ligonnès est dans cette veine. On ignore si l'auteur prépare un roman sur l'anti-héros du boulevard Schuman.