Des bulles pour buller, dix BD pour les vacances

C’est l’été, les doigts de pied en éventail, le cerveau en mode relax et enfin du temps pour bouquiner. Bouquiner, oui, mais quoi ? Pas de panique, voici une sélection affreusement subjective mais rigoureusement assumée de bandes dessinées. À vos marque-pages. Prêt(e)s ? Lisez...

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1. Ayako et L'Histoire des 3 Adolf

On commence par du lourd, deux ouvrages essentiels, des chefs-d'oeuvre signés Osamu Tezuka, réédités en ce début d'été chez Delcourt-Tonkam, Ayako d'un côté, 704 pages, L'Histoire des 3 Adolf en deux volumes de l'autre, 624 et 736 pages, de quoi accompagner agréablement quelques séances de bronzage.

On l'appelle le dieu du manga, un titre qu'il mérite amplement. À lui tout seul, Osamu Tezuka a produit 170 000 planches et 700 titres, une oeuvre gigantesque et une influence majeure sur le manga, Osamu Tezuka a révolutionné le genre et donné naissance au manga moderne avec une approche graphique et scénaristique singulières et largement influencée par la littérature populaire, les comics américains, le cinéma d’une façon générale, les dessins animés de Walt Disney en particulier.

Un regard humaniste sur le monde et sur le Japon de l'après deuxième guerre mondiale ! (Delcourt / Tonkam. 29,99€ le volume)

2. Aspirine
Joann Sfar aime les vampires, les petit(e)s et les grand(e)s. Asprine appartient à la catégorie des grand(e)s, enfin presque, parce que depuis 300 ans, Aspirine est restée coincée à l’âge de l’adolescence et ça aurait tendance à l’énerver…

C’est même de la colère voire de la rage qu’elle éprouve, de la rage et de l’ennui. Sa soeur Josacine, elle au moins, a 23 ans , l’âge de l’amour.

Et elle en profite, collectionnant les amants comme d’autres collectionnent des dents de vampire. Ah oui, j’oubliais, Aspirine et Josacine sont des vampires, parisiennes, mais vampires tout de même. Avec leurs petites dents. Et leur envie de sang frais. Surtout Aspirine qui a même une fâcheuse tendance à se jeter sur tous les hommes qui passent dans son environnement proche pour les dévorer, abats compris.

Aspirine a les crocs et le coeur sur la main, mais généralement pas le sien. Malgré tout, la Dracu-girl a ses fans, enfin un fan, Yidgor, presque un gamin, fous de jeux et amoureux depuis peu. Elle va en faire son serviteur et peut-être plus si affinités….

C’est un peu fou, c’est du Joann Sfar ! Après Petit Vampire et Grand Vampire, l’auteur et réalisateur poursuit l’exploration de ce mythe littéraire avec un vampire au féminin, moderne, inscrit en philo à La Sorbonne et partageant avec sa soeur, Josacine, un grand appartement parisien. C’est un peu fou donc mais complètement génial ! (Rue de Sèvres. 16€)

3. Arrêt de jeu
Lucas DiLucca a une coiffure de footballeur, une voiture de footballeur, un corps de footballeur… Ça tombe plutôt bien parce qu’il est footballeur, un très bon footballeur même qui émarge à 750 000 euros par mois. Et il se dit qu'il pourrait bien avoir encore une augmentation substantielle pour service rendu…

Autant d’argent pourrait lui faire tourner la tête, le rendre haïssable mais non. En plus d’être riche, Lucas est plutôt pas mal physiquement, plutôt intelligent et plutôt sympathique. Ce qui l’intéresse avant tout, enfin juste après son fils, c’est sa carrière et pour ça il est prêt à pas mal de sacrifices. Pas d’alcool, pas de femmes, des soirées avec une escort-girl de temps en temps pour l’hygiène, des copains fidèles qu’il aide en toutes occasions… et une gagne sur le terrain qui attire le regard et pas seulement le regard des fanatiques du ballon rond. 

Partout où il y a de l’argent, il y a des gars louches et des plans louches. Il a beau le savoir et tout faire pour s’en préserver, Lucas DiLucca se retrouve embringué dans une mauvaise affaire de match truqué. De quoi le mettre définitivement sur la touche…

Cette fiction est signée Matz pour le scénario et Lem pour le dessin. On connaissait déjà le talent du premier, scénariste de la série policière Le Tueur, on découvre la belle touche graphique du deuxième qui réalise ici sa première bande dessinée. Au delà de l’histoire très bien ficelée et survitaminée, Arrêt de jeu nous éclaire mine de rien sur la mécanique très complexe de la corruption. Passionnant ! (Casterman. 16,50€)

4. Les Porteurs d'eau
Vous souvenez-vous de ces images sidérantes du Tour de France à l’arrêt, des coureurs en grève, des descentes de police dans les hôtels, de Richard Virenque en larmes devant les caméras ? C’était en 1998… il y a tout juste 20 ans.

Cette édition de la grande boucle a marqué les consciences et fait beaucoup de mal au sport en général. Le dopage se révélait à la face du monde comme étant au coeur même de la logique du sport. Et rien ne dit qu’il ne l’est plus !

Tout ça pour dire que l’histoire de cet album ne sort pas de nulle part. Il y a un fond de réalité sur lequel le scénariste Fred Duval, un fondu de la petite reine, s’est appuyé pour l’écrire. Mais attention, Les Porteurs d’eau n’est pas une BD documentaire, c’est une fiction intelligemment construite autour de la cavale de deux gamins, Jérôme Pignon et Florian Cornu, licenciés au Cyclo du Lyonnais, plus bêtes que méchants, désireux de se faire du fric facile en achetant et revendant des produits dopant. Des Pieds nickelés du dopage en quelques sortes qui vont avoir à faire à de vrais truands du milieu. (Delcourt. 17,95€)

5. Minivip et Supervip
Direction la Terre dans un avenir plus ou moins proche. Pollution : 99,999 %. Autant dire qu’il ne reste plus grand chose à respirer. Pourtant, une colonie d’extraterrestres a décidé de mettre la main sur notre planète. Il faut dire que chez eux, sur la lointaine Sparky, le taux d’humidité flirte avec les 400%…

C’est un peu dingo comme histoire mais qui connaît un tant soit peu Grégory Panaccione ne devrait pas être étonné outre mesure. L’auteur de Toby mon ami, Âme perdue, Match ou encore de la série Chronosquad, s’associe ici avec Bruno Bozzetto pour un récit fantastique avec pour personnages principaux deux super-héros, Minivip et Supervip, censés protéger la veuve et l’orphelin des méchants en tout genre et accessoirement de préserver la Terre de potentiels envahisseurs.

Car oui, elle a beau être à bout de souffle notre planète avec ses six milliards d’automobiles et autant de pots d’échappement, elle intéresse encore – visiblement – une bande d’extra-terrestres qui loge pour le moment sur une planète encore plus hostile, Sparky, où le taux d’humidité avoisine les 400%.

Et la pollution ? Pas vraiment un souci pour nos amis venus d’ailleurs. Cette pollution fait même partie de leur plan d’invasion globale. Ils en sont à l’origine en ayant soufflé il y a quelques décennies l’invention du moteur à explosion aux humains.

Eux, de leur côté, ont inventé le Va-et-Vient, un instrument beaucoup plus écologique qui permet de téléporter qui vous voulez ou vous voulez en une fraction de seconde. Nul besoin d’automobiles qui polluent et engorgent les villes, le Va-et-Vient pourrait bien être l’avenir de l’humanité. Totalement drôle mais pas que ! (Soleil productions. 27,95€)

6. Gisèle et Béatrice 
C’est le genre de livre qu’on ne s’attend pas à trouver dans le catalogue des éditions Dupuis, ni dans la bibliographie de Benoît Feroumont, c’est un livre comme on en voit peu, un conte érotique à haute dose de critique sociale, le tout saupoudré d’un trait d’humour...

Un trait d’humour mais un humour grinçant tout de même ! L’histoire débute dans le joyeux monde du travail. Béatrice, qui se donne sans compter à son entreprise, ne parvient pas à progresser. Salaire bloqué, évolution zéro… et un patron, Georges, qui lui explique qu’elle n’est pas assez gentille avec lui, qu’il aime ses seins et qu’il attend autre chose d’elle. Classique.

Contre toutes attentes, Béatrice accepte de passer une soirée avec son boss, mais profite de son état d’excitation avancée pour lui faire boire une potion magique qui le transforme en femme et qui plus-est en femme de ménage tendance jouet sexuel complètement soumise à Béatrice. Le harceleur harcelé !

Georges devenu Gisèle, sans papiers, avec un accent à couper au sécateur, de quoi se faire ramasser par le premier fourgon de police qui passe dans le quartier, n’a plus le choix. Il… pardon, elle doit se plier aux exigences de Béatrice qui a de son côté pris de l’avancement en s’octroyant la place du boss dans l’entreprise.

Vis ma vie de femme harcelée pourrait être le résumé de cette histoire. Vis ma vie de femme harcelée et tu comprendras peut-être ! L’érotisme omniprésent dans les 130 pages de ce conte signé Benoît Feroumont, auteur par ailleurs des séries Wondertown ou Le Royaume, n’a rien de vulgaire. Il est au service de l’histoire et d’une volonté affichée de l’auteur d’aborder le sexe autrement que par la caricature des films pornographiques. Et rien que pour ça…
En bonus, un cahier d’une dizaine de pages avec illustrations et points de vue de l’auteur, de l’éditeur et de Maïa Mazaurette, romancière, essayiste, scénariste de BD et blogueuse. Pour les plus grand(e)s. (Dupuis. 16,50€)

7. Mon voisin Totoro et L'Art de Mon voisin Totoro
Vous allez me dire que Mon Voisin Totoro est un film d’animation et non un manga. C’est vrai… et faux. D’abord parce qu’il est l’adaptation d’un livre que Miyasaki avait commencé à dessiner dans les années 70. Ensuite parce que le Studio Ghibli a à son tour adapté le film en livre. Certes, ce n’est pas un manga me diront les puristes, c’est un anime comics, en couleurs, mais on ne va pas chipoter et bouder notre plaisir de retrouver cette oeuvre aujourd’hui trentenaire et qui n’a rien perdu de sa magie. Magnifique ! (Glénat. 15,50€)

Et si vous êtes un inconditionnel de Mon voisin Totoro, un fou de Hayao Miyazaki, alors voici un autre livre paru lui-aussi chez Glénat. L’Art de Mon voisin Totoro permet de découvrir les coulisses de la réalisation de l’anime, plus de 170 pages d’illustrations, de croquis, de secrets de conception et d’anecdotes de production. Rigoureusement indispensable. (Glénat. 24,90€).

8. Manuel du Dad (presque) parfait
Vous adorez les aventures de Dad ? Alors vous adorerez ce hors-série, Manuel du Dad (presque) parfait, conçu par le même auteur, Nob, soucieux ici d'apporter son aide aux jeunes papas avec des conseils pratiques et des solutions à tous les petits soucis qu'un père de famille peut rencontrer au quotidien...

Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il sait de quoi il cause le Dad. Avec quatre filles à la maison, oui oui, quatre filles et pas une mère à l'horizon, le quotidien de ce papa poule n'a pas toujours été de tout repos. Quatre albums en témoignent à ce jour aux éditions Dupuis, des aventures toujours pétillantes, drôles mais qui, en même temps, forcent l'admiration.

Alors, pourquoi ne pas se lancer dans des tutos comme on dit chez les Youtubeurs ? Des tutos à l'ancienne, sur papier, avec des gags 100% inédits en une ou deux planches. Aussitôt pensé, aussitôt fait ! En 70 pages, Dad nous parle de l'autorité façon 21e siècle, de la corvée, pardon du bonheur d'aider les enfants à faire les devoirs, des valeurs essentielles à inculquer, des rituels du coucher, des gros mots, des goûters d'anniversaire, de l'esprit de Noël... et de plein d'autres joyeusetés du quotidien. C'est bien vu et toujours aussi drôle. De quoi donner des envies de paternité à certains et d'en faire fuir quelques autres ! (Dupuis. 10,95€)

9. Le Guide du mauvais père

Encore une histoire de père. Paru en 2013, le premier tome du Guide du mauvais père a fait un carton nous rappelle l’éditeur. 100 000 exemplaires vendus.

C’est beaucoup mais l’excellent Guy Delisle, auteur par ailleurs des bandes dessinées documentaires Shenzhen, Pyongyang ou encore des Chroniques de Jérusalem, fauve d’or prix du meilleur album au festival d’Angoulême en 2012, a su trouver les mots et les gags justes pour parler aux pères de famille que nous pouvons être, pas toujours au top mais pas toujours mauvais non plus.

L’idée est de rire de tous nos petits travers. Et ça marche plutôt bien. Il faut dire que Guy Delisle n’a pas son pareil pour raconter des situations tragicomiques dans lesquelles chacun se reconnaîtra. Jubilatoire ! (Delcourt. 9,95€)

10. Davy Mourier vs Cuba
Et si vous n’avez pas votre compte de rigolade, alors, les éditions Delcourt ont pensé à tout, un peu comme une deuxième couche d’humour pour que ça vous reste bien imprimé. C’est Davy Mourier Vs Cuba. Tout est dans le titre ou presque. 

L’acteur, réalisateur, parolier, animateur de télévision ET auteur de bandes dessinées (Super Caca, La Petite mort…) y raconte son voyage un peu forcé au pays de Castro. Lui qui n’aime pas particulièrement voyager accompagne sa mère devenue une grande exploratrice du monde sur le tard.

Et bien évidemment, il y a de quoi raconter, entre le double système de monnaie, les voitures aux carrosseries américaines et aux moteurs russes ou chinois, la quasi-inexistence d’Internet… et l’ouragan Irma qui a eu la mauvaise idée de passer par-là au même moment, de quoi dégoûter définitivement Davy Mourier des voyages… et de lui faire préférer un bon programme à la télévision. D’ailleurs, le deuxième tome de Davy Mourier vs, à paraître en janvier 2019,  sera consacré au petit écran. (Delcourt. 9,95€)
 
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