DOCUMENTAIRE. "Elles travaillent la nuit", rencontre avec ces femmes qui travaillent quand d'autres dorment

Vivre en décalé, ce n'est pas sans conséquences. De leur départ du domicile à leur service de nuit, plusieurs femmes témoignent de la dure réalité de cette vie, des répercussions sur leur santé et de la persistance des inégalités sociales hommes-femmes.

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En quoi le travail de nuit pour les femmes diffère du travail de nuit pour les hommes ? Quels sont les avantages réels ou supposés de cette alternative au travail de jour ? À travers les témoignages de quelques femmes, c'est un pan de notre société qui nous est livré par le réalisateur Guillaume Terver. 

Derrière le choix, une réalité s'impose

Bien sûr, il est des femmes qui choisissent de travailler de nuit. " Pour la paie" dit l'une d'elles. "Parce que le travail de nuit m'apporte encore cette possibilité d'être avec le patient, et non pas d'être le courant d'air qui passe vite dans la chambre déposer le traitement. J'ai encore cette possibilité de m'asseoir au bord du lit du patient et de discuter avec lui", dit une infirmière de nuit. Et ce sont de bonnes raisons.

Mais pour les autres, quand il s'agit d'un choix apparent, les raisons sont plus floues. En mode fuite par exemple : crainte des chefs : " Niveau travail la nuit, c'est beaucoup moins stressant parce qu'on n'a pas les grosses têtes au-dessus en train de nous surveiller." Crainte de la surcharge de travail : "la journée, quand on est du matin, c'est bien jusqu'à une certaine heure; après il y a tout le monde qui débarque, on vous en demande un peu plus."

Mais pour beaucoup, le choix s'impose : "je ne me suis pas réveillée un matin en me disant : quand je serai salariée, je choisirai la nuit. Pas du tout. C'était pas un choix. J'ai choisi de faire les nuits parce que mes enfants étant petits, c'était compliqué de les amener à l'école. Quand j'étais de journée, je ne savais pas ce que mes enfants faisaient au niveau des devoirs. Mon mari ne s'en occupait pas. Donc par contrainte, je me suis dit : il faut que je change mon rythme de travail."

Le corps prend une claque

Le documentaire s'ouvre presque sur ce constat fait par l'une des travailleuses de la nuit. "Travailler la nuit, c'est mental, c'est comme le sport. Si tu te conditionnes, t'y arrives. Après, il y a des gens qui y arrivent et des gens qui piquent du nez vers 4 heures du matin". 

Toutes témoignent de la grande fatigue que le travail de nuit génère : "Dans la nuit, on a toujours le coup de barre (...) Faut que je me secoue un peu", dit l'une. "Je bois du café et je m'active toujours pour ne pas tomber", déclare l'autre. À chacune ses astuces. "On essaye d'ouvrir les fenêtres pour se mettre un coup de frais". Elles développent "une hyperactivité physique de façon à contrer le sommeil qui pointe le bout de son nez ; il est en embuscade partout." Comme un danger.

Le travail de nuit, on le ressent, on prend une baffe, le corps il prend une claque.

Elles évoquent également des troubles alimentaires : " Au début, quand j'étais de nuit, tous les matins j'avais mal au cœur; ça le fait à beaucoup de gens qui sont de nuit : la nausée à ne pas savoir si on a faim ou si c'est parce qu'on n'a pas faim. Vous ne savez plus si c'est l'heure de déjeuner, de manger..."

"Il m'est arrivé de rentrer à la maison le matin et de manger de la pizza. C'est pas forcément un dîner, je prends ce qu'il y a mais c'est plus salé que sucré parce que je vais dormir : je ne peux pas prendre un petit-déjeuner et aller dormir !"

"Moi j'ai pris dix kilos. On ne tient pas dix heures de nuit sans manger, on grignote du sucré avec le café, tout ce qu'il ne faut pas."

Des dérèglements que l'une d'elles qualifie très bien : "le travail de nuit, on le ressent, on prend une baffe, le corps, il prend une claque."

Une vie de côté

C'est la grande force du documentaire. Toutes ces femmes, ce pourrait être nous. Elles travaillent de nuit. Et elles en payent le prix fort. Mais, elles ne se plaignent pas et n'attendent surtout pas qu'on les plaigne. Qu'elles aient un choix de cœur ou par défaut, elles assument. Elles assument leurs problème de santé (et le risque accru de cancer du sein), elles assument les éventuels problèmes de poids et surtout elles assument le manque de sommeil. 

Car s'il est concevable pour un travailleur de nuit de se reposer la journée, la travailleuse doit assumer le quotidien du foyer aux dépens de son rythme de sommeil. Alors l'une choisit d'y voir un avantage : " On a plus de facilités dans la journée - pour prendre les rendez-vous, ndlr-, mais c'est parce qu'on prend sur notre sommeil." Ainsi le manque de sommeil vient s'ajouter au manque de sommeil. Un point en commun à toutes ces femmes. 

Les conséquences sociales et familiales sont lourdes. " Avant, même de nuit, on discutait toujours un peu. Aujourd'hui, on n'a qu'une hâte, c'est de rentrer chez soi, tellement on est fatigués. "Quand on dort une partie de la journée, on est forcément en décalage avec la famille. On a eu des difficultés quand j'ai démarré (le travail de nuit, ndrl), je perdais beaucoup de moment avec mon mari, ça créé des tensions importantes."

Sans parler des amis.

Au fil du temps on se renferme. Moi, j'ai pas d'amis. Le travail de nuit a crée le vide parce que j'étais pas dispo pour faire les sorties en même temps qu'eux, on ne peut pas créer des liens si on n'est pas là.

Des témoignages utiles sur des conditions de vie peu évoquées.

►"Elles travaillent la nuit", un documentaire de Guillaume Terver, à voir ce jeudi 13 octobre à 23h00 sur France 3 Pays de la Loire

►À voir en replay sur france.tv dans notre collection La France en Vrai 

►Retrouvez l'ensemble de nos programmes sur france.tv

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