Pour réaliser son court-métrage documentaire "47° Nord", la réalisatrice Élodie Ferré a tourné durant plusieurs années. Elle y montre le travail des hommes qui entretiennent et exploitent les marais salants, et nous alerte sur les menaces que représente le changement climatique sur ce paysage unique.
47° Nord, c’est la latitude des marais Guérande. Cela pourrait-il être une température qu’on pourrait y relever dans quelques années ? C’est, de façon figurée, le cauchemar vers lequel tend ce film atypique, que l’on doit à Élodie Ferré, tout autant réalisatrice que photographe, et sous les deux casquettes, passionnée de photo et de film argentiques.
Une expérience sensorielle
De cette pratique est née l’ambition de créer une expérience sensorielle à la manière impressionniste. La réalisatrice exploite pour cela les ressources des lumières si particulières de ce milieu unique au fil des saisons, sublimées par un travail du son particulièrement soigné.
Avec audace, Élodie Ferré s’empare du marais par la matière même de l’image, sensible aux éléments qui façonnent avec les hommes un paysage fragile.
Un processus créatif unique
Pour exprimer l’argile et la vase, les vents tempétueux d’hiver et ceux plus doux de l’été qui viendront favoriser l’évaporation, pour dire la pluie et le soleil qui se succèdent et dictent leur fantaisie aux hommes qui n’ont d’autre choix que s’y soumettre, la cinéaste répond par des séquences d’une grande diversité de textures.
Allant jusqu’à ressortir une caméra DV promise au rebut. Ses images au grain surprenant et hors du temps accompagnent le labeur hivernal des paludiers, Sisyphe et géomètres tout à la fois.
Le film 16 mm tient également une place majeure dans ce travail qui s’adresse à nos sens, Élodie Ferré poussant l’expérience jusqu’à gratter et émulsionner la pellicule… avec du sel ! Une quête expérimentale qu’elle poursuit par ailleurs depuis plusieurs mois, et dont elle rend compte ici.
Élodie Ferré, artiste et paludière
Cette vision organique du marais salant, Élodie Ferré l’a acquise grâce de nombreux mois d’expérience comme paludière. Sa connaissance intime et physique du travail, de l’entretien des œillets à la récolte lui permet d’éviter clichés et folklore.
Dans "47° Nord", l’homme est bien le locataire du marais, il ne l’occupe ni plus ni moins que les oiseaux qui y hibernent ou y nichent, que les plantes qui y poussent, y flétrissent et renaissent. Tout ici est fragilité, au rythme de saisons qui immuablement se succèdent, quand bien même de plus en plus souvent avec retard ou précocité.
Menace climatique, le risque d'un point de non-retour
Le risque qu’un été éternel et brûlant vienne un jour stopper à jamais ce cycle pèse comme une menace que le montage et l’étalonnage du film accompagnent dans un crescendo chromatique.
Délaissant progressivement les lumières froides et bleutées des petits matins d’hiver humides et tempétueux filmées à la caméra DV au début du film, la pellicule dangereusement inflammable impose sur la fin les teintes jaunes, rouges et sèches du point de non-retour climatique tant redouté.
Un regard sur les marais salants
Œuvre originale et radicale, "47° Nord" tient sa promesse d’offrir un regard renouvelé sur les marais salants de Guérande. Ses images ne revendiquent pas de parenté avec la carte postale. Elles n’en sont pas moins vraies, ni moins belles.
"47°Nord", un film de Elodie Ferré (29’)
Une production Les Films du Bilboquet, avec la participation de France 3 Pays de la Loire
Diffusion ce jeudi 11 janvier 2024 à 23 h 50
► À voir sur france.tv dans notre collection La France en Vrai
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