"À 23 ans, j'avais tout perdu, il fallait recommencer à zéro", Lojein Neamah, réfugiée politique Irakienne, se reconstruit grâce à la photographie

Née dans le sud de l’Irak, Lojein, 29 ans, a grandi dans un pays déchiré par la guerre. Après son arrivée en France en 2017, elle a entamé son intégration, en apprenant le français et en se perfectionnant dans la photographie. Ce qui n’était au départ qu’une passion s’est transformé en une véritable vocation : raconter son histoire et porter la voix de milliers de réfugiés à travers son objectif.

Lojein est née en 1994 dans une famille nombreuse. Avec ses quatre frères et sœurs, ils vivent avec leurs parents dans une maison confortable dans le sud du pays, près de Bassora. Son père est chef d’entreprise, lorsque que les Etats-Unis déclarent la guerre à l’Irak en 2003. "Je me souviens très bien des annonces sur les chaînes télévisées. C’était la première fois que j’entendais le mot guerre", raconte Lojein.

Dès lors, la réalité change : écoles fermées, bombardements incessants, rues désertées, et un climat de peur omniprésent. La famille se réfugie temporairement dans le nord du pays, mais la situation les oblige à retourner dans le sud malgré les dangers.

En 2005, un événement tragique marque définitivement leur vie : le père de Lojein est kidnappé par un groupe armé. Après dix jours d’incertitude et de négociations difficiles, il est libéré contre une rançon, mais revient profondément marqué. "Il avait été battu et n’avait pas mangé pendant tout ce temps. C’était une expérience traumatisante pour nous tous."

Un traumatisme qui pousse la famille à fuir vers le nord de l’Irak, à Karakosh, où le reste de la famille vit déjà. Pendant plusieurs années, ils vivent ensemble et partagent de nombreux moments avec leurs voisins et les habitants du village, protégés par les bombardements qui ne les touchent pas encore. Lojein, après son bac en 2011, décide de poursuivre ses études à l’université de Mossoul en informatique. 

La fuite face à Daesh

Mais en 2014, un nouveau chapitre sombre s'ouvre avec l’arrivée de Daesh. Leur village est finalement pris pour cible, forçant la famille à fuir une fois de plus.

Un bombardement nous a réveillés une nuit d’août 2014. Nous avons décidé de tout quitter en une seule journée.

Lojein Neamah

Photographe

Ce départ précipité les mène au Liban, où ils vivent difficilement pendant 2 ans avant d’avoir leur demande d’asile acceptée par la France, mais les souvenirs de ces années de chaos et d’incertitude restent gravés dans l’esprit de Lojein.

Sa famille trouve finalement refuge en France en 2017, plus précisément à Nantes. "À 23 ans, j'avais tout perdu : ma maison, mes études, mes amis. Il fallait recommencer à zéro", confie Lojein. Installée à Chaumes-en-Retz, elle travaille dans le supermarché de la commune, tout en apprenant le français à l’université de Nantes, avant de se consacrer à son rêve : devenir photographe.

Une passion devenue un métier

La photographie joue un rôle central dans la reconstruction de Lojein. À travers son objectif, elle immortalise des moments heureux, des visages radieux, mais aussi des souvenirs marqués par la douleur de l’exil. À ses débuts, son téléphone portable lui a permis de capturer la beauté des paysages français et de reconnecter avec ses racines malgré la distance.

Aujourd’hui, Lojein propose ses services dans des domaines variés, des mariages aux portraits d’enfants. "Grâce à la photo, j’ai pu montrer que j’existe, que malgré tout, je suis encore là", explique-t-elle avec émotion. Mais, elle, ce qu’elle veut faire, c’est de la photo-documentaire.

Retour en Irak : un acte de mémoire

Après l’obtention de la nationalité française, Lojein décide de retourner en Irak, en avril 2024, pour la première fois en dix ans. Ce voyage, à la fois personnel et professionnel, s’est transformé en un reportage poignant, visant à documenter la vie après les conflits. "J’ai pris mon appareil photo pour montrer que l’espoir est là, que les gens continuent de vivre malgré tout."

Les rues de Mossoul, les maisons incendiées de son village natal, et l’absence des visages familiers ont laissé en elle un mélange de nostalgie et de tristesse. "J’ai compris que la guerre avait dispersé notre famille à travers le monde. Nous ne pourrons plus jamais être tous réunis."

Une histoire à raconter, un avenir à construire

De retour en France, Lojein a organisé sa première exposition photographique à Paris, en collaboration avec une association irakienne. Cet événement marque une étape clé dans sa carrière, lui permettant de partager son histoire avec un large public. Elle ambitionne désormais de devenir photographe-journaliste, afin de documenter la réalité des réfugiés et des populations en guerre.

"La photographie, c’est un moyen de dire que nous existons, que nous sommes là malgré tout. Qu’il y a de l'espoir".

► Retrouvez tous les témoignages Vous Êtes Formidables sur france.tv

► Voir l'ensemble de nos programmes sur france.tv