Alors que le marché du photovoltaïque est en plein essor, le fabricant français Systovi met la clé sous la porte

Comme d'autres fabricants européens, Systovi a été englouti par la concurrence chinoise, qui inonde le marché de panneaux photovoltaïques à prix cassés. La PME a été placée en liquidation judiciaire, laissant 87 salariés sans emploi.

C’était l’une des dernières entreprises françaises à assembler des panneaux solaires français. Écrasée par une concurrence chinoise féroce, l’entreprise Systovi, fondée en 2008 à Carquefou, près de Nantes, est contrainte de mettre la clé sous la porte. Le couperet est tombé mercredi 17 avril.

Dans un communiqué, le directeur général Paul Toulouse a annoncé que, faute de repreneur, sa PME a été placée en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Nantes. En déposant le bilan, l’entreprise laisse ses 87 salariés sur la touche.   

La production arrêtée hier 

"C'est douloureux de quitter une société comme celle-ci", souffle Fabien Monot, salarié depuis deux ans et demi et membre du CSE. L'homme se tient au milieu de l'atelier, bien silencieux depuis que la ligne de production a été définitivement mise à l'arrêt la veille, mercredi 17 avril.

Sonnés par la nouvelle, les salariés sont en discussion avec la direction de CETIH, le groupe propriétaire de Systovi. "Le but c'est qu'on puisse sortir dignement, sortir les salariés de cette possible précarité qu'on va connaître, c'est vraiment important que la direction joue le jeu et s'implique dans les discussions pour permettre de retrouver un emploi", avance Fabien Monot. Conscients des difficultés rencontrées par leur entreprise depuis des mois, tous les salariés craignaient ce scénario. 

Une "concurrence déloyale"

En un peu moins d'un an, Paul Toulouse a vu son carnet de commandes se vider, jusqu’à franchir une limite.

Pour le fondateur de Systovi, impossible de tenir le cap face à  "une concurrence absolument déloyale de la part des Chinois qui vendent moins cher que leur coût de production, qui sont subventionnés par l'État et qui, en plus, ont investi depuis 15 ans et donc ont des usines gigantesques qui leur permettent d'avoir des coûts de production qui sont moindres que les nôtres."

Avec ces coûts de production au rabais, les panneaux chinois sont vendus en moyenne 50 euros aux installateurs, c’est-à-dire quatre fois moins cher que les panneaux français, fabriqués à partir de composants majoritairement chinois, vendus, eux, autour de 200 euros.

Sur la facture des particuliers qui achetaient les panneaux de Systovi, l’écart de prix était "plutôt de l’ordre de 20 % en comptant la pose et les systèmes autour", selon le directeur. Une différence tout de même trop importante pour les clients, surtout en l’absence de subventions spécifiques aux panneaux français.

"Il serait important de restaurer une compétition qui soit loyale, par exemple en facilitant moins l'import de panneaux chinois, et peut-être en aidant les particuliers qui consomment français, un peu comme on le fait sur la voiture électrique par exemple", estime Paul Toulouse.

Aujourd'hui, si vous achetez une voiture électrique fabriquée en France, vous allez être mieux subventionné que si elle est fabriquée ailleurs. On pourrait faire la même chose sur les panneaux photovoltaïques

Paul Toulouse

Directeur de Systovi

Si un plan de soutien économique à la filière photovoltaïque française émergeait dans les mois ou les années à venir, il serait de toute façon trop tard pour Systovi.

Un marché en plein boom 

Annoncée le mercredi 17 avril, la liquidation de l’entreprise a surpris, alors que le marché du photovoltaïque bat tous les records : l'année dernière, en France, EDF a comptabilisé 150 000 installations de panneaux solaires chez des particuliers.

C'est deux fois plus que l'année précédente. En quête d'autonomie après la récente crise énergétique, ou bien soucieux de faire des économies face à la hausse du coût de l'électricité, les Français sont de plus en plus nombreux à installer des panneaux sur leur toit.

Dans ce contexte, une autre entreprise ligérienne parvient, quant à elle, à tirer son épingle du jeu. Beem Energy, une start-up installée à Nantes (Loire-Atlantique), vend des panneaux solaires en kit fabriqués en Chine, installables directement dans leurs jardins ou sur leurs balcons par les particuliers. Les panneaux, vendus 600 euros, se branchent sur le circuit d'alimentation électrique de la maison, et permettent d'économiser jusqu'à 20% d'électricité par mois. 

Ce panneau en kit a été inventé à Nantes par une équipe d’ingénieurs partis d’un constat : freinés par la paperasse, le coût des travaux d’installation ou bien l’esthétique… trop de particuliers ont encore peur d’installer du solaire sur leur toit. "On a des gens qui ont envie de goûter la technologie, et de se familiariser avec un investissement plus faible, et pouvoir à travers ça comprendre comment ça fonctionne, passer cette première marche, pour aller plus loin par la suite avec plus de puissance et du stockage", explique Ralph Feghali, co-fondateur et directeur général de Beem, rencontré en février dernier. 

L'État au secours du solaire européen

Début avril, la France a d’ailleurs lancé un "plan de bataille" pour favoriser la production de panneaux européens et doubler la production d’énergie solaire dans le pays d’ici à 2030. Mais pour rattraper son retard, le gouvernement mise sur les grosses usines plutôt que les PME.

Interrogé le 26 mars à l’Assemblée Nationale à propos du cas de Systovi, Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’Industrie et de l’énergie, a argué que l’entreprise "est trop petite pour le marché tel qu’il est aujourd’hui". 

Un plan européen en faveur du photovoltaïque made in Europe

Avec 70 000 panneaux solaires vendus en 2022-2023, et malgré de récents investissements pour doubler ses capacités, la force de production de Systovi était trop faible pour obtenir le salut de l’État. Ce n’est pas le cas du consortium HoloSolis qui veut construire une méga usine qui fabriquera un million de panneaux photovoltaïques à Hambach, en Moselle, dès 2027.

850 millions d’investissements, 1 900 emplois créés, et l’espoir, pour le groupe, de parvenir à écouler ses stocks malgré l’offre excédentaire de panneaux chinois sur le marché. Pour y parvenir, Jan Jacob Boom-Wichers, le président du groupe HoloSolis, mise sur le soutien de l’Union européenne, qui vient d’adopter un règlement pour soutenir une industrie "zéro net" (NZIA), et impose ainsi que 40 % des panneaux solaires installés en Europe en 2030 soient d’origine européenne.

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