Auxiliaires afghans de l'armée française : les décisions du tribunal de Nantes annulées

Le tribunal administratif de Nantes est compétent pour juger les recours en cas de refus de demande de visa. Le Conseil d'État et le juge des référés ont annulé deux décisions prisent dans la ville concernant des afghans auxiliaires de l'armée française jusqu'en 2014.

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Ils vivent dans la peur d'être tués pour avoir collaboré avec l'"ennemi": face au refus de la France de les accueillir, d'anciens auxiliaires afghans de l'armée française se sont lancés dans un marathon judiciaire à distance dans l'espoir d'obtenir un visa. Ahmad est l'un d'eux. Ahmad (le prénom a été modifié à sa demande) a travaillé "plusieurs années" avec les troupes françaises en Kapisa, une province instable au nord-est de Kaboul, à un poste dont il ne souhaite pas dévoiler la teneur par peur de représailles.

Aux yeux des insurgés talibans, que la France a combattus en Afghanistan de 2001 à 2014, son engagement équivaut à une "trahison" et il ne compte plus les lettres de menaces et autres appels anonymes. "Je vis caché et quand je sors, je porte un foulard et des lunettes pour ne pas être reconnu", raconte Ahmad à l'AFP depuis Kaboul. "Financièrement, ça va pour moi en Afghanistan, mais je veux une vie calme. C'est pour ça que je veux aller en France". Un récit auquel le Conseil d'Etat s'est montré sensible.

En octobre, la plus haute juridiction administrative française a annulé une décision du tribunal administratif de Nantes qui le déboutait, avec une trentaine d'anciens auxiliaires afghans de l'armée française, de leur recours après un refus de visa.

Le service central d'état civil est situé à Nantes, rassemblant l'ensemble des modifications archives des naissances et décès du pays. À ses côtés, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France (CRRV), elle aussi située à Nantes. Leur présence a rendu le tribunal administratif nantais compétent pour juger l'ensemble de ces affaires, depuis 2010.

Prenant en compte l'"urgence" de la situation et les "risques courus" par Ahmad, les juges ont enjoint le ministère de l'Intérieur de réexaminer sa demande. Il a alors obtenu la promesse qu'un visa lui serait délivré. Mais le sésame se fait toujours attendre et son avocate française Fenna Baouz déplore un "manque d'informations" de la part des autorités.

Or, le temps presse. Jeudi, Tadamichi Yamamoto, représentant du secrétaire général de l'ONU en Afghanistan, a souligné devant le Conseil de sécurité combien le nombre de victimes civiles du conflit se maintenait "à des niveaux extrêmement élevés".

Outre la sanglante insurrection des talibans qui dure depuis plus de 15 ans, l'Afghanistan a vu ces dernières années l'émergence de groupes armés se réclamant du groupe jihadiste Etat islamique (EI), qui s'en prennent aussi bien à l'armée et aux représentants de l'Etat honni qu'aux civils.

"Responsabilités pas assumées"

Selon l'avocate Caroline Decroix, vice-présidente de l'association des interprètes afghans, 173 ex-auxiliaires afghans ont jusqu'à maintenant obtenu des visas, en deux vagues, en 2013 et 2015. Mais sur 252 demandes déposées en 2015, 152 ont essuyé un refus. Et sur ces 152, une trentaine ont saisi le tribunal administratif de Nantes, qui les a déboutés.

Reste alors le Conseil d'Etat, vers lequel seuls neuf anciens auxiliaires afghans, dont Ahmad, se sont tournés jusqu'à maintenant. Vendredi, le juge des référés a, comme pour Ahmad, annulé la décision du tribunal de Nantes pour trois requérants afghans.

Leurs demandes de visas vont donc être réexaminées par le ministère de l'Intérieur. Ahmad s'estime chanceux: un avocat a accepté de plaider pour lui au Conseil d'Etat. Mais quand on vit caché en Afghanistan, se lancer dans une procédure en France est une gageure. D'autant qu'il est "difficile de trouver des avocats qui acceptent de travailler gratuitement" et qui peuvent plaider au Conseil d'Etat, auprès duquel moins de 130 avocats sont agréés, note Fenna Baouz. Un collectif d'avocats prêts à les soutenir s'est parrallèlement mis en place. 

Pour les anciens auxiliaires afghans (interprètes, chauffeurs, employés de maison...) qui n'ont pas accès à un avocat français, Me Decroix veut faire jouer la "protection fonctionnelle", une loi de 1983 qui permet d'assurer la protection, donc un éventuel visa, aux personnels qui ont "servi la France". Mais, d'après elle, le ministère des Armées fait "la sourde oreille" à ses demandes.

"L'armée a besoin de gens qui sont là. Mais, quand il faut partir, les responsabilités ne sont pas assumées", estime l'historien Gilles Manceron, spécialiste de la guerre d'Algérie, qui voit un parallèle entre les harkis, ces musulmans algériens recrutés comme auxiliaires de l'armée française, et les anciens supplétifs afghans.

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