Avortement : "Il faut constitutionnaliser ce droit", Anne Bouillon avocate à Nantes

Après la décision de la Cour Suprême des Etats-Unis de révoquer le droit à l'avortement, plus de 400 avocats ont signé une tribune dans le Journal du Dimanche pour la constitutionnalisation de ce droit. Anne Bouillon, avocate à Nantes, soutient cette initiative et confie ses inquiétudes.

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Publiée dans l'édition du JDD de ce samedi 25 juin, la tribune signée de plus de 400 avocats s'alarme de la décision des juges suprêmes des Etats-Unis de revenir sur le droit à l'avortement dans ce pays et donc, de laisser chacun des Etats décider par eux-mêmes.

"Cette décision, symbole d’un recul des libertés sans précédent, met en danger la sécurité et la santé des femmes américaines, déplorent les avocats signataires dans cette tribune. Elle pose aussi la question de la garantie de ce droit en France où près de 230 000 femmes ont recours chaque année à l’avortement... Rien n’est plus urgent que de renforcer ce droit en l’inscrivant dans la Constitution !"

Anne Bouillon, avocate à Nantes et connue pour son combat contre les violences faites aux femmes soutient cette tribune et appelle elle aussi à inscrire le droit à l'avortement dans la Constitution française afin de le protéger.

Anne Bouillon, quelle a été votre première réaction à l'annonce de la Cour Suprême ?

De la consternation et de l’effroi. Même si on s’y attendait, on savait que la Cour Suprême allait travailler à la réforme de cet arrêt. Mais quand bien même, on espère que ça n’arrivera pas. Je suis consternée comme des millions de femmes, consternée par le fait que les américaines sont renvoyées aux pires heures de la condition féminine, qu’on s’arroge encore le droit de contrôler le corps des femmes. Ce qu’on pense être de l’ordre de la dystopie, on pense toutes et tous à la Servante Ecarlate (roman de science-fiction de Margaret Atwood décrivant un régime totalitaire dirigé par la religion, NDLR), en réalité, d’une manière ou d’une autre, ça se produit et ça se produit maintenant aux Etats-Unis, l’une des plus grandes démocraties de notre planète. 

On vient nier aux femmes le droit de disposer de leur corps. Je suis effondrée.

Anne Bouillon

Avocate

Est-il important aujourd’hui en France d’inscrire le droit à l’avortement dans la Constitution ?

Ça me parait absolument incontournable. J’entends ici et là des voix qui nous disent, encore ce matin sur France Inter, que ça ne serait pas nécessaire, et bien c’est incontournable ! Rappelons-nous en 2017, François Fillon, candidat à l'élection présidentielle, avait indiqué que, à titre personnel, il était contre l’IVG et il voulait supprimer le délit de fausse information. Sur internet il y a des sites qui propagent des fausses informations sur l’IVG. Laurence Rossignol, alors ministre d’Etat, avait codifié ce délit-là. François Fillon s’était clairement exprimé sur le fait qu’il supprimerait ce délit. Rappelons-nous comment certains gynécologues, en 2018, le président du syndicat des gynécologues, avaient pu indiquer que les gynécologues n’étaient pas là pour ôter la vie.

Il ne faudrait pas croire que ce droit est sécurisé en France.

Anne Bouillon

Avocate


Les mouvements contestataires de ce droit, dont je pense qu’il doit être inaliénable, sont toujours à l‘œuvre, puissants, organisés. Comme l’a dit de manière prophétique Simone de Beauvoir il y a quelques décennies : "Il suffit d’une crise pour que ce soit les droits des femmes en premier qui soient remis en question" donc il faut sanctuariser le droit à l’avortement. Pour le sanctuariser, pour le rendre inatteignable, il faut le constitutionnaliser.

J’appelle de mes vœux la promulgation de cette loi pour constitutionnaliser ce droit à l’avortement.

Anne Bouillon

Avocate

Pour vous, ce droit à l’avortement peut être remis en cause ?

Bien sûr, il l’a été en Pologne il n’y a pas longtemps. On sait qu’en Espagne il est précarisé aussi. Il serait illusoire de croire que le droit à l’avortement est un droit inaliénable. Pour ou contre l’avortement, c’est un débat que moi je ne veux plus avoir. C’est terminé, on a eu ce débat il y a 50 ans. Le droit des femmes à disposer de leur corps est un non sujet. Mais c’est une posture que je prend. La réalité, c’est qu’ils sont encore nombreux et nombreuses à penser que, pour des raisons qui leurs appartiennent, ils devraient décider de ce que moi, vous, les autres femmes, devront faire ou ne pas faire de notre corps et ça c’est insupportable. Donc il faut nous protéger contre cette tendance et cette tentation qui restent fortes et lourdes en France aujourd’hui.

Ils devraient décider de ce que les femmes, devront faire ou ne pas faire de leur corps

Anne Bouillon

Avocate

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