Selon Sophie Marinopoulos, les enfants nous disent et nous montrent qu'ils ne peuvent pas faire tout, tout seuls, qu'il leur faut de la relation. Cette qualité de la relation à l'autre et à l'environnement est une condition indispensable à l'amélioration de notre monde selon la psychologue et psychanalyste
"On est en train de vivre dans une sorte de folie qui va nous rendre tous malades !"
Sophie Marinopoulos, ne fait pas que constater les symptômes et identifier l'origine du mal, elle nous indique également où trouver le traitement : en regardant nos enfants. C'est le thème de son nouvel essai.
Les problèmes de notre monde sont avant tout des problèmes relationnels, estime la psychanalyste, des relations que nous ne prenons pas le temps d'établir, d'entretenir et de soigner. Des relations aux autres mais aussi à notre environnement. Tout ce que l'enfant réclame, dès sa naissance et qui transparaît dans son regard avide de créer un lien.
Laisser les enfants faire leurs propres expériences
"Ça ne sert à rien de faire appel à l'écologie si on n'éduque pas à l'écoute de l'environnement !", assène au passage Sophie Marinopolos.
Et cela commence dès la naissance. Nos enfants que l'on met en crèche puis à l'école dès trois ans et à qui on demande de s'asseoir pour apprendre. Alors que l'enfant apprend lorsqu'il est en mouvement.
"On leur impose le silence, constate Sophie Marinopoulos, on ne les laisse pas explorer toutes leurs propres capacités. On organise pour eux le temps de la découverte et on ne part pas de leurs propres initiatives. On les prive d'une partie de la compréhension du monde. On leur dit ce qu'il faut faire, ils n'apprennent pas par l'expérience."
L'autre n'est pas un étranger dangereux pour moi-même.
Sophie MarinopoulosPsychologue, psychanalyste
La psychologue, spécialiste de l'enfance, a nourri son nouvel ouvrage de ses 40 années de pratique professionnelle et de travaux de chercheurs. Mais aussi d'une actualité qui vient nous rappeler les fondamentaux comme l'histoire de ces quatre enfants survivants d'un accident d'avion au printemps dernier, en Colombie. Âgés de 1 à 13 ans, ces enfants, guidés par l'aînée, ont survécu dans la forêt pendant quarante jours "parce qu'ils ont su lire la forêt, écouter les rivières" conclut Sophie Marinopoulos, reprenant en cela, les conclusions des Amérindiens.
"C'est ce dont nous privons les enfants, déplore-t-elle. On les éduque seulement à voir et on les prive des autres sens."
L'écran maltraitant
Dans son livre intitulé "Ce que les enfants nous enseignent", à paraître le 10 janvier prochain, Sophie Marinopoulos consacre tout un chapitre à l'omniprésence des écrans dans la vie des enfants. "L'écran n'est pas un parent comme les autres, dit-elle. Un parent est capable d'être là, mais aussi de s'absenter pour que l'enfant initie ses expériences de vie. L'écran veut être là tout le temps, qu'on lui consacre notre vie. C'est un parent maltraitant, il est redoutable."
Ralentir
"Ce n'est pas la crise climatique qui va nous détruire mais la crise relationnelle, prédit la psychanalyste. On vit dans une société qui va tellement vite qu'on n'a pas le temps de faire nos expériences relationnelles. Les enfants ont besoin de temps. De faire des expériences, de les refaire, les rerefaire. Il faut ralentir."
Pour illustrer cette recherche toxique de rapidité, d'efficacité qu'impose notre monde, Sophie Marinopoulos prend pour exemple ce secteur de la santé, à la technicité très pointue mais qui n'a pas le temps, en consultation, d'écouter le patient.
La spécialiste de l'enfance et de la parentalité nous dit qu'il faut entendre le message que nous donnent les enfants qui réclament le temps d'apprendre, de nouer des liens.
"Les enfants sont en empathie, dit-elle, avec une capacité à comprendre l'autre, à le consoler. Je les vois vivre, je les trouve subjuguant dans leur capacité à prendre leurs responsabilités d'êtres humains."
On construit une société de méfiance. Nos contrats d'assurance sont extraordinaires. Il n'y a jamais assez de chapitres !
Sophie MarinopoulosPsychologue, psychanalyste
L'apprentissage du langage est également, selon elle, un élément majeur dans cette crise relationnelle que nous vivons. "Moins on a de mots, dit-elle, plus on tape. Les coups partent plus vite que les mots parce qu'on n'a pas les mots. Savoir parler de soi, de ce que l'on ressent, de ce qui nous maltraite, ça met une distance avec la violence."
"Ce que les enfants nous enseignent", aux éditions Les liens qui libèrent, est autant un ouvrage clinique, scientifique que philosophique.
Sophie Marinopoulos est psychologue et psychanalyste. Elle a exercé au CHU de Nantes. Elle est spécialiste des relations intrafamiliales et a, à ce titre, publié plusieurs ouvrages. Elle a également ouvert, d'abord à Nantes, puis dans d'autres villes en France et en Belgique, des lieux d'accueil et d'écoute (Les pâtes au beurre) pour les parents et leurs enfants. Elle est, de plus, auteure d'un rapport ministériel "Promouvoir et pérenniser l’éveil culturel et artistique de l’enfant de la naissance à 3 ans dans le lien à son parent"