Il avait disparu à Nantes le 21 juin 2019, après une violente charge policière pour stopper la musique. Steve Maïa Caniço avait été retrouvé mort, noyé dans la Loire. Un an après, ses proches souffrent de son absence, et l'enquête se poursuit.
Un an après, quand elle décrit son meilleur ami, elle n'arrive toujours pas le mettre au passé : "C'est la gentillesse incarnée. Jamais je ne me suis disputée avec lui, il n'y avait pas besoin de se disputer avec lui. Il était juste simple."
À Nantes, le souvenir de Steve était partout
Quelques mois après la mort de Steve, Morgane Collinet a quitté Nantes pour Châteaubriant, moitié pour suivre sa copine, moitié pour fuir les inscriptions, les fresques, qui lui rappelaient à chaque coin de rue que son ami n'était plus là.
"Pour les fêtes, il y avait ces affiches : un Noël sans Steve. Il y avait une part de moi que ça mettait en colère. Je comprends que c'était une manière de montrer aux autres, à la population, que ce n'était pas fini, qu'il n'y avait pas de justice. Mais moi, je savais que je passerais mon anniversaire sans lui, que Noël serait sans lui. Je savais tout ça. J'avais pas envie qu'on me le rappelle."
Avec Steve, Morgane partageait l'amour des free partys où ils dansaient, presque tous les week-ends. Mais elle faisait partie du cercle plus intime, ceux avec qui le jeune homme partageait ses espoirs, ses secrets. L'envie de trouver une copine, de prendre son indépendance et de quitter l'appartement où il vivait encore avec son père. Des rêves à sa portée, lui qui aurait dû être titularisé, à la rentrée suivante, dans l'école de Treillères, dans le nord de Nantes, où il intervenait en tant qu'animateur périscolaire.
Un garçon lumineux et empathique
Devant l'école, Anne-Claire Le Portois-Girin se souvient d'un garçon lumineux, que les enfants adoraient voir tous les matins, lorsqu'il les saluait à la grille d'entrée. "Il avait été formé sur tout ce qui était communication non-violente. Je l'ai vu s'adresser à des enfants qui se bagarraient. Il le faisait d'une façon tellement simple et tellement bienveillante que tout se calmait."
Cette mère de famille connaissait Steve depuis presque 15 ans, elle l'avait rencontré au sein de la compagnie de théâtre qu'ils fréquentaient tous deux. Elle, chez les adultes, et lui, d'abord chez les enfants, avant d'être adopté par la troupe principale.
Elle se souvient du frêle adolescent qui, même lorsqu'il ne jouait pas, aidait à installer la scène et les décors lors des déplacements. De sa capacité à faire passer les spectateurs du rire aux larmes, en quelques phrases. Et de ses qualités humaines : "Je crois que je n'ai jamais vu quelqu'un d'aussi présent aux autres, dans l'attention qu'il avait avec nous."
Steve aurait eu 25 ans
C'est ce rapport aux autres qui a aussi marqué Amélie Héligon. Elle a connu Steve en fréquentant les free party, mais il est l'un des rares qui l'appelait aussi régulièrement, pour prendre des nouvelles.
Elle se souvient d'une sensibilité rare, à fleur de peau : "J'ai rarement vu quelqu'un apprécier autant la musique. Quand on était en rave, ça m'arrivait souvent de tourner la tête, le voir danser comme un fou et être en pleurs parce que la musique le prenait littéralement jusqu'aux tripes."
Début juin, Steve aurait dû fêter ses 25 ans. Sa soeur a laissé publier ce message sur les réseaux sociaux : "Aujourd'hui est un jour douloureux pour nous, tu aurais eu 25 ans. Pour certains, tu étais un ami, pour d'autres, un meilleur ami ou encore un frère, un fils juste incroyablement différent, et c'est ce qui faisait qu'on t'aimait énormément."
Trois procédures en cours
Désormais, ses amis et ses proches attendent que la justice soit faite. L'enquête entamée l'an dernier par l'IGPN, la police des polices, a été reprise par le parquet de Rennes où l'affaire a été délocalisée à la demande des juges nantais, afin d'éviter toute pression sur ce dossier sensible.
La famille s'est portée partie civile dans le cadre de l'information judiciaire ouverte contre X pour homicide involontaire, et attend notamment l'analyse de la géolocalisation du téléphone de Steve.
S'il est établi que le jeune homme se trouvait quai Wilson au moment de l'intervention des policiers, le 21 juin à 4h30 du matin, cela irait dans le sens d'un lien de cause à effet entre les tirs de grenades par la police, et la chute de Steve Maïa Caniço dans la Loire.
Ce soir-là, 14 autres personnes étaient tombées dans le fleuve. 89 personnes ont porté plainte pour mise en danger de la vie d'autrui par les dépositaires de la force publique. Le même juge d'instruction analysera aussi la plainte de policiers qui disent avoir été blessés par les fêtards.
Les proches ébranlés par cette affaire
Le quai Wilson, lui, ne sert plus, ni à la fête, ni au souvenir de Steve. En décembre, 6 mois après les faits, le port, propriétaire des lieux, a condamné tous les accès.
De leur côté, les proches de Steve ont été profondément ébranlés par les circonstances de la mort du jeune homme.
"Moi j'ai grandi avec le fait que les policiers étaient là pour nous protéger, et aujourd'hui, j'ai peur d'eux. Quand je les croise dans la rue, même si je sais qu'il y a des bons flics, pour moi ce sont les meurtriers de mon pote", explique Morgane Collinet, qui espère qu'un jour, la justice apportera quelques réponses, et que les responsables de la mort de Steve seront traités comme n'importe quel justiciable.
Une marche et une manifestation prévues dimanche 21 juin
- Dimanche, à partir de 15 heures, une marche partira à Nantes du miroir d'eau au pied du château en direction du quai Wilson, à l'appel de ses proches.
- À 18 heures, un autre appel à manifestation, festive, émane du milieu des free parties, qui annonce également une soirée revendicative au mémorial du quai de la Fosse.
- La préfecture de Nantes autorise la marche blanche, mais pas la manifestation prévue à 18 h, non déclarée.