Parmi la multitude de musiciens de la scène nantaise dans les années 90, Jérôme Grousset tient une place à part. Lui et ses groupes, c’était "The Cure" à Nantes. Le documentaire Cure Toujours ! raconte son histoire qui se poursuit aujourd’hui, avec le même look et la même envie.
Pour se rappeler des années 80, on a deux options : écouter ses vieux CD, ou avoir un pote comme Jérôme Grousset. Jérôme est une figure de la scène cold wave des années 80 à Nantes. Il a fondé deux groupes , Dies Irae et Taedium Vitae, qui ont eu leur heure de succès et enregistré plusieurs albums. Leur look et leur musique était influencés par le groupe qui a le plus compté dans la vie de Jérôme, The Cure.
Le réalisateur Marc Cortès a connu Jérôme Grousset quand ils étaient tous deux élèves au collège Beauregard à Nantes. Comme beaucoup, ils tâtaient d’un instrument, montaient des groupes, se donnaient une allure rebelle bref, vivaient leur adolescence comme des milliers d’autres. On est au milieu des années 80, à l’époque, The Cure règne sur les charts.
En 2021, on aura du mal à réaliser combien la bande de Robert Smith, a pu marquer la génération 80, cheveux noirs en pétard, look gothique androgyne et musique charriant des tonnes de spleen. Des fans absolus de The Cure, il y en avait toujours un petit groupe dans chaque lycée, garçons et filles, on les surnommait les corbeaux.
Aujourd’hui, la plupart s’en souviennent en souriant comme d’un rite de passage, avant de revenir à une trajectoire balisée. Les études puis le travail ont bien vite ramené les "Curistes" vers d’autres horizons. Les modes ont changé, le monde aussi. Mais pas Jérôme, qui affirme au début du documentaire : "si on suit la mode, on n’est plus soi-même."
Jérôme Grousset, c’est donc celui qui a continué à aller tout droit quand d’autres changeaient d’itinéraire. Un type sincère, intègre. On pense au rôle de Dany joué par Jean-Pierre Darroussin dans "Mes meilleurs copains" de Jean-Marie Poiré. Jérôme, c’est l'archétype du copain qu’on avait perdu de vue et qu’on retrouve des années plus tard intact, fidèle aux autres et à lui-même, sans rancoeur ni cynisme : juste l’envie encore et toujours d’écouter, de composer, de jouer la musique.
En miroir, Marc Cortès nous renvoie une question : et nous, à quoi avons-nous renoncé après notre adolescence ? À la plupart de nos rêves bien sûr, et à l’innocence sans doute.
Une vie rock and roll
Marc Cortès entreprend avec Cure Toujours ! de rendre hommage à son pote Jéjé. Rendre hommage à son talent tout d’abord, Jérôme Grousset signe lui-même la bande originale du film. Mais il lui faut aussi interroger le sens de sa ténacité. Jérôme n’a jamais eu la vie facile, avec une enfance marquée par la maladie, et un père trop tôt disparu. Il a toujours couru après l’argent, travaillé sur des chantiers pour gagner sa vie mais a toujours tout donné à sa passion de jeunesse, sans compromis.
Rappel : une vie Rock and Roll, c’est difficile, et même dangereux. Dans les souvenirs de beaucoup d'entre nous s'agite la silhouette d'un copain qui y a laissé sa peau sans postérité.
Le documentaire saisit Jérôme à la veille d’un concert qu’il organise au Floride à Nantes pour son come-back après 15 ans sans monter sur scène. Il n’a pas pu recruter de musiciens alors il se produira tout seul, en première partie de Jacquy Bitch, figure française du Death Rock.
Rendez-vous chez la coiffeuse du quartier qui n’avait jamais fait de coupe façon Cure de toute sa carrière, démarchage du magasin de musique, négociations pour la sono et l’éclairage, achat des fringues pour le concert, distribution de flyers, lessive chez sa mère qui déteste The Cure : Jérôme est au taquet.
Marc Cortès suit les préparatifs et nous fait rencontrer tout le petit monde de Jéjé. La famille : sa mère Evelyne, sa tante Claudette qu’il appelle « Tata Rock and Roll », et sa fille Eolia, 15 ans. Et puis les anciens amis, et les musiciens qui l’ont accompagné dans ses groupes : certains sont passés à autre chose, mais tous respectent son intégrité.
Après l’épisode tant attendu du concert au Floride dont on ne dévoilera rien ici mais incontestablement un temps fort du film, se déploiera un autre horizon pour Jérôme Grousset. Comment durer ? Faut-il persister dans ce style musical, au prix de la solitude, voire de la marginalité ?
Pierre-Jean Chabot, violoniste du groupe Orange Blossom et lui aussi connaissance de longue date viendra apporter sa bienveillance, ses conseils pour aider Jérôme à réaliser le rêve de succès qu’il poursuit depuis si longtemps.
Rythmé par la musique de Jérôme Grousset, riche en archives et surtout gorgé d’humanité, Cure Toujours ! est un documentaire au parfum nostalgique charmeur, avec supplément d'âme. On le comprend vite, Jérôme n’est pas ici que le copain de Marc Cortès. Il est celui qui sans le savoir nous interroge sur nos revirements, nos renoncements et notre insouciance perdue.
Cure Toujours ! Un film de Marc Cortès, écrit par Marc Cortès et Jean-François Tatin
Une coproduction France Télévisions - France 3 Pays de la Loire / La Main Productions
Diffusion lundi 21 juin à 23h50. Rediffusions mardi 22 juin et mercredi 30 juin à 9h15