Estimant que le président de la République n'a pas respecté la Constitution Française, deux avocats d'un cabinet des Pays de la Loire intentent un recours devant le Conseil d'Etat contre les dates des élections législatives anticipées. Pour eux, l'urgence requise pour le choix d'un délai aussi court n'existe pas.
Le président de la République aurait-il pris quelque liberté avec la Constitution Française ? Cela pourrait-être un bel exercice à donner à des étudiants de première année de Droit. Mais, en l'occurrence, c'est aussi une question cruciale que posent, en ces jours de bouleversements institutionnels, deux avocats d'un même cabinet.
Maîtres Bertrand Salquain et Gwenola Vaubois, du cabinet Atlantique Avocats Associés qui possèdent deux bureaux, l'un près de Nantes et l'autre près d'Angers, ont soulevé un point de droit constitutionnel.
Des élections législatives un peu trop anticipées
Ces deux juristes, plutôt spécialisés en droit du travail et droit de la famille, ont été alertés par un fait d'actualité : la dissolution de l'Assemblée Nationale par le président de la République et la convocation d'élections législatives anticipées pour les 30 juin et 7 juillet prochains.
Si renvoyer dans leur circonscription 577 députés au motif d'une dissolution ne pose pas de problème aux deux avocats, le délai très court imposé par Emmanuel Macron pour la campagne, avant le premier tour des élections anticipées, est en revanche, selon eux, contestable.
C'est pourquoi ils ont décidé de saisir le Conseil d'Etat "pour ordonner la suspension des élections législatives, et enjoindre au président de la République de fixer un nouveau calendrier" disent-ils.
Pas d'urgence justifiant une campagne électorale si courte
En bons juristes, ils ont joint à cette demande leurs arguments, décortiquant le fil de la décision présidentielle.
"En l’espèce, argumentent-ils dans leur recours, par Décret du 9 juin 2024 pris sur rapport du Premier ministre et du ministre de l’Intérieur au visa de l’article 12 de la Constitution, le Président de la République a entendu viser l’urgence pour convoquer à bref délai des élections législatives."
Or, selon les deux juristes, urgence, il n'y a pas. Et pour deux raisons.
D'abord, il n'y a pas de crise institutionnelle et, ajoutent-ils, "il n’existait pas une urgence au sens de l’article 21 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme pour rendre exécutoire immédiatement une décision qui n’était imposée par aucun événement imprévisible."
Aux arguments juridiques, les deux avocats joignent une enquête du journal Le Monde :
"Dans son article du 10 juin 2024, écrivent-ils, le journal Le Monde a révélé que la dissolution de l’Assemblée nationale aurait été orchestrée « secrètement » par « une cellule d’une dizaine de personnes » qui « travaillait à l’Élysée sur ce scénario à haut risque ». Il résulte de l’article du journal Le Monde qu’une conjuration se serait mise en place contre la démocratie et que selon ce quotidien, une dizaine de personnes auraient préparé secrètement la dissolution de l’Assemblée nationale depuis des semaines, ce qui constituerait un acte illégal si ces révélations étaient confirmées."
"Le scrutin électoral ne peut valablement se tenir le 30 juin"
Citant toujours les fondements juridiques contenus dans la Constitution, les deux avocats rappellent qu'il faut "au moins trois week-ends entre la dissolution et l’organisation du scrutin, ce qui constitue un seuil démocratique minimum. Le Conseil d’État jugera par ailleurs de lui-même que le délai de 20 jours minimum prévu par la Constitution pour tenir un scrutin n’est pas respecté si l’on considère que ce délai n’a valablement pu courir qu’à compter du 11 juin, lendemain de la publication du Décret, et expire donc le 30 juin à minuit, de sorte que le scrutin électoral ne peut valablement se tenir le 30 juin."
Bref, Maître Salquain et Vaubois, puisent dans la Constitution des motifs d'annulation et dans le déroulé des événements un manque de bonne foi du président.
"Des scenarios au sein de cellules secrètes"
"Il n’existe pas de démocratie sans élections libres et honnêtes, estiment-ils. Quel autre pays dans le monde organiserait des élections aussi importantes, en laissant seulement cinq jours pour candidater entre le 12 et le 16 juin, et en ourdissant des scenarios au sein de cellules secrètes comme si les droits fondamentaux des citoyens pouvaient dépendre de stratégies politiciennes à un moment où la réflexion est le meilleur conseil qui puisse être donné à des électeurs avant de prendre des décisions qui engageront l’avenir de notre pays."
Les deux juristes espèrent que le Conseil d'Etat ne bottera pas en touche en se déclarant incompétent. L'institution a, selon eux, dans de telles circonstances, 48 heures pour se prononcer.
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