La décision était attendue par les opposants au projet de méthaniseur géant de Corcoué-sur-Logne, commune située au sud de la Loire-Atlantique. Le préfet a décidé de ne pas valider le projet Méta-Herbauges porté par plusieurs agriculteurs, à proximité du site de la Coopérative d’Herbauges. L'impopularité de ce méthaniseur serait en partie en cause.
La préfecture des Pays de la Loire a annoncé jeudi 23 novembre tard dans la soirée retoquer le projet de méthaniseur géant de Corcoué-sur-Logne au sud de Nantes.
La décision avait déjà été repoussée de deux mois. Mi-novembre, le préfet avait entendu et réuni les différents acteurs du dossier, élus locaux et départementaux, comme porteurs du projet. Il aura finalement donné son avis en une petite dizaine de jours.
Un vent de victoire
Pour tous les opposants au méthaniseur dit "XXL" de Corcoué-sur-Logne en Loire-Atlantique, c'est une petite victoire."On est hyper heureux d'avoir été écoutés et entendus", lâche un grand sourire dans la voix Mauricette Couëron, du collectif La Tête dans le gaz.
Pour nous ce n'est pas le Black Friday mais plutôt un vendredi qui a la couleur de la victoire. C'est mission accomplie car nous avons toujours fait ce que Métha-Herbauges a refusé de faire : communiquer et informer sur les dangers de la méthanisation.
Mauricette CouëronCollectif Vigilance Méthanisation Corcoué et La Tête dans le gaz
Elle ajoute : "Nous tenons à remercier les 70 % de la population qui s'est exprimée contre ce projet lors de l'enquête publique. Merci à la démocratie et à nos élus de tous bords qui ont relayé les voix de tous les citoyens. Nous donnons notre soutien aux associations et aux collectifs qui œuvrent pour l'avenir de la planète et le bien-être de nos enfants".
Malgré ce vent de "victoire", pas question de baisser la garde. Le militantisme reprend le dessus. Les collectifs restent vigilants. "Nous voulons mettre en garde tous les porteurs de nouveaux projets : attention aux impacts des digestats (les résidus du processus de méthanisation de matières organiques naturelles ou de produits résiduaires organiques sur la terre.) Sur ce sujet, des études sont en cours. Nous pensons que nous devrions accorder plus de confiance aux trente spécialistes du 'Collectif scientifique nationale méthanisation raisonnable' plutôt qu'aux lobbyistes", achève Mauricette Couëron.
Vigilance
Pour Maryvonne Arnaud, du même collectif, il est important de rappeler les raisons de leur opposition au projet. "Nous avons des arguments écologiques importants puisque c'est un projet qui va à l'encontre de la biodiversité, à l'encontre d'une agriculture à taille humaine. Il ne faut pas oublier aussi que ce projet est détenu par les agriculteurs à 51%, certes, mais aussi par 'Nature Energy', une société danoise spécialisée dans la méthanisation et ça, nous n'en voulons absolument pas. Nous avons aussi des arguments, si nous choisissons de vivre à la campagne, ce n'est pas pour avoir autour de nous une entreprise, il s'agit là d'une usine de méthanisation, ce n'est pas du tout un petit méthaniseur."
Soulagement
Pour Claude Naud, le maire de Corcoué-sur-Logne, l'annonce du rejet du projet par la préfecture est salutaire. "Lorsqu'une information comme celle-ci arrive au terme de quatre années de longs débats et échanges, d'incertitude, c'est un aboutissement, un soulagement." Mais il reste tout de même prudent. "Rien n'est acquis. Ce projet, comme tous les autres du même type, n'était pas soutenable. Il n'aurait jamais dû obtenir une oreille attentive de la part de l'État et des collectivités. L'État devrait être alerte dès l'origine de ces projets quand il voit qu'ils sont impopulaires car ensuite cela crée des rapports de force et donc de la violence".
Si ce projet avait vu le jour, cela aurait été le signe que notre société a enterré une forme d'agriculture nourricière pour lui préférer de la production énergétique. Il faut cesser de mettre des vaches dans des étables afin qu'elles produisent des déjections au lieu de produire du lait."
Claude NaudMaire de Corcoué-sur-Logne
Impliqué depuis le début du projet pour préserver sa commune et l'environnement, il est aussi très critique et inquiet quant à l'avenir. "Il faut que notre société change de cap, qu'elle soit plus sensible. Que l'agriculture permette de dégager des revenus aux hommes et aux femmes avant tout."
Problématique des routes
"La problématique des routes est certainement entrée dans la balance. Elle obligeait le conseil départemental -lequel n'avait pas envie d'être obligé- à transformer ses routes.Or cela a un coût pour la collectivité, et donc pour les citoyens."
Claude Naud précise encore :"Si le projet voyait le jour, 200 véhicules par jour auraient circulé sur nos routes. Or le réseau routier d'ici n'a jamais été conçu pour une telle charge de poids lourds. Cela aurait entraîné de lourds travaux de rénovation que le département n'avait pas les moyens de satisfaire".
"Je ne suis hostile à aucune forme de méthanisation ou de quelque autre forme de production d'énergie, à condition qu'elle soit pensée, raisonnable sur les territoires, en accord avec ceux qui y vivent.", se confie l'élu. "Il ne faut pas oublier que tous ceux qui se sont opposés au projet l'ont fait non pas parce qu'ils étaient contre la méthanisation mais parce qu'ils ont compris que ce projet n'était pas concevable ni durable à l'échelle des territoires ruraux."
Pour Didier Couëron, autre membre du CGMC, l'autre risque craint par les opposants était le manque d'agriculteurs pour appprovisionner le géant méthaniseur. "S'il n'y a pas assez d'agriculteurs pour alimenter le méthaniseur, et on est persuadés qu'il n'y a pas assez d'agriculteurs, ils iront chercher leurs bouses de vaches encore plus loin. Or là, le trafic était déjà tracé dans un périmètre de 50 km, c'est déjà beaucoup".
Changer de cap
Il reste également méfiant quant aux suites de cet abandon de projet qu'il dénonce depuis le début comme un projet industriel et non agricole : "Je réaffirme que les mêmes modèles produisent les mêmes effets. Même si on divisait par deux ou par trois la taille du méthaniseur, les effets seraient les mêmes. Si on ne change pas de paradigme et de vision, nous irons vers les mêmes projets et nous n'accepterons pas cela à Corcoué-sur-Logne".
L'enquête publique autour du projet avait abouti à un avis favorable mais avec 9 réserves, dont celles du trafic routier.
Pour les 200 agriculteurs qui étaient associés à ce projet, la nouvelle est difficile. Contactés, ils n'ont pour l'instant pas souhaité s'exprimer, "tant que la préfecture n'aura pas officiellement communiqué".
Claude Naud, le maire de la commune, a quant à lui souhaité préciser : "Je n'ai jamais été en guerre contre les porteurs de projet. J'ai toujours veillé à ce qu'il n'y ait pas de violence. J'apporte l'attention à ce que les pouvoirs politiques et économiques ne fassent pas la sourde oreille face à des inquiétudes citoyennes".