Une trentaine d'anciens auxiliaires afghans de l'armée française, dont de nombreux interprètes, contestaient jeudi à Nantes, via leurs avocats, le refus par l'État français de leur accorder un visa malgré les risques qu'ils encourent en Afghanistan.
Le tribunal administratif de Nantes, seul compétent en France en matière de refus de visa, examinait jeudi matin 31 dossiers déposés par
des Personnels civils de recrutement local (PCRL), principalement d'anciens interprètes, mais aussi d'anciens magasiniers ou commis de cuisine.
Selon Me Fenna Baouz, l'une des premières à avoir soutenu ces procédures, plusieurs dizaines d'autres recours devraient bientôt suivre.
Une centaine d'anciens PCRL ont bénéficié à ce jour d'un processus de "relocalisation" en France. Mais de nombreux autres - au moins 91 selon Me Baouz - ne peuvent pas quitter l'Afghanistan car ils ont été déboutés par la Commission des recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.
Jeudi, leurs avocats contestaient ces refus devant le tribunal administratif, en s'appuyant notamment sur une loi de 1983 qui oblige l'État à protéger ses fonctionnaires et ses contractuels en cas de menaces qui sont les conséquences de l'exercice de leurs fonctions.
Les requérants invoquaient également l'insuffisance de la communication des motivations de la Commission des recours ou encore l'absence d'examen des situations individuelles.
"Il est urgentissime que vous suspendiez les décisions contestées car il en va véritablement de leur vie", a plaidé Me Loïc Bourgeois pour justifier le choix de la procédure d'urgence: un référé-suspension. Au lieu des 18 mois d'attente pour une décision sur le fond, le tribunal devra en effet statuer d'ici seulement quelques jours.
Le mois dernier, l'Association des anciens interprètes afghans de l'armée française a dénoncé la "mise en danger de plusieurs dizaines d'auxiliaires" du fait de "carences du dispositif" de relocalisation en France, dans une lettre ouverte aux ministres des Affaires étrangères et de la Défense, Jean-Marc Ayrault et Jean-Yves Le Drian.
Ces auxiliaires "constituent des cibles" pour les talibans, quel que soit le temps servi auprès des troupes tricolores, avaient-ils estimé.
Plusieurs décapitations d'interprètes ont eu lieu ces dernières années.
Quelque 700 Afghans ont travaillé pour les militaires français entre 2002 et la fin 2014, quand les derniers contingents français ont quitté l'Afghanistan.