Ils auraient pu se sentir frustrés, jeter baguettes et médiators dans la Loire, rendre l'âme à qui elle appartient mais non, la pandémie n'a pas empêché notre trio de scène nantais de poursuivre son chemin et de jeter les bases d'un son puissant et sans frontière. Sur album. Interview...
Tous ceux qui le connaissent un tant soit peu savent que Mad Foxes est avant tout un groupe de live qui a fait ses armes et développé une identité sur les scènes d'ici et d'ailleurs. Alors, bien sûr, se retrouver dans l'impossibilité de jouer devant un public pendant des mois n'était pas franchement prévu à son agenda.
Mais les longs mois de silence forcé n'ont pas empêché Lucas, Elie et Arnaud de travailler, répéter et nous offrir au final un album au son énorme baptisé Ashamed, 11 titres qui devraient nous sortir définitivement de la torpeur pandémique et nous faire rêver un peu plus du retour des concerts.
Pour en parler, direction les Nefs de l'île de Nantes, à deux pas de la fameuse salle de concerts Stereolux, où j'ai rendez-vous avec Lucas, le chanteur et guitariste du groupe. Il pleut et il fait froid ce jour-là, très froid, Et comme si ça ne suffisait pas, il y aura pendant tout notre entretien comme un bruit de marteaux-piqueurs permanent en fond sonore. Une partie des Nefs est en travaux. Pas franchement l'idéal pour discuter musique, mélodies, son... mais on s'en contentera en attendant la réouverture de nos lieux de vie habituels.
Bonjour Lucas, pas trop froid ?
Lucas. Non non ça va...
Peux-tu nous présenter en quelques mots Mad Foxes ?
Lucas. Mad Foxes, c'est trois garçons, Elie à la batterie, Arnaud à la basse et moi, Lucas, à la guitare et au chant. On fait du grunge heavy post punk et on est originaire de Nantes cette si belle ville.
Vous venez de sortir votre deuxième album, Ashamed, honteux en bon français. Qu'est-ce qui vous fait si honte ?
Lucas. L'album coïncide avec une période de remise en question, de prise de conscience, de nos privilèges. Cette remise en cause implique une certaine forme de honte. Après, on ne se flagelle pas non plus tous les matins...
Que racontent globalement vos chansons ? L'amour mais encore ?
Lucas. Ça parle d'amour, oui, ça parle aussi de trouver sa place, une place qui puisse être respectueuse de toutes les autres personnes, ça parle d'anxiété, de la beauté des choses, parfois de la nécessité de prendre du temps pour méditer et contempler...
On a toujours voulu écrire des chansons avant de faire de la musique
Tu as expliqué dans une interview il y a quelques années privilégier une approche sociale... C'est toujours le cas ?
Lucas. On est des mecs blancs, hétéros, on a pas mal de privilèges, on voit tout autour de nous des gens qui rencontrent des difficultés économiques, qui ont du mal à se faire accepter, alors, oui, c'est toujours le cas...
Onze morceaux, autant de bijoux post-punk, tout en puissance et mélodies : c'est la marque de fabrique de Mad Foxes ?
Lucas. On a toujours voulu écrire des chansons avant de faire de la musique. Et jouer les contrastes. Certains morceaux sont très très calmes, d'autres sont beaucoup plus bruts et violents mais il y a toujours en fil conducteur ces chansons comme on peut en écrire dans la variété...
Avec des mélodies entêtantes ?
Lucas. Oui, ce n'est pas calculé, on vient de ces musiques-là, de Nirvana... On aime quand ça nous reste dans la tête.
Des mélodies, mais aussi un gros son bien gras, bien lourd, qui nous rapproche parfois du métal comme sur les titres Sights, Charlie ou The Cheapest Friend...
Lucas. On ne vient pas du metal en tant que groupe, mais plutôt du stoner et du heavy, on aime tout ce qui est lourd, puissant. Sur le premier album déjà, on essayait d'avoir ce son-là, très heavy blues stoner...
C'est le son Fender, un son que tu reconnais très vite, un son qu'on adore
Comment avez-vous trouvé ce son justement qui est le vôtre maintenant ?
Lucas. Très bonne question. La recherche du son est venue assez tard. Comme je le disais précédemment, on a d'abord travaillé les chansons. Pour nous, une bonne chanson avec un mauvais son sera toujours meilleure qu'une chanson vide avec un son énorme. La recherche d'un son s'est faite au fil des concerts. J'ai choisi de jouer sur une stratocaster pour avoir un son très incisif, ajouté à des pédales heavy pour avoir une espèce de mélange, quelque chose à la fois de super lourd et de claquant. C'est le son Fender, un son que tu reconnais très vite, un son qu'on adore. Après, il y a le travail de Christophe Hogommat sur l'enregistrement de l'album.
Il a eu un rôle très important ?
Lucas. Il nous a beaucoup aidé a trouver notre identité. On avait des idées en tête mais c'est lui qui rendait les choses concrètes. Christophe a vraiment amené une pierre à l'édifice pour que ça sonne aussi puissant.
On ne peut pas se permettre d'avoir un son en demi-teinte sur scène alors qu'il est hyper riche sur l'album
Obtenir ce son en studio est une chose, le traduire sur scène en est une autre... Comment allez-vous faire ? Vous vous êtes posé la question ?
Lucas. Oui, une fois l'album sorti, on s'est effectivement posé la question. On sait qu'on va devoir passer par des petits ajustements, des achats de matériels, comme certaines pédales utilisées pour l'enregistrement. On va devoir travailler avec notre ingénieur son, Paul, et surtout enchainer les résidences scéniques. On ne peut pas se permettre d'avoir un son en demi-teinte sur scène alors qu'il est hyper riche sur l'album. Clairement, il va y a voir un travail là-dessus...
Le magazine Rolling Stones vous compare à Idles. On évoque souvent Shame et Salves à votre écoute. On peut entendre du Nirvana et même dans le phrasé du Sleaford Mods. Mais encore ? Quelles influences revendiquez-vous ?
Lucas. Toute la scène post punk actuelle, Idles, Shame, Fontaine D.C., Slaves mais aussi des Américains tels que All Them Witches, un groupe de Nashville qui a une grosse discographie et un phrasé très claqué. Mon phrasé est proche de celui-ci, de certains groupes US et surtout anglais, un phrasé très percusif qui va avec le thème des morceaux, l'élan un peu social, revendicateur... Bon, on est aussi des fans absolus des Beatles, des Rolling Stones, d'Hendrix, de Nirvana, des Red Hot Chili Peppers... On aime beaucoup les esthétiques très racées comme celles des Kills, des Black Angels ou des Black Rebel Motorcycle Club.
Quel est l'album qui tourne en boucle actuellement sur votre platine ?
Lucas. Le dernier Fontaine D.C. qui est vraiment incroyable, mais aussi It It Anita, slift...
Euh... C'était quand les derniers concerts ?
Quel est votre dernier concert marquant ?
Lucas. Euh... C'était quand les derniers concerts ? Ça fait tellement longtemps. Je dirais Slift que j'ai vu 3 ou 4 fois. Et The Psychotic Monks.
Vous avez signé sur votre propre label El Muchacho Records créé pour l'occasion. Pourquoi ce choix ?
Lucas. On a cherché un label mais on n'a pas vraiment trouvé. Alors, on a créé le nôtre, de manière à sortir notre album en indépendant. Et on a trouvé un distributeur lui aussi indépendant, L'autre distribution. Ça nous va très bien.
D'autres signatures en projet ?
Lucas. oui, on va sortir d'autres projets, dans un premier temps mon deuxième groupe, Tickles. Après, on n'a pas de limite, pas de besoin de rentabilité. On aidera les projets qu'on trouve incroyables.
A propos du visuel de votre pochette d'album, vous dîtes qu'il représente énormément pour vous, symboliquement et émotionnellement. En quoi ?
Lucas. Il montre un décalage qui est important pour nous. En arrière-plan, tu as un supermarché très contemporain, très société de consommation, et juste devant deux femmes qui sortent d'un autre temps et qui n'ont rien à faire là. Et pour nous, cette pochette entre en résonnance avec l'album qui aborde la difficulté de trouver sa place dans le monde actuel.
Ce deuxième album est sorti en format digital, numérique et vinyle. C'est important pour vous le vinyle ?
Lucas. Oui, c'était important pour notre manager et pour notre bassiste qui sont très vinyles. Moi, je m'y suis mis assez tard mais c'est un support incroyable. Rien à voir avec les CD, c'est l'objet ultime. Et ça perpétue le support physique...
Notre conception du rock est compatible avec l'humour
Votre musique est très rock on l'a vu, vous n'avez pourtant pas vraiment l'attitude rock attendue. Vous aimez l'humour. C'est compatible avec le rock ?
Lucas. Oui à fond. En tout cas, notre conception du rock est compatible avec l'humour. On a énormément de mal à se prendre au sérieux, on trouve qu'être trop premier degré, c'est être pessimiste, alors je ne dis pas qu'on est optimiste en ce moment, mais bon...
Et l'humour sur scène, c'est tout aussi compatible ?
Lucas. Oui, on s'amuse comme des dingues. On vit des moments de grâce. Ce n'est pas le cirque mais on aime bien faire les fous.
Et demain ? Si on est optimiste... des concerts ?
Lucas. On travaille sur le report de la tournée prévue pour l'album. Les dates de septembre à décembre sont callées. De toute façon, dès que les concerts reprendront, nous serons sur la route...
Merci Lucas, merci Mad Foxes. Propos recueillis par Éric Guillaud le 4 mai 2021