Créer du neuf avec du vieux, c'est le credo de la jeune entreprise nantaise, Hedj. Elle propose aux entreprises de collecter et transformer les vêtements de travail et les équipements de protection usagés. Une démarche vertueuse et locale qui intéresse les sociétés, tenues de recycler leurs textiles à partir du 1ᵉʳ janvier 2025.
On trouve de tout, dans le lieu de stockage de l'entreprise Hedj, situé sur l'ile de Nantes : des polaires, des bleus de chauffe, des blousons de protection pour les travailleurs de l’éolien ou encore des maillots sportifs aux couleurs du HBC Nantes.
Un mètre ruban dans la main pour Camille Brun-Jeckel, un stylo pour Roxanne Gheno, les deux associées, imaginent déjà comment transformer ces vêtements professionnels en fin de vie en des objets utiles et durables. Spécialisée dans l'upcycling, leur jeune entreprise conçoit des housses de téléphone, d'ordinateur, des trousses, des sacs à gouter, dans ces tissus usagés normalement destinés à la destruction.
"Il nous tient aussi à cœur de pouvoir réutiliser des éléments spécifiques comme les manches, les scratch. On part de la contrainte et on essaie d'imaginer comment on va pouvoir les intégrer dans le produit fini", explique Camille.
Un cycle vertueux pour éviter la destruction
Usés, parfois tachés ou en parfait état, ces vêtements proviennent d’une douzaine de sociétés locales. Un stock d'équipements de protection issus d'une entreprise de nettoyage sera ainsi revalorisé dans les prochaines semaines.
"On travaille sur des housses de siège pour leur flotte de véhicules, sur des tours de cou à partir d'anciennes polaires pour le travail en extérieur. Et sur des sur-chaussures, faites à partir de leurs anciennes lingettes."
Toutes ces idées sont ensuite prototypées sur ordinateurs dans leur bureau. "C’est nous qui sommes force de proposition pour les produits finis. Il y a un travail en amont avec le client pour savoir quels sont ces besoins. L’idée, c'est de faire des produits qui soient utiles aux métiers et aux entreprises", explique Camille.
La réflexion est menée en concertation avec les salariés. La Poste a ainsi décidé de faire confectionner 300 étuis à lunettes et 150 sacoches pour les postiers, à partir des jeans et chemisettes.
À partir du 1ᵉʳ janvier 2025, dans le cadre de la loi AGEC, les entreprises auront l'obligation de trier leurs déchets textiles et de les faire collecter. La jeune société nantaise leur propose une offre sur-mesure, "la plus circulaire et vertueuse possible".
Un investissement responsable pour les entreprises
"Les filières de recyclage de déchets textiles ne sont pas forcément efficaces. Il peut y avoir des déchets incinérés ou enfouis. On utilise le déchet comme une matière première. Au lieu d'acheter un produit neuf, celui-ci est fabriqué à partir de leurs anciennes matières, ce qui fait une économie d'émission de CO2 d'environ 92% par produit", assure Roxanne.
Car si les entreprises donnent leurs vêtements usagés, elles achètent en retour des produits confectionnés. La Semitan, gestionnaire des trams et bus de la métropole nantaise, a ainsi investi 6 000 euros en 2024, pour recycler d'anciens vêtements, après le changement de marque de l’entreprise devenue Naolib.
"On ne peut pas donner des vêtements qui sont au flocage de l’entreprise. C’est pour cela que cette démarche de recyclage était très importante pour nous. Pour montrer aux salariés qu’on pouvait faire quelque chose de responsable et d’écologique", explique Corinne Frain, du service exploitation.
400 polos sont devenus des housses de siège individuel pour les conducteurs de bus et de tram et 130 parkas sont en cours de transformation en housses pour téléphone par les couturières de la Fabrique d'Arakné, à Nantes.
"On veut privilégier tous les projets qui s’inscrivent dans la mode responsable, qui œuvrent pour le réemploi des textiles et limiter les déchets. C’est aussi un moyen de réintroduire l’artisanat et la fabrication textile localement".
Julia BourlierCoordinatrice La fabrique d'Arakné
Ce cercle vertueux n’est qu’au début de son processus. 8 millions de personnes portent des vêtements professionnels en France, un volume à recycler, estimé à 50 tonnes par an.
Le reportage de Fabienne Even, Jean-Marc Lalier, Nicolas Lambert et Sophie Boismain
Retrouvez-nous sur nos réseaux sociaux et sur france.tv