Quatre personnes retrouvées séquestrées et torturées dans un appartement de Nantes sur fond de trafic de drogue

La police judiciaire de Nantes a été saisie d'une enquête sur des faits aussi sordides que violents dans le quartier de Malakoff. Quatre personnes y ont été séquestrées et torturées pendant plusieurs jours par des trafiquants de drogue. Deux hommes ont été arrêtés. Ils nient les faits.

Cette histoire est peut-être l'illustration de l'enfer que vivent ceux qui sont forcés, dans certains quartiers, à participer au trafic de drogue, ceux qu'on appelle "les nourrices". Peut-être, précise-t-on, parce qu'à ce stade de l'enquête, les faits doivent encore être précisés. "Tout n'est pas clair" indique le procureur de la République de Nantes.

Les nourrices, complices forcées du trafic

Les nourrices, ce sont ces locataires qui stockent chez eux la drogue qui sera ensuite vendue par petites quantités sur le point de deal, en bas de l'immeuble concerné. 

Il arrive que ces "nourrices" soient forcées, sous une menace régulière, de faire ce sale boulot. L'argent de ce trafic peut également y être momentanément caché. 

Être nourrice, c'est vivre en permanence dans la peur des dealers et la crainte d'être accusé de complicité dans ce trafic. Quant aux points de deal, ils peuvent être mouvants. Certains sont connus, installés, clairement identifiés par la clientèle autant que par la police. D'autre sont plus "volatiles".

Le 2 rue de Madrid

A Malakoff, un quartier "prioritaire" situé à l'est du centre-ville de Nantes, le 2 rue de Madrid est de ces lieux récemment pointés comme étant une adresse où l'on peut se fournir en stupéfiants. 

Ce qui s'y est passé il y a quelques jours, même si l'enquête ne fait que débuter et que les faits restent à préciser, est une illustration des "coulisses" du trafic de drogue. Ceux qui achètent leur petite dose de shit à la sauvette, le soir, doivent savoir ce qu'implique ce geste, dans les étages supérieurs du petit commerce qu'ils font vivre.

Un locataire apeuré

Ce samedi 16 septembre, la police intervient au 2 rue de Madrid, suite à un appel d'un proche qui s'inquiétait de ne plus avoir de nouvelles. 

Lorsqu'ils se présentent à la porte de l'appartement, les policiers ont face à eux un locataire qui leur semble être en état de choc, présentant de multiples blessures apparentes. Ce locataire, âgé de 24 ans, finit par dire qu'il est séquestré dans son propre appartement avec trois autres personnes, et ce, depuis deux jours. 

Il indique également que deux des personnes qui les ont séquestrés se trouvent toujours dans l'appartement et sont retranchées dans la salle de bain. Deux hommes sont alors immédiatement arrêtés tandis que les quatre victimes, le locataire, sa compagne de 46 ans, une amie de 31 ans et l'oncle du locataire, âgé de 63 ans, sont transportées au CHU pour des soins. 

De l'argent qui disparait

Tous ont subi des violences. Selon leurs témoignages, ils ont été victimes de trafiquants de drogue qui ont forcé le locataire de l'appartement à stocker des stupéfiants destinés à être vendus sur le point de deal, en bas de l'immeuble. Cela durait depuis une quinzaine de jours. 

Mais la séquestration aurait commencé le jeudi 14 septembre, lorsque les dealers ont accusé le locataire d'avoir subtilisé une partie de l'argent du trafic. Il manquerait 10 000 euros cachés chez la "nourrice". 2 000 ont été retrouvés dans l'appartement. Pour tenter de faire parler le jeune homme, les dealers ont alors changé de braquet et l'enfer a débuté pour les quatre personnes alors présentes dans l'appartement. Les deux femmes ont été particulièrement visées.

Séquestration et tortures

Selon les témoignages recueillis par les enquêteurs, les quatre victimes ont été séquestrées pendant trois jours, subissant de nombreuses violences, des tortures. Les deux femmes ont subi le supplice de la baignoire, la tête immergée dans l'eau.

L'une d'elles a perdu connaissance. L'une de ces deux femmes a également été violée à plusieurs reprises. Les deux hommes sont frappés. Une lame de couteau à cran d'arrêt, chauffée à blanc, est aussi utilisée pour faire parler les deux femmes.

Du câble de téléphone et du ruban adhésif sont utilisés pour attacher les victimes.

Un lourd casier pour l'un des deux hommes

Les deux individus arrêtés sont un homme originaire de Côte d'Ivoire âgé de 27 ans et qui était sorti de prison après une peine de trois ans ferme. Une énième condamnation pour des faits de violence, de trafic de stupéfiant et d'association de malfaiteurs. 

L'autre est âgé de 20 ans. Il se présente comme SDF. Il arrive de la région parisienne et son casier est plus léger. Il ne comporte qu'une mention pour un vol simple.

Tous deux ont été présentés à un juge d'instruction et mis en examen pour arrestation, enlèvement, séquestration en bande organisée, actes de torture et de barbarie en réunion, viol en réunion, association de malfaiteur, trafic de stupéfiant, viol avec arme en réunion et avec préméditation.

Pendant ces trois jours de violence, l'un d'eux était allé jusqu'à simuler une exécution sur l'une des femmes, introduisant le canon de son arme dans sa bouche et pressant la détente à deux reprises.

Des zones d'ombre

Ces faits ont été racontés par trois des victimes. Car la quatrième, l'oncle, a quitté le CHU sans laisser de nouvelles depuis. Pourquoi ?

Pourquoi le voisinage n'a-t-il pas été alerté ? L'une des victimes avait été séquestrée un temps dans une cave de l'immeuble. 

Les zones d'ombre sont encore nombreuses dans cette affaire confiée à la police judiciaire. Il faut aussi mettre la main sur les autres personnes impliquées. Outre les deux arrêtées et incarcérées, qui nient l'intégralité des faits, il y en aurait trois ou quatre autres qui ont participé à cette séquestration.

"Ce sont des investigations qui ne sont jamais très simples à mener, reconnait le procureur de la République, Renaud Gaudeul, s'agissant d'investigations qui doivent être menées dans un immeuble qui, en l'occurrence, était connu comme étant depuis déjà quelques mois un point de deal sur la place nantaise."

On peut craindre en effet que les enquêteurs ne trouveront que difficilement des témoignages chez les autres locataires. Le danger de possibles représailles est efficace pour maintenir l'omerta.

L'association France Victimes 44 a été mobilisée pour prendre en charge les victimes.

Olivier Quentin avec Antoine Ropert.

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