Lise Baron et Julien Bossé, co-réalisateurs étaient présents à l'avant-première qui s'est déroulée au Château des Ducs de Bretagne, le mercredi 2 mai. Ils ont accepté de répondre à quelques questions sur la réalisation du film documentaire. A voir le 10 mai à 13h50 et le 14 mai après Soir/3 !
Comment vous est venue l’idée de construire le film sur la mémoire de l’esclavage autour de jeunes ?
Lise : Il nous paraissait intéressant d’avoir une sorte de double du spectateur à l’image à travers des adolescents, qui ne sont pas experts de la question mais qui ont pour autant, des ressentis, des intuitions, parfois peut-être un engagement naissant, malgré leur jeune âge. L’histoire de l’esclavage est encore mal connue, et le fait que la France ait eu et ait encore parfois du mal à regarder son passé négrier en face est sans doute quelque chose dont beaucoup de Français n’ont pas vraiment conscience. Il nous paraissait donc important que le film prenne en compte cette méconnaissance du sujet tout en montrant que tout un chacun peut apprendre et comprendre, se sentir concerné, s’il décide de se pencher sur ces questions.Comment avez-vous fait le choix de la classe ?
Lise : Le documentaire est parfois le fait du hasard ! Nous cherchions une classe que nous pourrions suivre dans ses visites pédagogiques au Musée d’histoire de Nantes. Et lors d’une soirée, une amie d’amie m’a parlé de collègues professeurs qui travaillaient avec leurs élèves sur la question de l’esclavage. Nous avons rencontré les deux professeurs, Michelle Beaujault et Yvan Péneau dès la semaine suivante et je crois qu’il y a eu une sorte d’évidence, en tout cas pour ce qui nous concerne, quand nous avons vu l’engagement qu’ils mettaient dans ce projet et plus largement dans leur métier. Nous n’avions pas encore rencontré les élèves mais nous avons eu le pressentiment que ces enseignants savaient faire passer des choses, et qu’il se passerait donc forcément quelque chose devant la caméra.
Julien : Nous nous sommes senti en confiance avec eux. Il semblait évident que chacun pouvait apporter à l'autre. Et c'est important de ne pas venir seulement prendre, quand on filme. Et j'espère que nous avons pu apporter aussi à cette classe.
Quel a été leur ressenti après ce tournage ? Qu’est-ce qui vous a marqué pendant le tournage ?
Lise : C’est difficile de parler pour Michelle et Yvan et pour leurs élèves, mais on est sans doute tous d’accord pour dire que ça aura été une aventure riche, intense, des mots qui peuvent paraître banals mais qui ne sont pas du tout galvaudés ! Le mot qui me vient à l’esprit est celui de fascination. J’ai été vraiment fascinée de voir ces ados, ces adultes en devenir, être à la fois aussi conscients de certaines problématiques actuelles, comme le racisme, la privation de liberté, les inégalités sociales, autant de problématiques qui sont malheureusement toujours autant d’actualité avec ce que l’on nomme la « crise des migrants » par exemple. Et en même temps, ils ont encore cette spontanéité qui les rend vraiment touchants, et parfois drôles. Et qui nous interpelle !Julien : J'ai aussi été très touché par cette jeunesse que l'on caricature trop souvent. Des ados, jeunes hommes, blancs, noirs, métissés, en filière technique, dans un lycée soit disant un peu sensible. Et l'on voit ici combien ils ont à cœur de comprendre le monde qui les entoure, d'où ils viennent, et ce qu'on leur laisse, pour demain prendre leur part d'engagement dans la société. Les enseignants m'ont aussi impressionnés dans leur passion à transmettre. Ainsi que les médiatrices du château de Nantes qui font un très beau travail. Comme quoi, c'est bien ensemble qu'on avance mieux. Comme pour ce film, écrit à deux, mais aussi avec notre producteur et de nombreux collaborateurs.
Comment écrire ce film à 4 mains ? Pourquoi ce choix de la co-réalisation ?
Lise : Jusqu’ici, j’avais plutôt une expérience en tant qu’auteure, c’était mon premier vrai passage à la réalisation. Le producteur, Maël Mainguy a donc proposé une collaboration avec Julien, qui a une grande expérience en image, et parallèlement avec les jeunes puisqu’il anime des ateliers pour le dispositifs Lycéens et Apprentis au cinéma en Pays de la Loire. L’idée était donc de constituer un tandem complémentaire !Julien : J'ai effectivement une expérience en documentaire très axée sur le travail de forme et d'image. Je n'ai pas les compétences de Lise, en documentation et narration historique, surtout pour un travail aussi précis et sensible. J'admire sa dynamique et force de travail qui nous ont permis de faire ce film dans un temps très court, sans rogner sur l'exigence de fond. Faire un film est toujours affaire de collaboration. L'imaginer, ici, à deux, à permis d'apporter chacun nos sensibilités et désirs sur un sujet fort pour lequel nous nous sommes vite découvert un regard commun.
Après ce film, quelles sont selon vous les choses à mettre en place pour la mémoire sur l’abolition de l’esclavage ?
Lise : Il est primordial que la question intègre pleinement le « récit national ». La loi Taubira de 2001, loi extrêmement importante, faisait déjà un certain nombre de recommandations qui sont encore d’actualité, notamment concernant l’éducation et la recherche scientifique sur cette histoire. Une des médiatrices du musée de Nantes le dit aux élèves à un moment dans le film « moi je n’ai pas eu la chance d’apprendre ça à l’école ». Et de fait, cela fait très peu de temps que cette thématique est enseignée. Et elle ne l’est sans doute pas encore assez. La traite et l’esclavage font pourtant pleinement partie de notre histoire. Et ce système a engendré de terribles inégalités de race et de classe qui perdurent encore jusqu’à aujourd’hui. Il faut donc que cette histoire soit racontée, questionnée, pour que ses conséquences soient elles aussi mises en lumière pour être mieux combattues.Julien : Notre film montre bien combien ce travail d’éducation, de connaissance est important. Nous avons eu la chance de rencontrer des enseignants très investis et qui prennent du temps pour traiter pleinement et finement la question avec leurs élèves. Mais c'est un engagement qui dépasse la demande de l'institution sur ce sujet. Il est plus que temps que l'on donne au corps enseignant, dans son ensemble, les moyens d'investir cette histoire et d'apporter cette connaissance aux jeunes générations. Une société qui peut marcher bien ensemble est une société qui sait se regarder. Multiplier les lieux d'histoire, de mémoire, les enseignements... et les films sur le sujet ! C'est important.
Production
Un documentaire réalisé par Lise Baron et Julien BosséCoproduction What’s Up Productions / France Télévisions - France 3 Pays de la Loire - 52 minutes.
Le documentaire sera diffusé le jeudi 10 mai à 13h50 et sera suivi d'un débat avec Christiane Taubira, Jean-Marc Ayrault, Eric Saugera et Viktor Lazlo sur France 3 Pays de la Loire et Nouvelle Aquitaine.
Il sera rediffusé le lundi 14 mai après Soir/3 sur France 3 Pays de la Loire et Nouvelle Aquitaine.