Coronavirus : la filière pêche navigue à vue et, du Croisic à la Turballe, s'adapte à un marché confiné

Les métiers liés au marché du poisson sont frappés de plein fouet par le Covid19 et ses conséquences, mais l'activité n'est pas arrêtée. Elle tourne à mi-régime mais surtout elle avance dans le brouillard d'un marché national et européen qui ne se dissipera pas avant le 11 mai, et encore. 


Entretien avec Max Palladin, directeur des criées du Croisic et de la Turballe

 

On s'est fait secouer!


''La visibilité a rarement été aussi réduite pour la profession. Entendez LES professions. Marin pêcheur, salarié de criée, mareyeur, transporteur, poissonnier....les premiers maillons de la chaîne alimentaire de la mer sont dans un épais brouillard dont l'apparence change un peu tous les jours, mais continue d'empêcher de deviner l'horizon''.

Une partie des autres maillons de la chaîne ont dû fermer leurs portes : restaurants, cantines, clients étrangers..... Le Covid19 a semé une sacrée pagaille sur les étals des produits de la mer et le reste de la clientèle est confiné à la maison, plus concentré sur le stock de pâtes (au moins au départ) que sur le rayon frais.

Après une descente vertigineuse de la demande la première semaine, le poisson et les crustacés ont connu une remontée spectaculaire suite à l'arrivée de ceux que l'ont pourrait qualifier de ''migrants sanitaires'', autrement dit les personnes ayant quitté leur région d'origine pour venir séjourner sur la côte, le temps des vacances. Des migrants à fort pouvoir d'achat qui ont fait monter la langoustine à plus de 20 euros en criée!

 

Heureusement, la panique du début a laissé la place à d'autres raisonnements, parmi lesquels l'importance des produits frais, du circuit court et de la solidarité avec les producteurs restés au travail.

''Sur un plan plus large'', nous explique Max Palladin, ''le marché est face à l'opacité la plus totale. Une partie de la pêche partant à l'export vers nos voisins espagnols, italiens ou suisses, vous imaginez bien que chaque jour la situation change, et en conséquence, l'offre, la demande et les prix aussi''. 

 

Au Croisic, la criée a pu maintenir son activité. Et les pêcheurs ont ainsi pu continuer à aller en mer dans des conditions meilleures qu'avant le Coronavirus : le gasoil de pêche a chuté de façon spectaculaire (30 à 40 centimes d'euro) ce qui a pour conséquence de réduire les charges. 

 

 

Au Croisic, après les hauts et les bas, la vitesse de croisière


''La criée du Croisic s'en remet progressivement et connait actuellement une situation quasi normale'' déclare Max Palladin, directeur des criées du Croisic et de la Turballe.

Le matin, presque pas de bateau à quai. Les marins sont en mer et quand ils débarquent, ils seraient même tentés de repartir aussitôt! En effet, si aucun membre de l'équipage n'est positif, autant rester sur l'eau! La promiscuité à bord existe pourtant, et il est bien difficile d'observer la distanciation sociale, mais la météo est belle depuis le début du confinement et si le marché s'est réduit, les prix sont au rendez-vous.

''Bon an, mal an, les débarquements oscillent autour de 10 à 12 tonnes le samedi et 4 à 6 tonnes en semaine''.

 

''Encore moins visibles que les pêcheurs, mais pour d'autres raisons : les salariés des criées''. Le directeur de la criée croisicaise tient à le souligner. ''Pas de défaillance jusqu'à maintenant. Les produits de la mer peuvent être travaillés, préparés, expédiés. Si les équipements de protection sont attendus d'un jour  à l'autre, les règles d'hygiène sont depuis longtemps une priorité et les points d'eau et de lavage des mains omni présents. Les gestes barrières sont également appliqués car la criée du Croisic n'a pas de plan B. Pas d'équipe de remplaçants, cela veut dire fermeture immédiate si contamination il devait y avoir''.

''Les poissonniers de la presqu'île représentent une part importante de la demande en criée, ils alimentent les supermarchés mais aussi les marchés et les étals de proximité. L'autre partie des produits de la mer rejoint d'autres régions de France, grâce à la présence des transporteurs, des chauffeurs et des entreprises essentiels à la chaîne de l'alimentation en produits de la mer'', insiste Max Palladin.

 
 

La Turballe, activité réduite


En vue du Croisic, le port de la Turballe connaît un rythme d'activité différent. ''On est à 50% de notre potentiel'' nous déclare Max Palladin. ''La fermeture des restaurants, des restaurants de collectivités, des frontières....nous a été fatale. Ici, les gros bateaux débarquent des gros volumes. L'offre serait inadéquate si on maintenait le même effort de pêche et les prix s'effondreraient''.

Les professionnels de la filière pêche de la Turballe travaillent avec les organismes de producteurs de proximité (OP Vendée et LPDB, les Pêcheurs de Bretagne) pour équilibrer les efforts et les revenus. Ces organismes de producteurs peuvent demander à leurs adhérents de ne pas aller en mer, par exemple. Chômage partiel pour la moitié des équipages, d'autres ont mis leur bateau à quai ou sur cale pour entretien.


Une aide de l'Europe pour les flottilles hauturières?



L'idée est toute récente. L'Europe est en discussion avec la Direction des Pêches, basée à Paris. Certaines flottilles de pêche travaillant d'habitude au large, dans les eaux d'autres pays, pourraient se voir accorder une aide européenne en restant à quai.
Moins de charges pour l'entreprise, moins de poissons débarqués pour maintenir les prix. Le calcul de cette aide se ferait sur la base du chiffre d'affaires 2019.

 

 

C'est à la fin du marché...


Max Palladin essaie malgré tout de parler de façon positive, même s'il sait la situation fragile.

''Les marchés du sud Loire qui avaient été fermés en début de confinement pourraient être à nouveau accessibles, ce qui ferait pour nous un débouché supplémentaire. On surveille l'arrivée des dérogations''.

Et de poursuivre...

''Une association interprofessionnelle est en train de se créér dans la région, avec la participation du Conseil Régional des Pays de la Loire, du Comité Régional des Pêches, des armateurs, des pêcheurs, des mareyeurs, des transporteurs, des poissonniers. Et sachez que toutes ces professions ne s'étaient jamais autant parlé!''

Un bien pour un mal, car le directeur des criées du Croisic et de la Turballe sait très bien que l'ensemble de la profession a dores et déjà pris une grosse claque pour 2020.

 


Entre le port de pêche et le consommateur : le poissonnier



D'habitude, on peut voir Dimitri et ses camionnettes face aux Chantiers de l'Atlantique, le mercredi et le vendredi. Mais avec un chantier naval fermé et des déplacements sous conditions, la clientèle menaçait de sévèrement chuter.

Le seul avantage, c'est que Dimitri la connait bien, sa clientèle. Il a l'habitude d'annoncer ses arrivages et ses prix. Les clients commandent à l'avance, par SMS. 

Du coup, le poissonnier a leurs coordonnées et les tient informés des nouvelles procédures. 

S'apprivisionnant à la criée du Croisic, il a connu le yoyo des prix du poisson en début de confinement. Certains poissons ont connu de telles flambées (de prix) qu'ils ne les achetaient même plus, sa clientèle n'aurait pas suivi. Ainsi, le bar était passé de 11,90 à 23 euros en criée! Le St Pierre, le rouget, la lotte...tout partait à des prix vertigineux alors que cet hiver, la demande les ignorait presque.

Pas de solution de secours non plus qui aurait pu venir de Vendée, les criées n'ouvrant plus tous les jours.

Alors, Dimitri s'est adapté. Mais à quel prix? Après avoir annoncé ce dont il dispose, il enregistre les commandes, les prépare individuellement, négocie un site où il pourra donner rendez-vous à ses clients, distribue chaque lot et enfin encaisse en carte bleue ou en chèque le montant exact de la commande. Pas le temps de tenir une caisse et rendre la monnaie. 

Du travail en plus pour des revenus qui ne grimpent pas en fonction des efforts fournis, mais au moins, il garde le contact avec sa clientèle et continue d'exercer son métier.

Et quand il rentre, c'est pour aider ses enfants à faire leurs devoirs, avant de tout réorganiser pour le lendemain.

On ne connait jamais vraiment ce qu'il y a derrière le prix d'un poisson...
 
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