Une forêt de trembles domine le toit de la base sous-marine de Saint-Nazaire. Création de Gilles Clément, à la demande du Voyage à Nantes, c'est une oeuvre vivante et donc fragile. Certains arbres doivent être remplacés et certains pots agrandis pour améliorer leur cadre de vie.
"Le ciel est par dessus le toit, si bleu, si calme...."
Connaissez-vous ce poème de Verlaine?
"Un arbre, par dessus le toit, berce sa palme..."
Ces vers reviennent en mémoire quand on se promène sur le toit de la base sous-marine de Saint-Nazaire. Drôle d'endroit pour faire de la poésie...
Cette poésie "branchée", c'est celle de Gilles Clément, jardinier, biologiste, botaniste, écrivain.... dans le cadre du Voyage à Nantes en 2009, il a été amené à créér une oeuvre vivante et son choix s'est posé sur ce monstre de béton, long de 300m, indétronable vestige de la guerre et de l'occupation.
Plutôt que de lutter contre cette montagne, il l'a tout simplement infiltrée grâce à 107 arbres amis au nom évocateur : les trembles (de la famille des peupliers). Placés entre les pièges à bombes en béton, dans des conteneurs de terre, ils cassent la froideur de la masse inerte et grise.
Et finalement, ces trembles cultivés hors-sol, s'élèvent plus haut que le toit de la base en béton !
Dès qu'ils sont en feuilles, ces arbres s'agitent à la moindre risée, au moindre petit souffle de vent.
A une vingtaine de mètres de haut, face à l'estuaire, les jours sans vent sont rares. Il n'est donc pas compliqué d'assister à cette effervescence dans les branches des amis de Gilles Clément.
"La cloche, dans le ciel qu’on voit,
Doucement tinte.
Un oiseau sur l’arbre qu’on voit
Chante sa plainte"
Xylophage : qui mange le bois
Dans leurs conteneurs de terre, les trembles bénéficient d'une arrivée d'eau et de quelques brouettes de substrat dans lequel ils puisent leur nourriture.Seulement, voilà : si quelques arbres supportent la culture dans les grands pots ( oliviers, palmiers...), rien ne vaut la terre, ses nutriments et sa biodiversité.
Les trembles de la base sous-marine souffrent sans doute de carences et sont victimes d'attaques d'insectes xylophages.
Incapables de lutter car leur environnement ne permet pas à d'éventuels prédateurs d'insectes de vivre, ils voient les congénères dépérir et leurs rangs s'éclaircir.
"Mon Dieu, mon Dieu, la vie est là,
Simple et tranquille.
Cette paisible rumeur-là
Vient de la ville"
Intervention en cours
La rencontre n'est pas banale : une mini-pelle à chenilles progresse sur le toit de la base sous-marine, en direction de la forêt de trembles.Elle doit s'engouffrer dans un passage entre les pièges à bombes jusqu'à atteindre les galeries où sont posés les conteneurs hébergeant les trembles.
Une fois dans la galerie, on aperçoit des silhouettes s'affairer autour de grandes caisses en bois ou de conteneurs ''faits maison''.
Des bigs bags standard réunis et cousus par les petites mains d'une association d'insertion de Savenay-Prinquiau, fixés à un grillage fait de treillis de bâtiment, soudés et sertis par d'autres mains et d'autres bras de la même association d'insertion.
Il a été estimé que les contenants d'origine ne disposaient pas d'une quantité suffisante de substrat et qu'il fallait offrir aux arbres des volumes plus conséquents. Désormais, les nouveaux conteneurs offrent une quantité de terre deux à trois fois supérieure au précédent. Pour l'eau, le même système de distribution d'eau a été conservé.
15 jeunes trembles viennent d'arriver sur le toit de la base, remplaçant quinze trembles malades ou en fin de vie, qui vont être évacués et dont les parasites xylophages vont être détruits.
Comme leurs aînés, ils vont faire l'objet d'un suivi de la part du Voyage à Nantes qui veillera à ce que la forêt demeure et s'embellisse pour offrir au visiteur une oeuvre végétale qui pousse sur du béton, et au passage, un clin d'oeil à l'Histoire.
"Qu’as-tu fait, ô toi que voilà
Pleurant sans cesse,
Dis, qu’as-tu fait, toi que voilà,
De ta jeunesse ?"
poème de Paul Verlaine, Sagesse (1881)
Gilles Clément