Samedi soir, un patient qui s'est présenté aux urgences n'a pu être pris en charge au CHU d'Angers. Il est décédé sur le parking de la clinique où il avait été conduit pour être soigné.
En début de soirée samedi 15 juin un patient se présente aux urgences du CHU d'Angers. Faute de pouvoir être pris en charge, a expliqué l'intersyndicale de l'hôpital, l'homme, âgé de 49 ans, repart vers la clinique de l'Anjou. Il est décédé à son arrivée à la clinique.
Selon les vidéos du CHU, le patient "a franchi les barrières du CHU à 19h31, été pris en charge par l'admission du service des urgences à 19h34. Est reparti à 19h47", a précisé Yves Gambert, le procureur de la République d'Angers.
"Il est arrivé avec, à priori, un membre de sa famille, se plaignant de douleurs au coeur", a expliqué lundi soir Christian Lemaire, co-secrétaire du syndicat Sud au CHU d'Angers, "il s'est adressé à l'agent d'accueil, un agent administratif, qui lui a dit "je fais votre entrée".
La personne accompagnant le patient a insisté pour qu'il soit pris de suite. L'agent est donc allé voir "sa collègue infirmière qui fait le tri", occupée avec un autre patient, "ayant un indice de gravité élevé nécessitant sa prise en charge dans les 20 minutes".
Seule infirmière de service, elle ne peut prendre en charge le patient. Une solution est recherchée, en vain, dans les autres services.
"L'activité était relativement faible dans le service des urgences. Une infirmière d'accueil est allée donner un coup de main à une collègue d'une autre unité dans les urgences", a expliqué ce mardi matin lors d'une conférence de presse le professeur Sigismond Lasocki, chef du pôle anesthésie SAMU-Urgences-Réanimation CHU Angers, "le problème est que malheureusement la famille est partie très, très vite et que le patient est resté moins de 12 minutes dans les urgences, 12 minutes c'est moins que notre délai habituel de prise en charge, entre le moment où le patient est admis administrativement, ce qui était le cas, et le moment où une infirmière vient le prendre en charge".
Car "la dame qui accompagnait le patient a décidé de repartir des urgences pour le conduire en voiture" vers la clinique de l'Anjou, a expliqué Christian Lemaire, "à l'autre bout d'Angers, en voiture c'est environ 15-20 minutes".
Finalement, "la clinique a appelé les urgences pour dire que le patient était décédé dans son véhicule, arrivé sur le parking", a précisé Christian Lemaire.
"On ne peut pas faire le lien de causalité entre la non prise en charge du patient à l'hôpital et son décès, ce que l'on dit simplement c'est qu'il n'a pas été pris en charge dans des délais extrêmement rapides qui auraient pu permettre de le sauver", a poursuivi le syndicaliste, "il n'a pas pu être pris en charge rapidement, parce qu'il y avait un manque d'effectifs".
"Ce n'est pas un problème de sous-effectif en urgences, on ne peut pas prendre en charge quelqu'un quand il n'est pas là, quelqu'un qui reste moins de 12 minutes dans la structure et qui repart. Ce n'est matériellement pas possible", a expliqué Sigismond Lasocki.
"Cette situation dramatique illustre le dysfonctionnement des Urgences"
Cette histoire intervient alors que les services d'urgences du CHU d'Angers se mobilisent depuis plusieurs semaines en raison notamment de mauvaises conditions de travail liées à des sous-effectifs."Cette situation dramatique illustre le dysfonctionnement des Urgences lié exclusivement, dans ce cas précis, à un nombre de personnel présent très en deçà des effectifs prévus afin de garantir la sécurité des prises en charges des usagers", explique l'intersyndicale qui précise, "en aucun cas la responsabilité des collègues Administratives et Soignantes ne peut être engagée dans cette situation".
Vendredi dernier, la veille du drame, "le Comité de Grève des Urgences du CHU d’Angers alertait à nouveau sur les conditions de travail et particulièrement sur le non remplacement du week-end à venir de collègues Infirmières et Aides-Soignants absentes pour raison de santé (pour certains programmés depuis plusieurs semaines !)".
Les syndicats SUD, FO, CGT ont déposé ce lundi 17 juin, un droit d’alerte auprès de leur CHSCT, "déposée à 11h ce (lundi) matin et pour lequel on n'a eu aucune réponse de la direction à l'heure où je vous parle", nous précisait Christian Lemaire en début de soirée lundi.
Selon l'intersyndicale, la famille de la victime aurait porté plainte, ce que dément la direction du CHU ainsi que le procureur de la République d'Angers, Yves Gambert qui a indiqué dès lundi soir "avoir ordonné une enquête pour recherche des causes de la mort et ordonné une autopsie".
"A ce stade, il n'y a aucune suspicion qui permette de penser qu'il y a eu dysfonctionnement au niveau des urgences", a-t-il précisé, ajoutant "je n'ai pas l'intention de basculer vers une enquête pour homicide involontaire
ou non assistance à personne en danger".
"Nous faisons l'objet d'une instrumentalisation indécente sur cette affaire", a dénoncé Sébastien Treguenard, directeur général adjoint du CHU d'Angers, ajoutant que l'établissement était "en contact avec la famille qui est choquée
et ne comprend pas l'exploitation médiatique".