Avec plus de 600 personnes testées positives à la covid chaque jour, contre 110 à la mi août, la circulation du virus s'accélère dans les Pays de la Loire. Dans les EHPAD, les mesures de prévention sanitaire se durcissent et les personnels craignent de ne pas pouvoir assumer cette seconde bataille.
Dans son établissement de la Mothe-Achard, en Vendée, cette directice d'EHPAD a mis en place des groupes de parole. Il faut informer les résidents de nouvelles mesures sanitaires.
"Lorsqu'on leur a annoncé qu'à leur retour de leur visite dans la famille, ils seront mis à l'isolement dans leur logement pendant une semaine, certains ont pleuré. Pour eux, c'est la punition." témoigne Estelle Guédon-Pualic.
Et pourtant, l'objectif est bien de maintenir les liens sociaux, le plus longtemps possible. Les visites à l'intérieur de l'établissement sont encore autorisées mais pas plus de deux personnes à la fois par résident avec tous les gestes barrières bien sûr.
On n'autorise plus les sorties dans les familles
A l'EHPAD Saint-François à Angers, on n'autorise plus les sorties dans les familles ou les commerces. Les familles peuvent venir mais les visites se font dans un espace dédié, un salon, pas dans les logements "pour limiter les déplacements des familles dans l'établissement" explique la directrice Catherine Lardé.Dans son EHPAD, le nombre de décès est supérieur à l'an dernier. Mais pas directement du fait du virus lui-même. Comme dans d'autres, il y a eu aussi le "syndrome du glissement", notamment lors du confinement, cette baisse de moral qui conduit les personnes âgées à ne plus s'accrocher à la vie.
Après un été où les sorties en famille avaient à nouveau été autorisées, ce retour à des contraintes lourdes risque de faire encore des dégats. Même si la plupart comprennent la situation. "On a connu la guerre" disent les plus anciens.
Aux Mimosas, à Commequiers, en Vendée, on se félicite de n'avoir pas connu plus de décès cette année. Mais, même au moment du confinement, les résidents pouvaient continuer de sortir de leur logement. Ça a joué sur le moral semble-t-il et donc sur la santé.
Mais aujourd'hui, les visites dans les familles ne sont plus autorisées. Celles-ci peuvent venir en revanche, jusque dans les chambres. Mais en respectant scrupuleusement les gestes barrières. Et là, Jeanne-Chantal Docquier, la directrice, ne cache pas sa colère vis à vis de certaines familles qui ne jouent pas le jeu.
"On doit protéger les résidents de leur famille"
"Certains enlèvent leur masque dans les logements des résidents raconte-t-ellle. Je ne suis pas là pour fliquer ! Mais on est dans une situation où on doit protéger les résidents de leurs amis, de leur famille." Plusieurs ont été interdites de visite."Moi, j'ai des salariés qui ont aussi des familles et peut-être des grands malades à la maison. On est tous dans le même bateau !" dit cette directrice qui veut aussi protéger son personnel.
Alors, l'EHPAD essaye de responsabiliser les familles des résidents qui sont invitées à venir faire des permanences le week-end pour rappeler les mesures sanitaires aux visiteurs. C'est un renfort, une aide précieuse pour le personnel.
A Saint-François, à Angers, il y a eu un cas positif parmi le personnel. Tous les résidents de l'étage concerné ont été testés. Ils étaient négatifs. La preuve que les gestes barrière fonctionnent.
"On n'arrive plus à souffler"
Le personnel, après s'être un peu reposé cet été, voit déferler avec angoisse cette seconde vague."Ça recommence, constate Estelle Guédon-Pualic, le week-end, on n'arrive plus à lâcher prise, à souffler, décompresser."
Le moral des troupes en prend un coup. "Pour le repas de Noël, le personnel ne pourra sans doute pas manger avec les résidents" craint Jeanne-Chantal Docquier. Un moment qui était pourtant apprécié de tous.
"C'est comme dans un trail, explique Michaël Wanbergue, le président de la FNADEPA (Fédération nationale des associations de directeurs d’établissements et services pour personnes âgées), ce n'est pas la première partie qui est difficile, c'est la seconde. On se prépare à un hiver avec des équipes qui sont fatiguées. On a alerté le directeur de l'Agence Régionale de Santé pour lui faire part de notre inquiétude face à l'épuisement du personnel, à la difficulté de recrutement, de remplacement et aux démissions. On a déjà sept mois de gestion de crise sanitaire dans les jambes. On se questionne sur la capacité des salariés à renouveler cet effort sur cette seconde phase."
Dans le métier, tous attendent que la réalité se mette en adéquation avec les grands discours."Ce n'est pas avec les résidents qu'on a des problèmes, c'est avec les familles"
"Il faut augmenter le nombre de salariés dans les établissements, souligne Michaël Wanbergue. Et là, on n'a aucune réponse."
De niveau d'alerte en niveau d'alerte, les consignes évoluent et les EHPAD s'adaptent. Les personnels et les résidents aussi. Mais ça n'est pas sans conséquence. Si la maladie est aujourd'hui mieux connue et les gestes barrières identifiés, il faudra bien que quelque chose se passe pour que la protection ne se mue pas en maltraitance.