Quand il y a un peu plus que du Daria, un peu plus que du Thugs, c'est qu'il y a du LANE dans l'air. Le groupe angevin vient de sortir son deuxième album, du rock taillé dans l'urgence à grands coups de riffs acérés. Branchez les guitares...
L'avantage avec LANE, c'est qu'on est rapidement mis au parfum. Dès les premières mesures, le groupe rappelle si besoin qu'il n'est pas là pour nous jouer une berceuse mais pour nous balancer du rock, du rock à sa façon, aussi puissant que mélodique.
Petit retour en arrière, LANE est la contraction de Love and Noise Experiment, un peu de douceur, beaucoup de fureur. LANE, c'est aussi la réunion de cinq musiciens issus pour quatre d'entre-eux de groupes qui ont marqué la scène angevine et au-delà, Pierre-Yves et Eric Sourice des Thugs, Etienne et Camille Belin de Daria. Et un petit jeune au centre, Félix Sourice, fils de Pierre-Yves qui les a rejoint comme guitariste. Une belle réunion de famille !
Fondé en 2017, un EP en 2018, un premier album en 2019, un second en 2020 baptisé Pictures of a Century, près de 80 concerts... ça va très vite pour LANE, aussi vite que sa musique, mais aucun risque que ses musiciens se brûlent les ailes, nous confie le batteur Camille : "Il y a des gens expérimentés dans l'équipe, on fait des choix, on prend des décisions, les partenaires avec qui on bosse sont des gens sencés, on sait d'où ils viennent, ils savent d'où on vient, tout fonctionne avec bon sens". Interview...
Bonjour Camille, question incontournable, comment s'est passé le confinement et comment se passe le déconfinement ?
Camille. Plutôt productif, voire très productif, la machine internet a tourné à fond, les emails, les échanges d'idées, les discussions avec nos partenaires, le label, le tourneur, les décisions à prendre alors qu'on était en plein brouillard... Et aujourd'hui, on est concentré sur la sortie de l'album.
Tu étais guitariste et chanteur dans Daria, vous écoutiez beaucoup les Thugs à l'époque ?
Camille. Oui, nous sommes angevins, nous avons appris nos premiers accords sur les albums des gars...
Comme tous les gens qui font du rock dans la région...
Camille. Oui, je pense que, au-delà même de la musique, des albums, des concerts, les gars ont marqué la ville de par leur esthétique et leur l'éthique. En tout cas, ça a marqué Daria et influencé notre approche de la musique. N'attends pas qu'on vienne te chercher, débrouille-toi, joue ta musique, crois-y et fais des concerts, c'était ça les Thugs.
On connait la carrière des Thugs, c'était pas un peu casse-gueule de repartir avec les frères Sourices ?
Camille. On aurait pu se poser la question et rester bloqués dessus mais non. Dès qu'on a fait de la musique ensemble, on a eu le sentiment qu'il y avait là un peu plus des Thugs, un peu plus de Daria. On s'est dit : on avance et on verra..
Et les frères Sourices ? Ils connaissaient Daria ?
Camille. Oui, bien sûr, on a eu l'occasion de jouer 2 ou 3 fois ensemble sur les tournées de reformation des gars dans les années 2000. On s'entendait bien, les guitares électriques ont fait le reste pour qu'on se rencontre...
Quelles peuvent être vos influences communes ?
Camille. Évidemment, tout le monde a son univers, tout le monde a ses favoris, on se retrouve tous autour d'une musique rock des années 90 ou un peu avant. Pour te citer un groupe, un groupe anglais qui met tout le monde d'accord, même le plus jeune, Leatherface, des héros, des loosers magnifiques, qui ont fait parmi les plus beaux albums de punk-rock au monde.
Alors, on le disait, vous sortez votre deuxième album ces jours-ci. Sortir un album dans une telle période, ce n'est pas un peu risqué ?
Camille. Si, je pense que 2020 n'était pas forcément la bonne année mais tout était dans les tuyaux bien évidemment avant le confinement. L'enregistrement s'est déroulé en octobre, la sortie était prévue originellement le 22 mai, on aurait pu la repousser à septembre, la repousser d'un an, mais on a pris la décision de sortir l'album malgré tout en juin, parce qu'il faisait aussi écho a notre volonté de ne pas trop traîner. On avait des chansons, on avait envie d'y aller...
Par contre, pas de concerts...
Camille. Non, pour l'instant. On avait une tournée qui commençait à se remplir lorsque le confinement est passé par là. On a fini par prendre la décision d'annuler la tournée 2020 et de la reprogrammer en 2021. Mais on essaiera de faire quelques petites surprises d'ici notre retour sur la route...
Un mot sur cette magnifique pochette, une rame de métro vide. Ça résonne pas mal avec ce qu'on vient de vivre non ?
Camille. C'est une photo de Pierre-Yves et une pochette réalisée par Pierre Yves. Ça peut paraitre un peu prémonitoire sur la situation qu'on a vécue mais ça n'a jamais été volontaire, simplement une envie de vide. C'est compliqué dans un groupe de mettre tout le monde d'accord sur une pochette, là on l'a tous été. Ça nous paraissait être le bon habillage pour cet album.
Une envie de vide quand on remplit l'album de guitares, de turbulences sonores, c'est étonnant non ?
Camille. Ça va au-delà du mur de guitares, c'est plutôt un parallèle fait avec les paroles et les thèmes abordés des chansons.
Cet album s'appelle Pictures of a century. Quelles sont ces images d'un siècle ?
Camille. On n'avait pas l'ensemble des chansons qu'on avait déjà l'idée de l'album. Eric, guitariste et chanteur, a assez rapidement eu cette idée de se projeter des images, des vignettes, de sélectionner des choses marquantes de son siècle, de sa vie, pas nécessairement des grands événements comme le mur de Berlin, plutôt des choses qui peuvent paraître plus insignifiantes, dans une relative mesure. Le premier morceau notamment , Discovery None, fait le constat des nouvelles technologies à travers l'oeil de Hal dans 2001 L'odyssée de l'espace. C'est LE film qui a marqué Eric.
Pictures of a Century est aussi le nom de votre 2e single sorti il y a quelques jours, accompagné de son clip...
Camille. Le clip a été réalisé par Pierre Yves, avec des images libres de droit récupérées ici ou là...
Des images d'un siècle, des images intimes et en même temps universelles ?
Camille. Tout à fait, c'est absolument l'idée, il peut y avoir dans tout ça des événements historiques mais pour la vie d'un homme ou d'une femme, je présume que certaines expériences sont autant marquantes que l'histoire. Ça peut être ses premières vacances au ski, sa première grosse claque cinématographique, la découverte d'un album de musique...
Donc, l'album parle de tout ça ? Des images qu'il a retenu de ce siècle ?
Camille. Exactement, on a construit les textes autour de ces images mais ce n'est pas un album concept, c'est juste une manière différente de travailler...
Musicalement, on dit l'album plus complexe, plus dense, plus énergique et en même temps plus atmosphérique ? Vous confirmez ?
Camille. oui, j'ai l'impression qu'on fait la même musique qu'au début, c'est à dire du rock à guitares en essayant de délivrer des mélodies et des émotions mais oui je pense que l'album est plus varié dans ses atmosphères, quelque part entre tonnerres et accalmies...
Tu parles des mélodies, c'est vrai qu'elles sont très fortes, très prenantes, très marquantes... Comment vous travaillez ?
Camille. C'est travaillé en répétition, très spontanément, nous avons tous des idées, et quand on se retrouve dans le local, on essaye ces idées et les décisions sont prises de manière très rapide. Si on n'a pas le bon feeling, si on sent que ça ne passe pas, on ne s'attarde pas et on passe à autre chose, on a tendance à suivre nos premières impressions.
Bien sûr, il y a des morceaux qui ont demandé plus de travail mais sur le disque pas mal de morceaux ont été enregistrés comme on les avait joués les 2 ou 3 premières fois. Il y a des choses extrêmement spontanées, qui nous ont plues et qu'on a décidé de ne pas construire, complexifier, pour rester au plus près de la moelle du morceau.
On entend des claviers, notamment sur Life as a sentence, c'est la première fois je crois ?
Camille. Pour Lane, c'est la première fois, on sentait qu'il y avait la place sur ce morceau-là et on était dans un studio à Carpentras rempli de vieux instruments, on a tapoté des claviers vintage, ça nous a inspiré, on a trouvé que ça se mariait bien...
À quoi on reconnait-on LANE aujourd'hui selon vous ? Qu'est ce qui fait le jus de LANE ?
Camille. Je me plais à croire que c'est l'immédiateté et la sincérité.
Un album et demain ?
Camille. On va certainement s'appeler pour trinquer virtuellement, on va être pas mal derrière nos écrans à travailler sur la sortie de cet album
Et après demain ?
Camille. Je ne sais pas, après demain est un autre jour...
Merci Camille, merci LANE, propos recueillis par Eric Guillaud le 19 juin 2020