C’est une innovation médicale qui soulage grandement les patients malades du cancer, atteints de douleurs chroniques et intenses : l’analgésie intrathécale consiste à implanter une pompe sous la peau pour délivrer un antidouleur de façon ciblée. L’Institut de Cancérologie de l’Ouest (l’ICO), à Angers, est l’un des premiers au monde à maitriser cette technique.
Ce que les Angevins appellent encore le centre Paul Papin, qui est l'unité angevine du Centre de Cancérologie de l'Ouest (dont fait aussi partie une autre unité qui est à Saint-Herblain, près de Nantes), est devenu une référence au niveau européen et même mondial pour la pose de pompes intrathécales.
Chaque année, on y effectue entre 80 et 100 opérations destinées à équiper des patients atteint d'un cancer et qui viennent de l'ouest de la France pour être soulagés de douleurs chroniques intenses.
Les cancers les plus douloureux sont les cancers du pancréas, de l'utérus, bronchopulmonaires, de la tête ou encore du cou.
Plus de 1 000 opérations en 15 ans
"Ici, au centre (de cancérologie de l'ouest), on est quatre médecins à poser des pompes et on en a posé plus de 1000 en 15 ans" dit très simplement le Dr Dupoiron. Ce médecin anesthésiste a reçu en décembre 2023 le prix Axel Kahn douleurs et cancers, pour son travail dans la prise en charge et le traitement des douleurs cancéreuses.
"En plus, ajoute-t-il, on a aussi l'avantage d'avoir une équipe paramédicale parfaitement formée et très entraînée à la procédure."
L'intervention qui consiste à poser sous la peau, dans l'abdomen du patient, une pompe (à 6 000 € pièce) qui va délivrer en continu des anti-douleurs, dure entre une heure et une heure trente et elle est entièrement remboursée par la sécurité sociale.
"On a une diminution extrêmement importante des doses de traitement"
Cette technologie permet de développer l'efficacité des traitements et d'améliorer les conditions de vie des patients.
"L'intérêt de l'analgésie intrathécale, explique le Dr Dupoiron, c'est qu'on a une diminution extrêmement importante des doses de traitement. Par exemple, pour la morphine, pour une dose de 300 milligrammes par la bouche, on ne va plus mettre que 1 milligramme dans la pompe intrathécale pour avoir un effet au moins aussi efficace. On a beaucoup moins d'effets secondaires des traitements antalgiques."
Pour les patients dont la vie est devenue un enfer parce que dominée par la douleur, la pompe intrathécale est un véritable espoir. Moins de douleurs, donc, aussi, plus de capacité pour le patient de lutter contre la maladie.
Lorsque Yvon Allay, 68 ans aujourd'hui, a consulté le Dr Dupoiron, il était épuisé par la maladie qui s'était emparée de lui depuis deux ans. "Faites quelque-chose parce que je vais crever" a-t-il supplié, submergé par la douleur.
Il dit avoir trouvé au centre une grande compétence des équipes, à commencer par la qualité de l'accueil. Il y a apprécié la douceur des soignants, les explications qui lui ont été fournies, et, parfois, sourit-il, le plaisir de parler avec le Dr Dupoiron d'autres choses que de la maladie.
Yvon ne supportait plus les chimiothérapies qui le rendaient "malade comme un chien". Il reconnait avoir hésité à se faire équiper d'une pompe intrathécale, impressionné par la taille de l'appareil.
"Je ne voyais pas ça à l'intérieur de mon ventre, dit-il. Et puis j'ai été rassuré. Et franchement, du jour au lendemain, les douleurs ont été calmées. Ça a pris du temps pour l'ensemble des douleurs, mais les douleurs principales ont été calmées."
"C'est grandiose !"
C'était il y a huit ans. Yvon en est à sa troisième pompe, car il faut de temps en temps la changer. Il vit très bien cette présence dans son corps. Même si l'appareil fait une petite excroissance sur le côté droit de son ventre.
"Et surtout, je n'ai plus mal et ça, c'est grandiose, sourit-il. La vie est belle, et sans douleur, elle est encore meilleure."
Yvon a retrouvé le plaisir de s'occuper de son grand jardin, lit beaucoup, s'informe, voyage.
"Je peux me projeter" dit-il.
Il s'agit d'une technique très rigoureuse dans sa mise en œuvre. Tout d'abord dans l'acte chirurgical au moment de l'implantation de la pompe et, plus exactement, du cathéter qui va conduire l'antalgique vers une racine nerveuse de la moelle épinière. Celui-ci doit être "connecté" à un endroit très précis pour agir sur la bonne partie du corps.
Des dosages très précis
L'un des antalgiques utilisés est très puissant et se dose au microgramme par jour.
"La dose dans la pompe doit être extrêmement précise, confirme Denis Dupoiron, d'autant plus que la limite entre la dose thérapeutique et la dose toxique est très étroite. On ne peut être efficace sans effets secondaires qu'en ayant des doses très précises."
D'où l'importance également du rôle des équipes de la pharmacie de l'Institut de Cancérologie de l'Ouest qui effectuent le mélange qui sera injecté par la pompe intrathécale.
Recharger la pompe au domicile du patient
L'argent du prix Axel Kahn sera intégralement reversé à l'ICO pour la recherche sur la lutte contre la douleur.
Il s'agit maintenant de former des infirmières et infirmiers pour qu'ils soient aptes à effectuer le remplissage des pompes aux domiciles des patients. Ce qui permettra que plus de patients aient accès à cette technologie. Aujourd'hui en France, seul un patient sur dix qui pourrait bénéficier d'une pompe intrathécale, est opéré.
Selon le Dr Dupoiron, le Ministère de la Santé est favorable à l'implantation dans chaque région de centres experts comme celui d'Angers.
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