Procès Angers : en appel, Bonnemaison propose aux familles des victimes de "se dire les choses"

Le procès en appel de l'ex-urgentiste Nicolas Bonnemaison, accusé "d'empoisonnement" de sept patients âgés en phase terminale, s'est ouvert lundi par un appel émouvant de l'accusé aux familles des victimes, à "s'aider" et "se dire les choses", hors de la cour d'assises.

Très ému en prenant la parole pour l'interrogatoire de personnalité, le frêle Bonnemaison, 54 ans, a commencé exactement comme il avait fini à Pau, lors du procès en premier ressort devant la cour d'assises des Pyrénées-Atlantiques, qui l'avait acquitté en juin 2014: par des "pensées" et une main tendue aux familles.

"A Pau, j'ai dit que mes pensées allaient aux patients, aux familles, qui vivent des choses difficiles depuis quatre ans", a déclaré l'ex-urgentiste, radié en 2014 depuis par l'Ordre des Médecins, malgré l'acquittement.
"Il est compliqué pour les familles de faire leur travail de deuil", a-t-il insisté, avant de rappeler: "Si des familles, des soignants... ceux qui me mettent en cause,s'ils sont demandeurs de me rencontrer, je suis disponible, ma porte reste ouverte."

'Se dire des choses hors de la cour'

"On peut arriver à s'aider mutuellement, en se disant des choses pas forcément dans une cour d'assises, car c'est compliqué...", a-t-il enfin glissé, la voix tremblante par moments. "C'est beaucoup d'émotion, la garde à vue, deux procès d'assises, deux à trois ans d'instruction, des années d'attente..."

Visage fermé, vêtu de noir, Nicolas Bonnemaison avait été accueilli à son arrivée à la Cour d'appel au bras de son épouse Julie, par quelque 50 membres de son Comité de soutien venus du Pays basque.
Il est accusé d'avoir, entre mars 2010 et juillet 2011 au Centre hospitalier de la Côte basque à Bayonne, injecté des produits létaux à sept patients âgés, incurables, et dont on avait arrêté les traitements, pour abréger leurs souffrances, et leur vie.

L'urgentiste ,décrit au premier procès par les experts-psychiatres comme "hyper-compassionnel" au point d'être "pas assez lucide", n'avait informé ni soignants, ni familles, pour "protéger les proches" et leur éviter un choix "délicat".
C'est l'appel interjeté par le parquet général de Pau qui vaut à l'ex-médecin de se retrouver devant une cour d'assises, jusqu'au 24. Il y encourt la réclusion criminelle à perpétuité.

Ses avocats, comme Me Benoit Ducos-Ader, ont tonné contre ce "procès de trop", cette nouvelle comparution que leur client, bien que "combatif", "vit très, très mal (...) pour les familles des victimes et les gens qui l'entourent."
Cette émotion était palpable chez son épouse, entendue peu avant la suspension d'audience à 21H, dans un vibrant, mais factuel, plaidoyer. "Nicolas est un médecin. Il n'a pas enlevé la vie, il a raccourci des agonies, (...) une période où les gens ne sont plus tout à fait vivants mais pas encore morts. La mort fait aussi partie de notre métier", a asséné l'anesthésiste.

Aucune des familles des patients n'avait porté plainte contre le Dr Bonnemaison. Mais deux se sont portées partie civile.


'Rien à faire en prison' 

"Je lui en veux car il m'a privé de mes droits (...) Il m'a privé de mes adieux", a déclaré Yves Geffroy, dont le père André est mort à 92 ans après des injections de l'ex-urgentiste. Il souhaite que "justice se fasse" mais sent bien que Nicolas Bonnemaison "n'a rien à faire en prison", a-t-il expliqué à des journalistes. "J'attend  une condamnation de principe (...) Une condamnation avec sursis".

"Le Dr Bonnemaison a commis un acte criminel, sinon il ne serait pas là", a appuyé son avocat Me Thierry Cazes, rappelant qu' "il n'y a pas de loi sur l'euthanasie active."
Une soixantaine de témoins, comme à Pau, sont attendus, dont deux anciens ministres, Bernard Kouchner et Michèle Delaunay (mardi par visioconférence), ainsi que le député (LR) Jean Leonetti, père d'une loi sur la fin de vie (2005), et d'une récente proposition de loi.

C'est le contexte nouveau, qui pourrait jeter une autre lumière sur ce procès en appel: une loi sur la fin de vie sur le point d'évoluer, avec l'adoption en deuxième lecture par l'Assemblée d'un texte instaurant un "droit à la sédation profonde et continue", un endormissement jusqu'au décès pour malades incurables au pronostic vital engagé à court terme.

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