Nouveau gouvernement : Bruno Retailleau, ministre de l'Intérieur, veut durcir la politique migratoire, un rêve au-dessus de ses moyens ?

Alors qu'il succède à Gérald Darmanin au ministère de l'Intérieur, Bruno Retailleau a annoncé sa ligne de conduite, lundi 23 septembre, lors de la passation de pouvoir. Le Vendéen a beaucoup insisté sur l'immigration, l'insécurité et sa volonté de multiplier les expulsions. Des associations réagissent à ses ambitions irréalistes et dangereuses.

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"Trois priorités (...) La première, rétablir l'ordre. La deuxième, rétablir l'ordre, la troisième, rétablir l'ordre". Les mots du nouveau ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, laissent peu de place au doute. Son discours intransigeant s'adresse directement aux personnes exilées sur le territoire français.

Après cette passation de pouvoir, le nouveau ministre de l'Intérieur s'est rendu sur le plateau de TF1 pour préciser son ambition. Parmi ses objectifs, mettre un terme au "désordre migratoire", "expulser plus et régulariser moins".

Il a également exposé sa volonté de réformer l'aide médicale de l'État (AME), un dispositif permettant aux personnes sans titres de séjour de bénéficier d'un accès aux soins.

Des ambitions qui dépassent son ministère

"Il veut une gestion policière de l'immigration", analyse Gaspard Norrito, ancien journaliste membre du collectif L'atelier de Français qui dispense des cours à Nantes aux personnes exilées qui viennent d'arriver sur le territoire. "Bruno Retailleau, dit aux préfets d'être plus sévères et intransigeants comme si ça allait régler les maux du monde qui font que des personnes quittent leurs pays. Ils quittent leur pays à cause de la guerre, de la famine et des maltraitances. Personne ne quitte son pays de gaieté de cœur", rappelle Gaspard Norrito.

Personne ne quitte son pays de gaieté de cœur

Gaspard Norrito

Membre du collectif L'Atelier de Français de Nantes

"Que peut faire un ministre de l'Intérieur face à ces déplacements qui ne peuvent pas se tarir ?", interroge l'ancien journaliste. Il ajoute, "et je ne parle même pas des migrations climatiques". Les facteurs qui poussent des personnes à abandonner tout leur monde pour aller braver la mort dans un périple aussi dangereux que violent, dépassent les prérogatives du nouveau ministre de l'Intérieur.

"C'est à la ministre de la Santé, Geneviève Darrieussecq, de se positionner sur l'AME, pas au ministre de l'Intérieur", rappelle Christian Reboul, référent migration, droits et santé à Médecins du monde. En novembre 2023, la nouvelle ministre de la Santé et de l'Accès aux soins, prenait d'ailleurs position en faveur de l'AME.

"La volonté de Bruno Retailleau est de réduire au maximum l'accès au soin des personnes étrangères. Il ne veut pas de ces personnes et les stigmatise en faisant des amalgames entre immigration et insécurité. C'est son idéologie", dénonce Christian Reboul. Pour lui, réduire l'accès de l'AME est contre-productif, "on laisse la santé de ces personnes se dégrader avant de les prendre en urgence dans nos hôpitaux déjà saturés ? C'est un non-sens en termes de santé publique".

C'est un non-sens en termes de santé publique

Christian Reboul

Référent migration, droits et santé à Médecins du monde

Selon Christian Reboul, une personne sur deux n'a pas accès à l'AME alors qu'elle devrait en bénéficier. "Ce n'est pas un dispositif automatique, il y a beaucoup de procédures. Au lieu de stigmatiser les personnes venues de l'étranger, la seule réforme utile serait d'améliorer l'accès à cette aide de santé", encourage-t-il.

"L'immigration nous apporte plus qu'elle ne nous coûte"

"Dans notre pays, nous accueillons principalement des jeunes. Ce sont celles qui ont le moins besoin de soins. Elles sont en bonne santé et veulent travailler", affirme Gaspard Norrito.

Du côté de Médecins du monde, le constat est le même. Mais sur le terrain, ce qui effraie les associations, c'est la dégradation des conditions de vie, qui elles, génèrent rapidement des maladies, physiques ou mentales.

Il n'y a pas de touristes médicaux

Christian Reboul

Référent migration, droits et santé à Médecins du monde

"Il n'y a pas de touristes médicaux, dément Christian Reboul, ce sont des travailleurs essentiels qui vivent parmi nous, leur santé, c'est aussi la nôtre. Mais les conditions de vie, dans la rue ou dans les campements de fortune, créent une dégradation de la santé quand ils arrivent en France".

Pour Gaspard Norrito, l'immigration est plus qu'utile au pays, elle est nécessaire, "la France ne peut pas se passer de ces personnes. Regardez dans nos hôpitaux, dans les Ehpad, dans le bâtiment, etc. Sans eux, il n'y a rien. L'immigration nous apporte plus qu'elle ne nous coûte".

Même son de cloche du côté de la Cimade à Nantes. L'association de solidarité et de soutien aux personnes exilées accuse le nouveau ministre de l'Intérieur d'encourager la stigmatisation de ces populations. "Plus de mesures d'expulsions, ça va encore plus précariser les personnes et les dissuader de faire des démarches administratives", s'inquiète Maxime, bénévole à la Cimade Nantes depuis 15 ans.

Il ajoute, "elles vont être encore plus exposées aux trafics d'être humain et au travail illégal. Ça va juste créer des situations encore plus dramatiques. Mais les personnes ne vont pas disparaître. Il risque d'y avoir une invisibilisation de ces populations qui vont craindre la préfecture, mais qui ne vont pas quitter le territoire français pour autant".

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Pour le bénévole de la Cimade, "ce qui coûte le plus cher à l'État, ce n'est pas l'accès au soin, mais le système d'expulsion ; le dispositif judiciaire, les centres d'expulsions, etc. C’est ça qui engendre de grosses dépenses".

Obligation internationale de protection

La Convention internationale de Genève, signé par l'État Français en 1949, ainsi que la Déclaration universelle des droits de l'homme, signée à Paris en 1948, protègent les droits des personnes qui ont migré.

Sur le site des Nations Unies, Laura Thompson, ancienne Directrice générale adjointe à l'Organisation internationale pour les migrations, rappelle que " même s’ils [les États] ont le pouvoir de gérer les flux migratoires à destination, à l’intérieur et en provenance de leur territoire, ils sont tenus, par la loi internationale, de défendre les droits des individus sur leur territoire et dans leur juridiction".

Plus loin, Laura Thomson ajoute, "selon le droit international des droits de l’homme, les États doivent fournir des services de santé aux migrants ainsi qu’à leurs ressortissants [...] Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), les approches inclusives en matière de droit aux soins de santé et la prise en compte des besoins des migrants peuvent « améliorer leur état de santé, réduire la stigmatisation et les coûts sanitaires et sociaux à long terme, protéger la santé publique mondiale, faciliter l’intégration et contribuer au développement social et économique »".

Au vu du droit international et des enjeux humains et éthiques de l'accès aux soins des personnes présentes sur le territoire français, l'État aurait tout intérêt à respecter ses propres principes républicains ; liberté, égalité, fraternité.

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