Après avoir détenu le record régional de l'abstention lors des élections régionales et départementales en Pays de la Loire, en juin 2021, Durtal, dans le Maine-et-Loire, pourrait bien récidiver lors de la présidentielle. Réactions.
Pour Amaury, ce sera une première. Il inaugurera son droit de vote ce dimanche 10 avril lors du premier tour de l'élection présidentielle. Enfin... peut-être.
"Je n'ai pas trop d'avis", avoue le jeune homme qui dit avoir suivi la campagne de loin, sur les réseaux sociaux. "Je sais pas du tout. Si j'avais la motivation je le ferais" reconnaît Amaury qui dit n'avoir pas le temps de s'intéresser au programme de chacun des candidats. "Je verrai ça plus tard, quand ce sera plus important pour moi" conclut-il.
Cet autre Durtalois, plus âgé, sait que ce dimanche il n'ira pas voter. C'est très clair pour lui.
"Je trouve que c'est de la politique politicienne" déclare Patrice. Pour lui, la multiplicité des candidats décrédibilise la politique française, notamment sur la scène internationale en cette période de guerre en Ukraine. "Je pense qu'ils feraient mieux de s'accorder entre eux et d'être moins nombreux pour être plus forts au niveau international. Je n'en vois pas trop de crédibles (des candidats) face à l'étranger. Les gens qui font de la politique politicienne passent plus de temps à se battre entre eux plutôt que d'être efficaces sur le combat. C'est pas des hommes de terrain !". Il n'ira donc pas voter, même pas pour Emmanuel Macron dont il se sent pourtant plus proche. "Il passera sans ma voix" estime-t-il. Pour lui, le taux d'abstention record affiché par la commune de Durtal (3400 habitants, près de 80 % d'abstention lors du dernier scrutin en juin 2021), peut s'expliquer par le manque de décentralisation, le pouvoir n'est pas assez partagé avec les collectivités locales. "Les directives sont données de très haut, fait-il remarquer, et en bas, ils n'ont pas de moyens pour faire évoluer la vie de tous les jours. Ils ne nous prennent pas en compte. Ils n'évaluent pas nos besoins. Je pense que c'est un sentiment partagé par tout le monde."
"On fait croire qu'il y a de la démocratie mais il n'y en a pas"
Corinne Bobet ancienne maire de la commune, rappelle que les élections municipales de 2020 avaient eu lieu dans un contexte sanitaire très tendu où l'on incitait les citoyens à rester chez eux, d'où la faible participation déjà. "Pour la présidentielle, craint-elle, on entend beaucoup de personnes qui ne savent pas pour qui voter parce que les discours peuvent être flous. Mais il y a aussi les promesses que les élus font aux personnes et qui ne sont pas tenues. On fait croire qu'il y a de la démocratie mais il n'y en a pas. Oui, on vous écoute, on vous entend mais on n'appliquera pas ce que vous demandez."
L'ancienne maire explique aussi ce désintérêt des Durtalois pour la politique par le vieillissement de la population et l'exode des jeunes. "Au niveau du bénévolat, on a du mal, dit-elle, à intéresser les gens à la vie locale. C'est exactement ce qui se passe pour les élections. Il y a un essoufflement de la démocratie."
"Je vote toujours !"
Croisée un peu plus loin, Bérangère estime quant à elle que cette abstention est le résultat d'une mauvaise image des politiques. "Les responsables politiques demandent beaucoup d'efforts mais on n'a pas l'impression que eux montrent l'exemple." Même si elle reconnait que "le cœur y est un peu moins", elle ira voter ce dimanche. "Je vote toujours déclare-t-elle fermement. Je participe toujours !"
Bérangère a un mauvais souvenir des dernières élections. En tant que fonctionnaire municipale, elle avait été assesseure dans un bureau de vote et avait trouvé la journée bien longue, faute de participants.
Dans le salon de coiffure, Stéphanie, coiffeuse, constate que l'élection ne suscite pas beaucoup de commentaires. La guerre en Ukraine et le Covid monopolisent les conversations. Même elle ne sait pas encore ce qu'elle va faire. "Je n'ai pas pris ma décision" dit-elle. D'ailleurs, elle ne se souvient même plus de la dernière fois où elle a voté.
Devant, sur le siège, entre les mains de Stéphanie, Renée comprend le peu de motivation de sa jeune coiffeuse pour cette élection. "Les jeunes ne sont pas trop motivés pour aller voter je pense. Mais nous, à notre âge, on va voter" affirme-t-elle. Parce que c'est un devoir. Notre génération a été éduquée à aller voter."
Audrey, une autre cliente, beaucoup plus jeune, dit ne pas se retrouver dans les discours et les programmes des uns et des autres. "Je n'ai pas l'impression qu'on s'intéresse à ce que moi je pense comme prioritaire" regrette la jeune femme. Mais elle ira voter car elle estime que cette élection aura un impact sur la vie quotidienne. "Je ne vais pas voter par conviction, mais pour le moins pire."
"C'est dommage que les gens s'abstiennent, regrette une cliente à la sortie d'un supermarché. "Qui ne dit mot consent, rappelle-elle, ils vont se laisser prendre par la voix des autres."