Une soixantaine de spectacles, une centaine de représentations, la 29e édition du festival des arts vivants prévue en septembre est maintenue et particulièrement attendue par le public et les professionnels en mal de spectacles. Rencontre avec son co-directeur Kevin Douvillez...
Festival accessible au grand public, courtisé par les professionnels qui y trouvent l'opportunité de découvrir de jeunes talents et d'élaborer leur future programmation, Le Chainon Manquant est cette année plus attendu que jamais dans un contexte de pandémie et d'annulation massive d'événements culturels. Kevin Douvillez, son co-directeur, nous présente les grandes tendances de cette prochaine édition, la 29e. Interview...
Face au covid 19, nombre d'événements prévus cet été et au-delà sont annulés. Vous maintenez le Chainon Manquant. Est-ce que l'épidémie a tout de même changé quelque chose dans votre manière d'aborder cette 29e édition, dans sa programmation, son organisation ?
Kevin Douvillez. Dans la programmation non, parce qu'elle était quasiment bouclée lorsque l'épidémie est arrivée. Dans l'organisation, oui, forcément. On se projette avec les mesures sanitaires, ce qui n'est pas toujours simple. On a décidé de jouer à 50% des jauges en appliquant ce que le décret prévoit, à savoir laisser un siège vide entre chaque personne ou groupe de réservation. 50% avec une priorité aux professionnels et un quota pour le public. On a aussi une programmation jeune public qui risque de se jouer sans jeune public. En espérant que les choses évoluent d'ici là...
Mais une chose dépasse tout ça, c'est la nécessité, et c'est vraiment le mot, la nécessité pour les artistes de présenter leurs spectacles et pour nous, pour nos adhérents, pour les salles de spectacles du Chainon, de voir ce qui pourra être programmé la saison prochaine.
Vous aimez dire que Le Chainon Manquant n'est pas un simple festival, c'est un esprit, et surtout un circuit de circulation culturel solidaire et équitable. Ça prend toute sa valeur par les temps qui courent ?
Kevin Douvillez. Pour le coup, on est encore plus au coeur de notre métier qui est de faire le lien entre des artistes qui ont besoin de montrer leurs spectacles et des salles qui ont besoin de voir des spectacles pour monter une saison.
Kevin Douvillez. On maintient a peu près le même nombre de spectacles et quasiment le même nombre de représentations avec 65 spectacles contre 67 l'année dernière.
Avec quels points forts, quelles tendances ?
Kevin Douvillez. Cette année, pour la première fois, la sélection issue des Régions en scènes, ces petits Chainon qui ont lieu de janvier à mars dans les fédérations, représente 40% de la programmation. Ce qui est assez révélateur de la bonne forme du réseau. En 4 ou 5 ans, on est passé de 220 à quasiment 300 adhérents, on est donc plus nombreux pour repérer les spectacles, plus nombreux pour les acheter. Le réseau se développe parce qu'il répond à une attente et à un besoin sur des profils de programmateurs qui ont de moins en moins le temps ou l'argent pour se déplacer. Ils cherchent des événements qui peuvent concentrer tout ce qu'ils recherchent. C'est le cas avec le Chainon.
Deuxième tendance, on a cette année une sorte de focus sur le théâtre musical. Ce qu'on entend par théâtre musical, c'est lorsque des musiciens décident de raconter une histoire et de basculer dans le théâtre tout en gardant leurs atouts, c'est à dire cette capacité de chanter, de composer, d'écrire des chansons. Ce genre se développe dans le réseau et d'une manière générale en France avec des gens comme Thierry Romanens qui va nous raconter l'histoire d'Emil Zátopek dans le spectacle Courir, ou Chloé Lacan qui évoque son histoire sous l'ombre tutélaire de Nina Simone dans J'aurais aimé savoir ce que ça fait d'être libre.
Question toujours difficile pour un organisateur, quels sont les rendez-vous incontournables selon vous cette année ?
Kevin Douvillez. C'est effectivement compliqué, parce qu'on défend les 65 spectacles programmés cette année de la même manière...
Zaï Zaï Zaï Zaï ?
Kevin Douvillez. Ça peut effectivement correspondre à un des moments incontournables. un spectacle très révélateur de notre société actuelle. C'est très très bien fait en toute humilité et simplicité par le collectif de Cholet. Tout le monde peut s'y retrouver et en même temps on est dans une forme d'exigence avec une histoire pas toujours facile à comprendre et pleine d'enseignement sur ce qu'on vit. Et puis il y a une belle histoire autour de ce projet. Le metteur en scène a été notre directeur technique pendant des années avant de se mettre à la mise en scène.
On aura aussi un spectacle, une création, prévue initialement pour Avignon. Il s'agit d'une écriture musicale de l'écrivain Alain Damasio accompagné par Yan Péchin, le guitariste d'Alain Bashung, et baptisée Entrer dans la couleur. Quelque part, c'est devenu une création du Chainon sans qu'on l'initie...
Kevin Douvillez. Je ne crois pas à un blocage brutal, plutôt à un coup de frein. En parlant avec les directeurs et directrices de salles, je m'aperçois qu'ils et elles essaient de ménager la chèvre et le chou, c'est à dire d'un côté de reprogrammer comme ils peuvent ce qui a été annulé et de l'autre de laisser de la place à la nouveauté, à des gens qui créent et ont besoin de lancer leurs histoires. J'ai l'impression que chacun essaie de trouver ce point d'équilibre, on va vivre une période un peu compliquée où les projets auront un peu de mal à avancer mais ne seront pas à l'arrêt. Au moins cette crise aura-t-elle contribué à faire naître une plus grande attention des uns envers les autres.
Propos recueillis le 6 juin 2020
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