Avant l'épidémie de Covid, on estimait que 20% des étudiants vivaient sous le seuil de pauvreté. Combien sont-ils aujourd'hui à galérer ? Une étude menée sur le campus le mois dernier livre des chiffres édifiants et particulièrement inquiétants.
Etudier à l'université au XXIème siècle, c'est déjà loin d'être une sinécure mais par temps de Covid c'est "un peu pire" comme dirait l'écrivain Michel Houellebecq.
D'après les données recueillies par InterAsso Nantes, auprès de 304 jeunes du campus, un mois après la rentrée universitaire, de nombreux étudiants, notamment parmi les premières années, se retrouvent dans des situations délicates, en tout cas, certainement pas dans les meilleures conditions pour démarrer leur vie post-bac.
Actuellement 14,5% des étudiants sont sans logement, près de la moitié (47,8) font des allers-retours quotidiens depuis le domicile parental et 28,07% sont contraints de payer des nuits en Airbnb, en hôtel ou au camping ou encore d'errer de "proche en proche" indique le rapport de l'Inter Asso.
C'est le cas de Théo, boursier jusqu'à l'année dernière, ce jeune nazairien a entamé des études théâtrales à Angers.
En ce moment il dort en CDD, comprenez "Canapé à durée déterminée". Théo subit la double peine: la pénurie de logements et de trop faibles revenus.
Il squatte chez des collègues de sa formation en attendant que sa demande auprès des HLM aboutisse. Et que son dossier social étudiant soit validé, normalement courant octobre.
"Nous avons bien regardé du côté des campings ou des foyers de jeunes travailleurs mais c'est trop cher, et dans le privé les propriétaires retoquent son dossier au motif que je gagne trop peu, et que je n'offre pas les garanties suffisantes" explique Pascale, sa maman.
"Ce qui est clair, souligne Marie Jadaud, présidente de l'InterAsso, elle-même étudiante de L3 en Biologie, c'est que près de la moitié des étudiants auraient besoin de travailler pour financer leurs études mais vu le contexte économique ambiant, ils ne trouvent rien.
Ils sont près de 63% à avoir cherché sans succès un job l'été dernier...et comme les loyers sont rarement en dessous de 400 euros, ils ne peuvent tout simplement pas se loger ".
Même étudier coûte plus cher cette année
Avec les mesures liées à l'épidémie, certains étudiants ont été contraints d'investir dans du matériel personnel à défaut de pouvoir utiliser celui habituellement fourni par l'Université. C'est le cas pour les étudiats en STAPS (études sportives). Pas question pour eux d'utiliser les tapis de sol ou les haltères mis, en temps normal, à leur disposition." Il ne faut pas négliger ce que ça représente de suivre les cours en distanciel, (une semaine sur deux comme c'est le cas dans quasiment toutes les filières). Il faut avoir un ordinateur, une connexion internet, les bons logiciels. Tout cela coûte cher"indique encore Marie.
Toutes ces donnés, ne sont que la surface immergée de l'iceberg de la précarité.
En fait, celle-ci touche tous les domaines de la vie. Les déplacements, la nourriture, la santé, les sorties...
Chez les étudiants, sans perspective de revenus sinon les bourses pour un tiers d'entre eux, elle est encore plus prégnante.
Les étudiants, en précarité sociale
Benjamin André, actuellement étudiant en master de droit, est le fondateur de la SurpreNantes Épicerie, sur le campus du Tertre à Nantes.Lancée pendant le confinement, cette épicerie distribue gratuitement des produits alimentaires récupérés. "Nous l'avons créee avant tout afin de lutter contre le gaspillage alimentaire" mais ce que constate Benjamin, c'est qu'aujourd'hui cette épicerie, est devenue essentielle pour beaucoup d'étudiants.
S'y ravitailler, c'est évidemment l'occasion de pouvoir faire des économies, de limiter les dépenses pour remplir le frigo, tellement le reste coûte cher.
Cette semaine, sans faire aucune pub, la SurpreNantes Épicerie a procédé à sa première distribution de l'année. 65 personnes sont venues s'y achalander.
"Hier, mardi, nous avons distribué 150 kg d'invendus, principalement des fruits et des légumes, et on a senti que cela faisait beaucoup de bien aux gens, de pouvoir avoir de quoi se nourrir mais aussi de nous voir...".
Plus de Covid, moins de liens
Car le campus, en ce moment, c'est morne plaine.
Des cours en distanciel. Plus de fêtes étudiantes. Plus de rencontres. Plus de vie.
Face à ce constat, particulièrement alarmant, l'InterAsso lance "un signal d'alerte" sur les conditions de logements précaires ainsi que sur la situation financière complexe des étudiants qui sont autant de freins à la réussite universitaire des étudiants.La Covid engendre un isolement qui renforce encore plus la précarité. Pour tous les bacheliers qui sont en première année, c'est hyper dur. On ne peut pas se faire de copains, on ne sait pas où on va...tout cela contribue à entretenir un mal-être généralisé", explique Marie Jadaud
"Ce que nous souhaitons avant tout c'est que les critères d'attribution des bourses soient élargis: aujourd'hui beaucoup de personnes ne les touchent pas alors que leurs situations, ou celles de leurs parents sont critiques.
Et puis il faudrait que les prix des loyers soient encadrés. Enfin nous demandons une revalorisation des allocations et des aides à la vie étudiante" résume Marie Jadaud, qui ajoute, enfin, il faudrait aussi des assitant.e.s sociales et des psys... parce que ça ne va vraiment pas bien!"