Au Centre Soins-Études Pierre Daguet de Sablé-sur-Sarthe, des élèves souffrant de troubles psychiques poursuivent leur scolarité. Un dispositif innovant qui permet à ces jeunes de reprendre le chemin de l'école pour décrocher leur bac tout en étant hospitalisés à plein temps. C’est pour eux la dernière chance de ne pas décrocher et de rester En vie !
Ils et elles sont jeunes, entre 15 et 25 ans et nous apparaissent aussi divers que peuvent l’être leurs parcours de vie, mais avec un point commun : la maladie psychique et la fragilité qui en résulte les a éloignés de la scolarité. Ce n’est pas de vague à l’âme passager dont il est question ici, mais de douleur profonde, persistante, incapacitante. De handicap.
Cette douleur psychique insupportable qui fait qu’on se scarifie, pour qu’une douleur physique prenne le dessus, ou pour extérioriser ce que les mots ne savent pas dire. Ce sont aussi les idées suicidaires, les hallucinations, ou la dépression sévère, celle qui, comme l’explique Corentin filmé durant son année de terminale, fait que "tout devient compliqué à faire, se lever, s’habiller, voir des gens. C’est une sensation de vide, on ne ressent rien, et quand on ressent quelque chose, ce n’est que du mal-être." Ce sont encore des histoires familiales où rôde la mort brutale, ou le suicide d'un parent.
Le Centre Soins-Etudes Pierre Daguet de Sablé-sur-Sarthe est l’un des 13 établissements de ce type géré par la Fondation des Étudiants de France. Il accueille des patients des régions Pays de la Loire, Bretagne, Centre Val de Loire et du nord de la Nouvelle-Aquitaine.
C’est un établissement de post-cure psychiatrique qui intègre dans ses murs un lycée. D’une capacité de 105 lits et places, le Centre accueille des élèves ayant présenté des troubles aigus : psychoses, névroses, états limites, troubles du comportement alimentaire qui ont entraîné une déscolarisation. Le Centre leur propose une double prise en charge : thérapeutique avec des professionnels de santé mentale propres à l’établissement, et pédagogique, assurée par des enseignants de l’Éducation Nationale.
Réalisatrice de nombreux documentaires sur l’enfance et l’adolescence, Réjane Varrod a tourné au Centre Pierre-Daguet durant plusieurs mois en 2020.
On y rencontre Charlotte, qui ne veut pas qu’on l’appelle Charlotte, mais Charlie. L’ado se définit comme non-binaire, c’est-à-dire ni fille ni garçon. C’est un sujet de conflit avec ses parents au début du tournage du film. Une fragilité qui s’ajoute à de longues années de harcèlement scolaire puis à l’apparition d’hallucinations. "Ma vie, c’était ma chambre et mes visites chez mon psychiatre. Ici, j’ai l’impression qu’on me comprend, et qu’on m’accepte comme je suis".
Charlie/Charlotte a de très bons résultats, mais craint que de ce fait, qu'on s'occupe moins de sa situation. Lors d’une rencontre entre l’équipe médicale, pédagogique et ses parents, on la rassurera.
Tout autre est le parcours d’Éloïse. Elle croise la drogue et l’alcool sur son chemin à l’âge de 12 ans. D’abus en abus, des joints aux toxiques les plus forts, Héloïse a fini par demander son admission "pour reprendre un mode de vie sain, et continuer ma vie sans avoir besoin de quelque chose en plus." Le chemin d’Éloïse, poursuivie par ses démons est semé d’embûches. Mais, elle le pressent, "la liberté, on la trouve parfois dans les choses les plus simples".
Avec délicatesse, franchise, mais sans brusquerie, Réjane Varrod mène les entretiens, filme les cours et les soins, assiste aux rencontres entre parents, soignants et enseignants. Sa patience et son sens de l’écoute permettent aux lycéens du Centre de se raconter. Que d’épreuves, de violences, de douleurs dans ces vies jeunes qui n’ont jamais connu l’insouciance, submergées par l'angoisse et taraudées par la peur de l'échec. Et pourtant, ils et elles se reconstruisent. Mieux : se réparent.
On est ici pour reprendre sa scolarité, mais aussi sa jeunesse.
Au Centre Pierre-Daguet, le rythme scolaire se module en fonction de l’état de santé. Trop de fatigue ou de stress, désorientation ? On peut souffler et suspendre la classe le temps de se rétablir. Corentin en fait l’expérience et confie à son prof principal : "je n’arrive plus à me concentrer, et ça me frustre, car j’adore apprendre, mais là en ce moment, je ne suis pas capable. Et je ne suis pas toujours capable d’évaluer ce que je suis capable de faire ou pas."
Documentaire tourné et monté avec tact, accompagné par les notes méditatives d’un piano qui sonnent juste, En Vie ! suscite l’émotion et l’empathie, et surtout la compréhension de la réalité concrète des maladies psychiques, tellement méconnues ou pire, caricaturées.
L’année scolaire avancera, les progrès acquis avec courage porteront leurs fruits. Un beau jour de juin au Centre soins-études Pierre-Daguet, on affiche les résultats du bac. Les mentions sont nombreuses, les équipes soignantes et éducatives sont fières. C'est l'heure des félicitations, des applaudissements, des accolades et des embrassades. Sur les visages des patients-élèves se bousculent larmes et sourires comme une grosse vague d'émotion. Ce diplôme, leur réussite, ils et elles en connaissent le prix.
Le documentaire "En vie !", réalisé par Réjane Varrod, co-produit par par Cathy Palumbo et Victor Robert de 10.7 Productions, et France Télévisions est à voir jeudi 9 février à 23h30 sur France 3 Pays de la Loire.
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