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Documentaire. "Le Chapiteau, une promesse", pour réinventer la vie et la ville dans le quartier des Sablons au Mans

Bertrand Guerry explore les enjeux liés à la création d'un équipement culturel à la Cité du Cirque au Mans. Entre opportunité et défi, le réalisateur suit, au côté des habitants, la construction de ce chapiteau permanent, qui durera près de deux ans.

Que peut apporter un équipement culturel aux habitants d’un des quartiers les plus pauvres des Pays de la Loire ? La culture peut-elle vraiment changer la vie et la ville ? Le réalisateur Sarthois Bertrand Guerry pose les enjeux dès le titre de son documentaire : "Le Chapiteau : une promesse".

Quelle que soit la sincérité des élus du Mans, des aménageurs et des acteurs culturels, quels que soient les nombreux efforts de tous pour convaincre la population du bien-fondé de la création d’un chapiteau permanent à l’entrée du quartier prioritaire des Sablons, l’acte de bâtir ne fait pas tout comme le rappelle l’architecte du Chapiteau Christophe Theilmann.

Passé l’ouverture, il faudra emporter l’adhésion des habitants, faire venir le public, et populariser le propos d’un cirque contemporain émancipé de longue date des codes du cirque traditionnel.

C’est donc pour tenir cette promesse, où se mêlent plaisirs à venir du spectacle et perspective d’une vie rendue meilleure par la construction de ce grand équipement, que le travail de médiation a commencé dès les premiers coups de pelleteuse.

L’auto-exclusion culturelle existe

"Ce n’est pas facile d’entrer dans un lieu culturel" constate Thomas, médiateur. "Moi, j'ai travaillé dix ans dans un lieu culturel dont les portes s’ouvraient toutes seules, ce n’est pas pour autant qu’on s’autorise à y entrer. L’auto-exclusion culturelle existe. Ce qui est intéressant dans ce projet, c’est qu’il n’est pas encore construit et on dit : venez, on va le faire ensemble".

Le site choisi est celui de l’ancienne pataugeoire de la piscine des Sablons. Le lieu des jours heureux pour bon nombre d’habitants, comme Gisèle Le Douéron et Raymonde Gardenat, toutes deux agentes d’entretien à la Cité du Cirque. En regardant les plans du futur chapiteau, elles se souviennent, qu’adolescentes, c’était là que les jeunes se retrouvaient.

 "Les Sablons, à l’origine, c'était un marécage, tout était à faire"

La pataugeoire, lieu de ralliement de trois générations, disparaît sous les coups des marteaux-piqueurs dès les premières images du film, sans que les habitants aient la vision concrète de ce qui viendra la remplacer. Il faut démolir avant de rebâtir et comme le dit Michel Péchard observant le chantier qui commence, ça fait drôle.

Michel a connu le quartier à l’époque de sa construction. "Les Sablons, à l’origine, c'était un marécage, tout était à faire" se souvient-il. "C’était un chantier, il y avait des immigrés marocains, algériens, turcs, on faisait des fêtes, il y avait une fraternité qu’on ne trouvait pas ailleurs à l’époque, et qu’on ne retrouve plus aujourd’hui".

D’un chantier à l’autre, la population a vieilli. Les premiers habitants arrivés comme jeunes actifs dans les années 60 sont retraités aujourd’hui. Ils disent apprécier la verdure du quartier, et craindre les nuisances avec l’arrivée du Chapiteau.

Dans une séquence tournée lors d’une présentation du projet, les questions portent d’abord sur le stationnement qu’il faut préserver au bénéfice des riverains, faute de quoi les appartements perdraient de leur valeur. Ne peut-on pas construire ce chapiteau ailleurs, demande-t-on à tout hasard ?

D’évidence, non. Les Sablons accueillent déjà la Cité du Cirque, lieu de formation et de création. Le Chapiteau sera quant à lui lieu de spectacle et d’accueil du public, le tout formant un Pôle National Cirque, le 14ᵉ en France et le seul dans la région des Pays de la Loire.

Cet enjeu de rayonnement bénéfique au quartier défendu par les élus et les acteurs culturels du Mans n’est pas le plus simple à faire comprendre tant que le chapiteau n’existe que sur plans. D’autant que la construction, marquée par l’épisode du Covid comme tant d’autres, subira un coup d’arrêt de 10 mois suite à une mauvaise évaluation des qualités du sous-sol.

À la reprise, tout s’accélère et la caméra de Bertrand Guerry capte les moments clés : voilà le squelette de la piste qui se dessine avec son tressage de ferraille, où l’on coule bientôt le béton. Les murs qui s’élèvent, puis la charpente qui s’y appuie, et c’est ensuite la pose délicate de la structure faîtière, 17 tonnes amenées à 20 mètres du sol.

Chacune de ces séquences donne lieu au ballet des hommes et des engins, la chorégraphie du chantier répondant à sa manière aux spectacles proposés à temps réguliers sur le chantier par des artistes de cirque confirmés comme Johan Swartvagher ou Samantha Lopez.

Une construction qui génère de l'espoir

Ardent défenseur de la culture et convaincu de son rôle primordial dans le vivre-ensemble, Bertrand Guerry et sa monteuse Anne-Sophie Schbath-Justice hissent leur proposition documentaire au-delà de la nécessité de laisser une trace de cette transformation urbaine. Ils jonglent avec les images et les mouvements, allant jusqu’à les assembler comme des dominos animés dans des formats verticaux inattendus.

Sa place d’observateur, le réalisateur l’a choisie du côté des habitants, pour écouter leurs attentes. Il a raison, car elles sont nombreuses, et l’équipe du Plongeoir-Cité du Cirque le sait.

Loin de la laisser indifférente, la construction du Chapiteau suscite bien des espoirs dans la population, et les plus jeunes, sensibilisés des mois durant dans les établissements scolaires, ne sont pas en reste. Que le Chapiteau permette aux enfants dont les familles n’ont pas les moyens l’apprentissage des disciplines circassiennes est une vraie opportunité. Que le cirque contemporain puisse construire sous sa toile colorée un lien réel avec le public manceau et au-delà est un vrai défi.

À l’heure des écrans individuels et de leurs émotions instantanées et fugaces, la promesse du Chapiteau est bien de renouer avec l’expérience immersive du spectacle de cirque, de montrer que la poésie et le rêve peuvent s’inventer et s’inviter partout, dans le quartier des Sablons comme ailleurs. Nous en avons besoin, assène Bertrand Guerry, mais en aurons-nous encore envie ? C’est la question que nous pose ce chapiteau tant attendu, qui a ouvert ses portes le 10 novembre 2022.

"Le Chapiteau : une promesse", un film de Bertrand Guerry

Une coproduction O.H.N.K. – France 3 Pays de la Loire

Diffusion jeudi 5 octobre à 23h40

► À voir en replay sur france.tv dans notre collection La France en Vrai

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