Un collectif sarthois de parents demande un enseignant spécialisé pour apprendre le braille à leurs enfants déficients visuels

Depuis près d'un an, un collectif d'une dizaine de parents d'enfants atteints de déficiences visuelles se bat pour demander l'accès à l'égalité d'apprentissage de l'écriture et de la lecture. La Sarthe est le seul département des Pays de la Loire qui ne bénéficie pas d'un enseignant spécialisé itinérant pour apprendre le braille à ces élèves malvoyants.

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" Dans les livres, on peut voir des choses avec les mains, c'est pour ça que je les aime bien ", raconte Mathis, qui aura bientôt cinq ans.

Mathis est atteint depuis sa naissance de microphtalmie, associé à une atrophie du nerf optique. L'enfant est actuellement scolarisé en moyenne section, dans une classe ordinaire dans le nord du département.

Avec Géraldine, la psychomotricienne qui le suit depuis plusieurs années maintenant, le jeune aveugle s'initie aux rudiments du braille. La mère de Mathis, Doriane Thomas, regarde son fils travailler ses repères dans l'espace, la synchronisation de ses deux mains et le développement de son sens du toucher fin, trois pré-requis nécessaires pour appréhender la lecture : "Après, ils vont apprendre à repérer des points, avec des numéros de points. Donc, ils faut qu'ils sachent se structurer dans l'espace : le point 1 sera toujours à la même place, le point 2 aussi, etc. Et ce sont ces nuances de points qui vont former les différentes lettres du braille."

Mathis sera en grande section de maternelle à la rentrée 2024. Une année scolaire importante où commencent les premiers apprentissages de l'écriture. "On va avoir le matériel : la MDPH (Maison départementale pour les personnes handicapées) nous fournit les Perkins, les machines à écrire le braille," explique Doriane " mais, pour l'instant, on n'a personne pour lui enseigner. Donc, à la rentrée, on ne sait pas ce qu'il va faire à l'école en matière de lecture ou d'écriture."

Ce n'est pas juste ! Il mérite, comme les autres enfants, d'apprendre à lire et à écrire.

Doriane Thomas

Mère de Mathis

Ce cri du cœur, d'autres parents le partagent désormais au sein d'un collectif. Créé il y a près d'un an autour d'une dizaine d'enfants porteurs d'handicaps visuels, le collectif milite pour la création d'un poste d'instituteur spécialisé itinérant dans la Sarthe, le seul département des Pays de la Loire qui en est aujourd'hui dépourvu.

Pour Gaëlle Massé, une des fondatrices du collectif, le message est simple : "On veut un enseignant formé dès la rentrée de septembre et qui puisse intervenir dans toute la Sarthe auprès de nos enfants. On souhaite que nos enfants restent scolarisés dans leurs écoles de secteur et que ce soit l'enseignant qui se déplace." Le collectif estime ne pas avoir eu de retour de la part de l'éducation nationale, malgré trois rendez-vous avec les services de l'inspection académique.

On est en colère, on n'est pas entendu. On a l'impression d'être mené par le bout du nez.

Gaëlle Massé

Collectif de parents

Pour alerter l'opinion public sur la situation de leurs enfants, le collectif a lancé une pétition qui a déjà recueilli plus de 600 signatures en une semaine. Les parents demandent aux signataires de les aider "à faire respecter le droit à l'instruction".

Les lacunes de l'éducation nationale

Noéline est scolarisée en classe de CE1 à l'école Fernand-Loriot de Tuffé, une commue située à l'est du Mans. Son enseignant, Goulven Mesgouez, se débat avec le manque de matériel adapté au handicap visuel de sa jeune élève. "C'est frustrant parce que j'ai affaire à une élève qui est demandeuse, qui est motivée, qui est dynamique, qui a envie et qui ne se plaint pas. J'ai envie de l'aider mais je manque de matière, je manque de réponses, je manque de solutions..." 

On bricole, on fait preuve de bon sens : on réfléchit, on rate, on propose, on essaie, mais ça manque d'efficacité...

Goulven Mesgouez

Professeur des écoles à Tuffé

Pour Noéline, l'enjeu de l'écriture et de la lecture en braille est une nécessité. "On a trouvé une dame de 70 ans qui enseigne le braille à Noéline une demi-heure par semaine sur Le Mans", raconte Fleur Lévêque, la mère de Noéline. "Donc, on fait une heure et demi de trajet tous les mercredi pour une demi-heure de braille. On n'a pas trouvé d'autres solutions, d'autant que l'ophtalmologiste qui suit Noéline insiste pour qu'elle soit autonome au niveau du braille, d'ici trois ans maximum."

De son côté, l'éducation nationale explique que le département a mis en place plusieurs moyens pour accueillir les élèves déficients visuels. " D'abord dans la classe ordinaire avec un certain nombre de matériel adapté ", explique Dominique Chevrinais-Poglio, la Directrice académique de l'éducation nationale en Sarthe (Dasen). "Ensuite avec l'aide d'un adulte accompagnant, un Aesh (Accompagnant des élèves en situation de handicap), pour aider l'enfant dans sa scolarité, et enfin, nous avons une classe Ulis (Unité localisée pour l'inclusion scolaire) à l'école Marceau au Mans qui est spécialisée dans l'accueil des enfants en déficience visuelle." Cette dernière structure ne peut accueillir que dix enfants maximum chaque année. 

Les demandes du collectif ont cependant l'air d'avoir été entendues par l'administration. Il n'y aura pas de poste supplémentaire dédié l'an prochain, mais une recherche de solution en interne est bien en cours, selon les dires de la Dasen.

Nous avons lancé un appel à candidature pour recruter, à la rentrée 2024, un enseignant itinérant qui sera spécialisé pour les enfants déficients visuels. Cet enseignant pourra intervenir dans le premier comme dans le second degré (...) à l'école, au collège, voire au lycée.

Dominique Chevrinais-Poglio

Directrice académique de l'éducation nationale de la Sarthe

Répondre aux besoins de ces enfants après l'école élémentaire, ce sont aussi une des revendications du collectif de parents. Pour Fleur Lévêque, la maman de Noéline, il n'existe aujourd'hui pas de solution d'accueil en Sarthe pour sa fille après le CM2 : " S'il n'y a rien qui se passe, elle sera obligée de changer de département et d'aller en internat pour le collège... ce qui est quand même très angoissant pour une maman et surtout pour une petite fille de 11 ans ! "

► Le reportage de Kanwalgit Singh, Benjamin Bonte et Mariano Zadunaisky

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