TEMOIGNAGES. En Vendée, après 40 ans de service, l'Insula Oya 2 laisse la place à un nouveau navire pour relier l'île d'Yeu au continent

D'ici quelques semaines, la Compagnie Yeu-Continent qui assure la mission de service public de transport maritime entre Fromentine et l'île d'Yeu, en Vendée, verra sa flotte s'enrichir avec l'arrivée du tout nouveau caboteur l'Insula Oya 3. Celui-ci remplacera l'Insula Oya 2, un navire mis en service en 1982.

Après 40 ans de bons et loyaux services, selon la formule consacrée, il prendra sa retraite.

A l'occasion de cette passation de pouvoirs, Christophe François et Elodie Soulard ont voulu feuilleter l'album de famille de l'Insula Oya 2 qui, contrairement aux apparences, est bien plus qu'un bateau et les Islais le savent bien.

Rencontre avec quelques uns d'entre eux. Tout commence à Fromentine.

De fromentine à l'île d'Yeu

Gare maritime de Fromentine, toujours le même ballet de transpalettes qui se succèdent à l'avant et à l'arrière de l'nsula Oya 2, le couteau suisse de la Compagnie Yeu-Continent, capable de tout transporter ou presque.

Ravitailler l'île d'Yeu, assurer la traversée des passagers, telle est la mission de ce vénérable navire affichant 40 ans de navigation. 

"C'est un bateau qui dort à Fromentine la semaine. On vit à bord, on mange, on dort à bord, chacun a sa cabane, il y a un carré avec la cuisine, explique Romain Rafin, capitaine de l'Insula Oya 2, les horaires sont rythmés par la marée, on est plus contraints par la marée à Fromentine avec ce bateau, il y a plus de tirant d'eau. 

"Ce n'est pas le même rythme et ce n'est pas la même vie à bord, on retrouve une vie de bord qu'on a pu connaitre soit au long cours soit à la pêche au large", poursuit le capitaine.

Il y a une vie de carré, on mange ensemble, il y a une vie de bord, une convivialité qu'il n'y a pas sur les catamarans

Romain RAFIN

Capitaine de l'Insula Oya 2

"Le bateau est de 82, moi je suis de 84, donc je l'ai toujours connu, raconte Romain Rafin, il m'a toujours transporté, quand j'étais petit, j'avais le mal de mer, donc oui je m'en souviens".

70 minutes plus tard, l'Insula fait son entrée à l'île d'Yeu.
A la gare maritime, les équipes sont à poste, un autre bal s'annonce.

Depuis le quai d'en face, Fabien observe la manoeuvre dont il connait chaque détail. Il a travaillé sur le quai bien avant de diriger la compagnie.

"Tout ce qui est frais, tout ce qui est produit de nécessité quotidienne, tout passe par l'Insula, explique Fabien Dulon, ancien docker et ancien directeur de la compagnie Yeu-Continent, c'est le cordon ombilical de l'île". 

"L'Insula, c'est une ruche, il faut à la fois des marins, à la fois des gens organisés qui savent parfaitement comment on peut charger rapidement le navire.

Fabien Dulon

Ancien docker et ancien directeur de la compagnie Yeu-Continent

"Pourquoi rapidement ? Parce que sur Fromentine on dépend rapidement de la marée et le temps de chargement est limité avec la hauteur d'eau donc il faut faire très vite", explique Fabien Dulon.

Mais l'Insula Oya 2 ne repart pas forcément à vide. Très longtemps, il a transporté des produits de l'ile d'Yeu vers le continent.

"L'Insula a transporté tout le poisson de la criée de 1984 à 2016", raconte Eric Taraud, patron pêcheur.

L'Insula Oya 2 a servi l'ïle d'Yeu durant quatre décennies, et notamment les jeunes ceux qui, après la 3ème, partaient apprendre sur le continent.

Les lycéens, "quand ils partaient, ils ne pouvaient pas rentrer tous les week-ends à l'époque", se souvient Christine Méchin, "avec l'Insula c'était un week-end sur deux, voire plus, et comme les lycées ne faisaient pas internat il fallait trouver des familles d'accueil".

"Il y avait des semaines où l'Insula partait trop tard le lundi matin, du coup il fallait absolument qu'ils partent le dimanche soir les enfants, raconte Moïsette Dupont, du coup il fallait, pour tout le monde, trouver une solution le dimanche soir"

Un lien intergénérationnel

Echange informel entre l'actuel et le premier capitaine de l'Insula Oya 2, le bateau fait le lien entre les générations.

"On l'a mis en service, si mes souvenirs sont exacts, le 19 avril 82, se rappelle Marc Ricolleau, la première fois qu'il est arrivé à l'île d'Yeu ça a surpris un peu tout le monde puisqu'on est arrivé il faisait plein jour ".

Quand on est arrivé dans le port, on a fait un tour complet, c'est à dire qu'on n'a pas accosté, on a fait un tour dans l'entrée du port et on est ressorti pour que les gens puissent voir l'avant et l'arrière du bateau

Marc Ricolleau

Premier capitaine de l'Insula Oya 2

"Il y avait un petit peu de houle et j'ai oublié de mettre les stabilisateurs en sortant, on s'est mis à rouler, poursuit Marc Ricolleau, et quand on est rentré (de nouveau), on a dit "mais il roule ce bateau, il roule beaucoup".

Les Navires à Grande Vitesse font la traversée en 35' quand l'Insula Oya 2, a besoin du double.
Mais si tout le monde apprécie le gain de temps, beaucoup regrettent le service au bar, un bar aujourd'hui disparu.

"Le matin, les gens qui partaient avaient pris l'habitude, quand il faisait beau de prendre leur petit déjeuner à bord du bateau, se souvient Marc Ricolleau, il y avait aussi les week-ends de foot, c'était quand même assez impressionnant, parce que gagné ou pas gagné, ils avaient toujours gagné à bord du bateau".

Des souvenirs plein les cales, l'Insula Oya 2 est reparti. Encore quelques traversées, et il laissera sa place à l'Insula Oya 3.

Il en va ainsi des bateaux qui relient les îles au reste du monde.

Le reportage de Christophe François, Elodie Soulard, Laurent Bellanger et William Sabas