Biographe hospitalière, un métier rare, pour permettre à des personnes gravement malades de revivre les heures qui ont compté dans leurs vies, et transmettre le récit de ces vies. Christine Carmona recueille la parole et l'écrit pour les proches proches, qui la liront bien après le décès.
Christine Carmona est biographe, au Centre Hospitalier Côte de Lumière des Sables-Olonne. Elle recueille le récit des vies des personnes hospitalisées pour des maladies graves. Ce métier, car s'en est un, est dû à l'initiative du centre hospitalier de la commune. Depuis 2017 Christine écoute, prend note, puis met en forme les récits, exprimés par les malades. Pour en faire une lettre, ou un livre.
Le rendez-vous du mardi
"Mon travail consiste à faire un petit bout de chemin ensemble avec la personne, on fait un projet commun, l'écriture d'un livre dont je ne suis que la traductrice, ce récit de vie n'appartient qu'à la personne et c'est la personne qui se raconte", précise Christine Carmona.
Chaque mardi, Philippe a rendez-vous avec sa biographe : "Je suis content tous les mardis, je sais qu'à 10 heures et demie on va parler de choses intéressantes, et de choses poignantes, plusieurs fois j'ai pleuré, oui. Ça permet de remettre à la surface, des choses importantes, de dire des choses qui n'on a jamais dites, à personne. Pendant ce temps-là, ça évite de parler de la maladie".
"C'est tout de même intéressant de parler de sa vie, c'est comme un médicament, on remonte les bons souvenirs, même si on connait la fin", conclut-il se sa voix rapide.
Faire du bien
La biographe hospitalière intervient chez Philippe dans le cadre d'une hospitalisation à domicile, elle est l'un des maillons d'une équipe pluridisciplinaire, psychologues, infirmiers, aides-soignants ou médecins, qui prend soin des patients.
David Tessier est infirmier, le travail de la biographe permet de sortir du quotidien de la maladie, de repousser l'inéluctable. "Ça permet de sortir la personne de l'idée de sa mort et de la ramener à la vie qu'elle a eue, on défocalise de la mort qui approche".
Pour bien prendre soin des autres, il faut d'abord savoir prendre soin de soi. Dans le service des soins palliatifs qu'elle dirige, Marie-Félicie Chevreau-Rousseau, passe parfois de longs mois avec les patients. Et chaque fois, il faut que le médecin, avec son équipe, fasse aussi le deuil de la disparition du patient. "Le bénéfice n'est pas que pour une personne, c'est pour cette personne qui va disparaitre certes, mais c'est aussi pour sa famille, et c'est important également pour les soignants, il y a vraiment un bénéfice à parler de cette dimension là, ça nous fait du bien à nous aussi".
Se souvenir de sa belle vie
Après le travail d'enregistrement de la parole, vient le temps de sa mise en forme écrite. Christine ne transcrit pas tout ! Elle accompagne la personne jusqu'au moment où elle décide de mettre un point final à son récit. Elle restitue le propos aussi fidèlement que possible en pensant aussi au lecteur, ne pas écrire de choses qui pourraient se révéler blessantes.
Christine écrit pour être lue. Longtemps après la disparition de la personne. "On attend que ce soit un temps éloigné du temps de la perte et de la douleur de la perte. C'est important de laisser passer du temps, car le livre risquerait d'être associé à la douleur, alors qu'il est sensé être quelque chose de bénéfique". Christine est une passeuse de souvenirs et de belles choses.
Depuis 2017, 17 livres, 17 récits de vies ont été rédigés. Pour y parvenir, il faut quelques moyens. L'hôpital se tourne vers des mécènes et des financements privés pour les trouver. Christine Carmona travaille avec l'association Passeurs de mots, passeurs d'histoires, qui établit une convention de partenariat avec le centre hospitalier et Helebor, anciennement le Fonds pour les soins palliatifs.