Les Sables d'Olonne, Vendée : comment un lycée d'enseignement adapté va être fermé pour cause de guerres internes

Fermer un établissement scolaire n'est pas chose courante. C'est pourtant ce qui a été décidé concernant un établissement d'enseignement adapté aux Sables d'Olonne, en Vendée. Les raisons de cette décision sont étonnantes. Entre silences et renvoi de "patate chaude".

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A la rentrée prochaine, il n'y aura plus d' EREA en Vendée. Un EREA, c'est un établissement régional d'enseignement adapté. Il regroupe des jeunes de 12 à parfois plus de 20 ans qui, pour des raisons diverses, difficultés sociales, difficultés scolaires importantes, nécessitent un enseignement adapté, avec moins d'élèves par classe et des enseignants qualifiés.

Il existe environ un EREA par département en France.

Aux Sables d'Olonne, en Vendée, l'unique EREA de ce département qui accueille 90 élèves dont une partie en internat, va fermer à la fin de cette année scolaire. 

"Des conflits entre personnels qu’on ne pouvait plus arriver à surmonter"

La décision a été prise par le Rectorat de Nantes et "accompagnée" nous dit-on pudiquement à la Région, en charge de ce type d'établissement, qui, par un vote le 31 mars dernier, a acté cette fermeture.

Côté Rectorat, William Marois, le recteur, expliquait ce jour-là que : "Il y avait des difficultés, notamment une équipe qui est fragmentée, des conflits entre personnels qu’on ne pouvait plus arriver à surmonter d’où cette décision. Ce n’est pas une décision facile à prendre."

Depuis, c'est le silence total du côté de l'Etat. La préfecture de Vendée renvoie à la préfecture de Région qui renvoie au Rectorat... qui ne répond pas. Tout au moins sur ce dossier.

Car des questions se posent. Depuis quand, ferme-t-on un établissement scolaire pour des raisons de dissensions internes ? Quelle est la place des élèves dans un tel raisonnement ?

Des menaces de mort

Certes des dysfonctionnements dans l'équipe éducative, il y en avait.  Même si les élèves ne s'en sont pas toujours rendus compte. "Les enseignants faisaient le job", nous dit, Liberato Negro, un parent d'élève qui n'a rien à leur reprocher. 

Une enquête administrative a pourtant bel et bien mis au jour de mauvaises pratiques, et même, un cas de violence sur un élève. L'enseignant accusé, après avoir été sous le coup dans un premier temps d'une procédure de licenciement qui a été contestée reste suspendu. 

"Je ne dirais pas qu’il y avait des pratiques abusives, témoigne un ancien enseignant de l'EREA Jean D'Orbestier qui a souhaité garder l'annonymat, mais une tension entre collègues qui avaient du mal à s’entendre."

Des petits règlements de compte entre profs qui avaient fini par pourrir l'ambiance. Ajoutées aux difficultés quotidiennes du métier, ces animosités parfois dignes d'une cour de récréation ont provoqué nombre d'arrêts de travail. L'absentéisme était, dit-on, important dans le personnel de l'EREA. 

Une nouvelle proviseure a été nommé en septembre 2019 pour tenter de remettre de l'ordre dans l'établissement. Joli défi qu'elle commencera à relever. Mais la proviseure va faire l'objet de plusieurs menaces de mort, dont l'une sous la forme d'une lettre anonyme postée le 8 janvier 2021 dans la boîte aux lettres de l'EREA. 

"Une bonne directrice est une directrice morte" disait la lettre. Quelques semaines après l'affaire Samuel Paty, la menace avait de quoi inquiéter. L'établissement est resté fermé une semaine de plus à la rentrée de janvier. Les parents d'élèves ont été informés qu'un "évènement grave était survenu".

Plainte a été déposée, mais ce n'était pas la première. Des propos violents tenus par un des enseignants avaient déjà fait l'objet de plaintes en décembre 2020.

Une enquête a été menée par la police des Sables d'Olonne et le dossier est depuis quelques jours sur le bureau du procureur qui doit rendre sa décision. Dans cette affaire, plusieurs personnes, membres du personnel de l'EREA ont été entendues. Car la menace de mort ne vient visiblement pas d'un élève.

Depuis le début de l'année, la proviseure est en arrêt maladie, c'est le responsable d'un autre établissement professionnel voisin qui a été chargé d'assurer l'interim.

Pour remettre de l'ordre à l'EREA Jean d'Orbestier, le Rectorat a donc pris la décision de fermer l'établissement.

"On aurait dû fermer d’ici trois à quatre ans pour des raisons de vétusté, mais ils en auraient construit un autre" fait remarquer un ancien de l'EREA. Une autre source nous parle notamment de systèmes de sécurité incendie qui n'étaient plus au normes.

"Ce n’est pas une décision faite pour faire des économies."  assurait pourtant fin mars le Recteur

Du côté de la Région des Pays de la Loire, propriétaire des lieux, on explique que la décision appartient au seul Rectorat.

"Nous avons été saisis par le Rectorat suite une enquête administrative pour des dysfonctionnements graves, nous dit une élue de la Région en charge de ce dossier. Nous ne citerons pas son nom car elle est actuellement en campagne. Le Rectorat souhaitait fermer cet établissement. La situation étaient compliquée, enkystée depuis plusieurs années. Il y avait des enfants qui étaient en danger, nous avons souhaité accompagner cette décision. Nous avons acté la fermeture de l’EREA en cession le 31 mars."

Un EREA inutile ?

On ferme donc pour le bien des jeunes doit-on comprendre. Et tous ont pu trouver une place dans un autre établissement du département. Les personnels, enseignants comme ceux de la Région seront réaffectés ailleurs. Et puis, dit-on entre les lignes, avait-on vraiment besoin de cet outil ?

"Beaucoup d’élèves étaient semble-t-il affectés (à l’EREA) par défaut, explique-t-on à la Région. mais pas forcément pour un besoin d’accompagnement pédagogique adapté avec des enseignants spécifiquement qualifiés."

Ce n'est pas l'avis d'un ancien enseignant de l'EREA : "Si on les met dans des CAP de lycées pro, la moitié va baisser les bras" dit-il.

Même doute chez ce papa d'un des élèves concernés : "Ils ont trouvé une solution ? s'interroge-t-il.  Non ! En fait, ils ont imposé une solution, les jeunes n’ont pas eu le choix. C’est malheureux qu’il n’y ait plus ce genre de structure. Ça permet de cadrer les jeunes qui sont en rupture scolaire et de leur apprendre un métier."

Au Conseil Régional, on veut garder la porte ouverte : "Les faits sont suffisamment graves pour que cette décision soit suivie par le Conseil Régional, nous a-t-on assuré. Si demain il y en a besoin (d’un EREA en Vendée), nous serons au rendez-vous autour de la table."

Fin de chantier. La Vendée est donc un des rares départements en France où un établissement adapté du type EREA est devenu inutile. Mais combien de temps faudra-t-il pour en ouvrir un nouveau lorsque le besoin sera identifié ? 

 

 

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