Le parquet général et le bâtonnier de Lyon ont requis mercredi la radiation de Me Alexis Dubruel qui avait demandé la récusation d'un magistrat lyonnais en raison de son patronyme à consonance juive. La décision a été mise en délibéré au 16 octobre.
"J'appelle cela de l'antisémitisme, avec tous les relents de l'histoire qui reviennent et qui sont intolérables dans les écrits d'un avocat", s'est indignée l'avocate générale, Jacqueline Dufournet, lors de l'audience devant le Conseil régional de discipline.
Le bâtonnier de Lyon, Philippe Meysonnier, a jugé la requête de Me Dubruel "nauséabonde" et réclamé lui aussi sa radiation, estimant qu'il était "la honte du barreau de Lyon".
L'affaire, qui a suscité une vive émotion dans la justice lyonnaise, a commencé par un conflit autour d'une fillette. La grand-mère, défendue par Me Dubruel, avait attaqué la mère en correctionnelle mi-2012 en l'accusant de ne pas respecter son droit de visite.
Siégeant comme juge unique, Albert Lévy avait renvoyé sa décision sur d'éventuelles sanctions au moins de décembre, "de manière classique" en pareil cas, pour tenter "d'amorcer" ce droit de visite, a fait observer Mme Dufournet mercredi.
Mais Me Dubruel, révolté par ce renvoi, avait demandé en octobre la récusation du magistrat, mettant en cause son impartialité dans ce dossier "où le père de la prévenue s'appelle Moïse". Il avait joint à sa requête les pages Wikipédia de "Moïse" et "Lévy".
"Il y a lieu de s'en tenir à de simples constatations patronymiques et "prénonymiques", écrivait l'avocat. Niant toute motivation antisémite, mercredi, il a expliqué avoir soupçonné une "coloration communautariste" dans l'attitude de M. Lévy à l'audience.
Pour Me Dubruel, le magistrat "a fait un large sourire à la prévenue" à l'énoncé du prénom de son père et, parallèlement, s'est montré "très agressif" avec sa propre cliente, "terrorisée".
L'avocat de Me Dubruel, Dominique Inchauspé, a réclamé "la mansuétude" du conseil de l'Ordre, affirmant que son client avait "surréagi", de façon "un peu irrationnelle", dans un dossier qui l'occupait depuis plusieurs années.
Persistant dans sa démarche, Me Dubruel avait même attaqué Albert Lévy en "déni de justice" devant le tribunal correctionnel de Lyon, en juin, lors d'une audience particulièrement tendue. Mais cette procédure est en cours d'abandon.
L'affaire a fait d'autant plus de bruit qu'Albert Lévy est une figure de la magistrature, qui a fait l'objet de plusieurs attaques antisémites et de menaces de mort, notamment lorsqu'il travaillait à Toulon sur des liens supposés entre le grand banditisme et le Front national.
Me Dubruel, avocat parisien arrivé à Lyon en 1999, a raconté mercredi sa "grande solitude professionnelle", face à des clients peu nombreux et "démunis". Son cabinet, situé dans un village de l'ouest lyonnais, est en redressement judiciaire.
Il a regretté mercredi "les termes" employés dans sa requête, mais a estimé n'être pas responsable de la "réaction quasiment atomique" qu'ils avaient déclenchée.