Parti d'un CAP de chauffeur routier, puis de menuisier, le sous-préfet Bruno André, 50 ans, directeur de cabinet du préfet du Rhône, a gravi les échelons administratifs, preuve, selon lui, que l'ascenseur social, "ça marche".
"Je ne faisais rien à l'école, ça ne m'intéressait pas", explique d'une voix douce ce Breton, fils de gendarme et d'une ouvrière textile, qui est "allé péniblement jusqu'en seconde". Il devient chauffeur-routier mais quitte très vite son emploi, poussé par sa "curiosité" et son goût de la "découverte".
Après quelques mois de formation en menuiserie en Allemagne, il monte avec un ami carreleur une petite entreprise de vérandas en Bretagne. "J'ai appris la maçonnerie, le carrelage, l'électricité", résume ce touche-à-tout, cheveux bruns et sihouette svelte. Mais il "bute sur le côté administratif et comptable du métier".
A 24 ans, il se lance alors dans une capacité en droit à Rennes. Pour pouvoir vivre, il passe aussi le concours de gardien de musée. Au Château de Versailles la nuit, à la fac le jour. Il gagne surtout de mettre un pied dans la fonction publique.
"Les études, ça m'a pris dix ans", confie ce père de deux garçons, dont le regard bienveillant adoucit l'allure un peu austère. "Au départ, l'objectif était d'acquérir un niveau, mais assez vite j'ai oublié pourquoi j'étais là, j'ai commencé à regarder par dessus la barrière et je me suis dis: pourquoi pas moi".Pourquoi pas moi?
Il se retrouve agent de bureau au ministère de la Culture. Sa licence en poche, il devient secrétaire administratif, puis quatre ans plus tard, attaché d'administration à la direction des Affaires juridiques du ministère de l'Education nationale, en 1991.
"Comme on ne me bloque pas, je continue", raconte malicieusement celui qui intègre ensuite le service juridique du ministère de la Jeunesse et des Sports, où il travaille sur "le projet de loi antidopage". Après un passage au rectorat de Nantes, cet amateur de ski et de course automobile décroche en 2001 le concours d'inspecteur de la Jeunesse et des Sports. Toujours poussé par la "curiosité", il devient en 2005 chargé de mission au Secrétariat général pour les Affaires régionales (SGAR) dans le Pays de la Loire.
"D'où je venais, attaché d'administration pour moi c'était le summum", confie celui qui "même dans ses rêves les plus fous, n'imaginait pas un jour devenir sous-préfet". Il postule pourtant. Et se "retrouve sous-préfet presque par hasard", en octobre 2007 à Toulouse, où le préfet n'est autre que Jean-François Carenco, l'actuel préfet du Rhône, séduit par son "profil atypique".Sous-préfet presque par hasard
Il est alors chargé de la politique de la Ville où son "côté terrain" et son "parcours" l'aident "pour aller dans les quartiers et avec les chefs d'entreprises". 'Ça peut donner espoir à certains'. Nommé sous-préfet à Issoire (Puy-de-Dôme) en 2009, ce haut-fonctionnaire qui ne juge "pas imaginable" de bouger sans sa famille, rejoint le cabinet du préfet Carenco à Lyon en mars 2012.
L'ascenseur social, ça marche
Sa carrière prouve, assure-t-il, que "l'ascenseur social, ça marche". "Ça va demander plus d'efforts, c'est plus long et il faut en avoir envie", dit M. André, soulignant que "la mobilité" lui a "donné un sacré avantage".
Même si aujourd'hui il voudrait que son "parcours atypique" soit "gommé", car il "occupe la fonction comme un autre", il reconnaît s'en être aussi servi.
"C'était royal dans les quartiers à Toulouse, je disais aux jeunes +vous pouvez faire comme moi+, là vous êtes crédible car ils ont besoin d'exemples et ça peut donner espoir à certains", assure le sous-préfet, qui chaque année continue à valider son permis poids lourds. "Ça peut servir en cas de galère".