Les systèmes d'élevage herbagers : une chance pour des sociétés plus durables ? C'était la question posée lors d'une conférence donnée par les chercheurs de l'INRA, lors du Sommet de l'Elevage. Réponse : la prairie pourrait bien sauver la planète !
L'herbe au cœur des débats et des réflexions, dans le monde agricole, chez les scientifiques, dans la presse. C'est l'un des thèmes majeurs des travaux du centre de l'INRA en Auvergne. Les intervenants évoquaient l'évolution de la place de l'herbe, son intérêt à travers l'agronomie, la géographie, la sociologie et l'économie et son rôle dans la gestion durable d'un territoire.
Pour Michel Duru Directeur de recherches à l'INRA Toulouse : "il faut développer la notion de services de l'agriculture. Car la biodiversité fournit des produits, des biens mais aussi des services. Aujourd'hui le but est de réduire la consommation d' intrans, de réduire les conséquences négatives (émissions de gaz à effet de serre, nitrates ) et pour cela il faut augmenter la biodiversité cultivée, privilégier l'activité biologique au niveau des sols, ou encore remettre des haies, associer des variétés, des espèces, veiller à une succession de cultures et de paysages très hétérogènes".
"Les services rendus par les prairies sont les bénéfices que les êtres humains tirent du fonctionnement des écosystèmes" explique Anne Farrugia, de l'Unité de Recherches sur les Herbivores URH-RAPA INRA de Clermont-Ferrand. " C'est un concept nouveau développé par scientifiques et ces bénéfices sont nombreux : fertilité des sols, protection contre érosion, pollinisation, atténuation du changement climatique, qualité de l'eau, esthétique des paysages, écotourisme, préservation d'espèces remarquables et d'un héritage culturel".
Changer de méthodes peut donner beaucoup de résultats et les chercheurs ont mis en évidence plusieurs pistes selon Michel Duru : "en mélangeant par exemple à la prairie des légumineuses, en décalant les dates de récoltes, adapter la prairie à l'usage (si elle destinée à des vaches laitières) s'avère moins couteux à produire et à entretenir, des céréales dans des zones de prairies donnent un rendement moindre mais fournit du grain et de la paille et sécurise le système fourrager, la fragmentation du paysage peut aider dans la lutte contre les rats taupiers), enfin des prairies en rotation dans les céréales permettent de réduire l'usage de pesticides".
"La biodiversité joue un rôle très important: plus elle est grande, plus elle permet un meilleur fonctionnement des écosystemes , entraînant par exemple la présence d'insectes pollinisateurs, dont le rôle est essentiel. La valeur esthétique des différentes parcelles peut, elle, bénéficier à l'écotourisme" explique Anne Farrugia.
"D'autant, poursuit Michel Duru, que "ces systèmes sont viables d'un point de vue économique, mais ils nécessitent de viser une certaine autonomie. Il n'y a pas de solution clés en main, et les retours d'expériences et les échanges sont fondamentaux". Des études ont également évalué le coût de ces services à 600 € par HA et par an.
La prise en compte de ces services monte en puissance, à la communauté scientifique maintenant d'analyser, de comprendre quelles conséquences ils peuvent avoir pour la société. "Des projets d'études ont pu montrer l' importance de ces services, précise Anne Faruggia. D'ailleurs, les promesses récentes du gouvernement sur la revaloriastion du DPU (droit de préemption urbain) et de l'ICHN (indemnité compensatoire de handicap naturel) marquent une reconnaissance de cela".
"Ce sont des services certes non marchands, conclut Michel Duru, mais qui permettent de réduire la pollution, et de préserver des écosystèmes qui rendront les mêmes services aux générations futures, qui pourront aussi compter dans le changement climatique".