Le tribunal de commerce de Pontoise (Val-d'Oise) doit examiner à nouveau mardi la reprise du transporteur en difficultés Mory Ducros par Arcole Industries, dont dépendent des milliers d'emplois. Sur le site de Vénissieux, condamné à la fermeture, les salariés refusent toujours le plan de reprise.
"On a la haine" : sur la plate-forme Mory Ducros de Vénissieux, occupée depuis deux semaines, les salariés n'acceptent toujours pas le plan de reprise d'Arcole synonyme de fermeture du site et de chômage pour 140 d'entre eux. Ici, le mouvement de grève et d'occupation n'a jamais cessé depuis le 21 janvier, même après la signature d'un protocole d'accord la semaine dernière par les fédérations syndicales. Et les grévistes, qui se relaient pour garder les lieux 24 heures sur 24, sont toujours aussi déterminés. "On tiendra le temps qu'il faudra. On n'a rien à perdre", lâche Jérôme Chenevier, leur porte-parole qui ne se revendique d'aucun syndicat.
Devant un camion débâché qui sert de salle de repas à l'entrée de la plate-forme, les drapeaux des syndicats se font d'ailleurs très discrets. Il est vrai qu'à Vénissieux, on garde en travers de la gorge l'accord des fédérations sur l'offre d'Arcole. "Ils ont voulu nous faire avaler cet accord de force, mais il n'a aucune valeur tant que les délégués de Mory Ducros ne l'ont pas signé", ajoute Jérôme Chenevier, qui se dit persuadé que ceux-ci "ne signeront pas". Pour lui, l'enveloppe de 30 millions d'euros proposée pour accompagner les licenciements de près de 3.000 salariés, n'est, de loin, "pas assez conséquente" pour que tous puissent "partir décemment".
Trésor de guerre
Parmi la quarantaine de grévistes présents sur le site lundi, la colère était aussi palpable contre un actionnaire "qui a coulé la boîte, malgré les 270 millions reçus de la Deutsche Post il y a trois ans (lors du rachat de DHL, ndlr) et qui aujourd'hui nous jette comme des moins que rien". "On s'est cassé les reins et le dos pendant 10 ou 30 ans pour cette boîte et là on nous fait ça. Ce sont des voleurs. Ils n'ont pas de cagoule, rien, mais ce sont des voleurs. On a la haine", s'emporte Mustafa Fahsi.Ce que les salariés ne comprennent pas non plus, c'est pourquoi le site de Vénissieux, qui a bénéficié d'un million d'euros d'investissement et dont les 168 salariés traitaient jusqu'à 700 tonnes par jour, va fermer alors que celui, voisin, de Saint-Priest, moins moderne, va être maintenu, malgré 47 licenciements (sur une centaine d'employés).
Lundi matin, les représentants des grévistes de Vénissieux et Saint-Priest ont rencontré le préfet du Rhône qui s'est engagé à chercher des reclassements à la SNCF, la RATP, la Poste ou dans la grande distribution. En échange, ils ont accepté de laisser partir du fret pour des petites sociétés. Mais ils gardent les 400 tonnes de marchandises qui constituent leur "trésor de guerre", un "moyen de maintenir la pression" face à Arcole.
"On ne fait pas ça pour s'amuser, car la pilule est dure à avaler", déclare Hakim Saïdi, un cariste de 40 ans, père de trois enfants qui avoue sa crainte de "devoir repartir à zéro" malgré ses 10 ans d'ancienneté. "Je comprends les collègues qui demandent la signature de l'accord. D'accord pour ne pas tout faire capoter. On ne joue pas perso et c'est mieux que 2.200 emplois soient sauvés. Mais il faut penser aussi aux 3.000 qui vont devoir partir", dit-il.