Une "terrible déception" pour les proches des moines de Tibhirine. Le gouvernement algérien refuse que les enquêteurs français ramènent des prélèvements réalisés sur les crânes des religieux issus de l'Abbaye de Tamié (Savoie) assassinés en 1996.

Dix ans après l'ouverture d'une enquête en France sur ces assassinats qui avaient choqué la communauté internationale, les magistrats Marc Trévidic et Nathalie Poux ont finalement pu se rendre sur le site du monastère Notre Dame de l'Atlas de Tibéhirine pour exhumer les têtes des religieux. Les corps, eux, n'ont jamais été retrouvés et aucune autopsie n'avait été menée.


Une version officielle "simpliste"

Aux yeux de leur avocat Patrick Baudouin, la version algérienne, "officielle" et "simpliste", d'un crime islamiste a encore perdu du crédit après les premières constatations des juges d'instruction français et des experts qui viennent de rentrer d'Algérie.
Si Me Baudouin a reconnu une certaine "satisfaction d'avoir enfin pu avoir cette visite", il a également fait part lors d'une conférence de presse à Paris d'une "terrible déception": Alger a refusé que les experts français, pourtant "parmi les meilleurs du monde", rentrent en France avec leurs prélèvements.

"On est en train de nous priver des preuves", a dénoncé l'avocat des parties civiles, accompagné de plusieurs proches des moines. "Il y a une confiscation de ces preuves par les autorités algériennes et donc une poursuite du blocage et des entraves que nous avons constamment rencontrés", a-t-il insisté, déplorant "une situation vraiment plus inadmissible que jamais".

Les premières constatations lors de ces exhumations, qui se sont déroulées dans "une grande humanité", sont pour Me Baudouin "de nature à permettre des avancées extrêmement significatives sur les conditions d'exécution des moines".

La thèse d'une décapitation postmortem

Trois théories coexistent pour expliquer ce crime: outre la version d'un acte totalement imputable au Groupe islamique armé (GIA), les juges envisagent aussi la piste d'une bavure de l'armée algérienne ou d'une manipulation des services militaires algériens pour discréditer le GIA ou se débarrasser des moines.
"L'impression des experts français serait plutôt que la décapitation serait intervenue postmortem", a rapporté Me Baudouin, tout en soulignant que les "experts n'ont pas de conviction définitive".
Une décapitation après la mort pourrait accréditer la thèse d'une manipulation pour dissimuler les causes réelles du décès et faire croire à l'implication des islamistes.
De plus, un doute existait quant à la date du décès des moines, le 21 mai 1996 selon le communiqué de revendication du GIA. "Les experts confirment ce doute", a précisé l'avocat.
D'où le soupçon sur le refus algérien - "qui ne repose sur aucune justification juridique" selon l'avocat - de permettre aux experts d'approfondir en France leur travail. "Nous disons aux autorités algériennes: si vous poursuivez dans cette obstruction, c'est parce que vous avez des choses à cacher", a-t-il lancé. "On pourra en déduire que c'est une sorte d'aveu de responsabilité de votre part, une sorte de reconnaissance d'une implication des services ou des militaires algériens dans l'exécution des moines."


"Pour pardonner on a besoin de savoir"

En revanche, selon Me Baudouin, la thèse d'une bavure de l'armée algérienne est "fragilisée" par l'absence d'impacts de balles constatée sur les crânes. Cette thèse repose en effet sur un témoignage indirect selon lequel les hélicoptères de l'armée avaient tiré sur le bivouac où auraient été détenus les moines.
Patrick Baudouin a lancé un appel à François Hollande, "qui a témoigné son implication", pour "faire avancer les choses" et convaincre Alger.
"On n'a pas du tout un esprit de vengeance" mais "pour pardonner on a besoin de savoir", a dit, émue, Elisabeth Bonpain, la soeur du moine Christophe Lebreton. Françoise Boëgeat, la nièce du frère Paul Favre, a réclamé la vérité, "légitime pour la mémoire" des religieux, des "hommes justes" qui "aimaient les Algériens".
Christian de Chergé, Luc Dochier, Paul Favre Miville, Michel Fleury, Christophe Lebreton, Bruno Lemarchand et Célestin Ringeard avaient été enlevés dans la nuit du 26 au 27 mars 1996 dans leur monastère, où ils avaient choisi de demeurer malgré les risques liés à la guerre civile ravageant le pays.
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