Selon les chiffres de la profession 96% des pharmacies d'Auvergne-Rhône-Alpes seront fermées ce jeudi 30 mai. Seules les officines réquisitionnées par les préfectures seront ouvertes. Un mouvement d'ampleur, rare en écho à plusieurs préoccupations notamment le maintien des officines en milieu rural. Dans l'Ain, la pharmacie de Saint-Paul-de-Varax est mal en point.
L'enseigne est éteinte. À Saint-Paul-de-Varax, dans l'Ain, la pharmacie est fermée depuis mars 2024. L'établissement a été placé en liquidation judiciaire. Pour cette commune de l'Ain, c'est un pas de plus vers le désert médical. La fermeture d'une officine n'a plus rien d'exceptionnel aujourd'hui. La profession est inquiète.
Pas de médecin, pas de pharmacie
"La pharmacie est fermée depuis deux mois, suite au départ en retraite du dernier médecin en juin 2022", explique Blandine Desbos, adjointe au maire. "La pharmacie vivait très bien quand les trois médecins étaient présents sur la commune. Maintenant que nous n'avons plus de médecins, la pharmacie s'est très vite retrouvée en difficulté".
La municipalité pensait pourtant sécuriser l’officine en installant une cabine de téléconsultation juste à côté. En vain. Le service est "appréciable", mais pas suffisant, selon Blandine Desbos. "Ça n’a pas suffi. Les Varaxois et les habitants des environs se déplacent chez le médecin, sur Villars, sur Lent. Et ils vont donc à la pharmacie à l'endroit où se trouve le médecin. Ils ont pris d'autres habitudes", constate l'adjointe.
Dans le village, les Varaxois accusent le coup. "Plus rien pour les personnes privées de moyens de déplacement, ce n'est pas l'idéal", explique un commerçant. "C'est vraiment un gros manque : une pharmacie dans un village c'est important, comme le médecin. Il n'y en a plus, non plus", regrette une habitante. "Ça manque vraiment pour les gens, c'est une catastrophe", déplore un retraité.
Fermetures de pharmacies
"La disparition ou le départ en retraite de médecins peuvent fragiliser des officines", confirme Kevin Phalippon, vice-président de l'URPS - Pharmaciens AuRA qui représente les pharmaciens d'officine libéraux auprès des institutions d'Auvergne Rhône-Alpes.
En l’espace de dix ans, 2000 pharmacies ont fermé en France. Rien que l’année dernière, 236 établissements ont mis la clef sous la porte, faute de repreneur ou en raison d’une situation financière compliquée. C'est la raison pour laquelle les pharmaciens tirent la sonnette d’alarme. Les pharmacies sont fragilisées économiquement à la campagne et parfois en ville.
Selon, Kevin Phalippon, la disparition des pharmacies est "un phénomène qui s'accélère". "Presque tous les jours ouvrables de l'année, une officine ferme. Une vingtaine en moyenne par an dans la région Auvergne Rhône-Alpes", d'après Kevin Phalippon. "En ruralité, la conséquence va être majeure, notamment pour les aînés", ajoute-t-il.
Autre problème : la question de la démographie de cette profession et l'enjeu de la reprise des officines. "On manque de jeunes (...) On a besoin de jeunes qui sortent des facs pour venir reprendre des officines. (...) On va manquer de repreneurs en ruralité. Les titulaires vont devoir rendre leur licence à l'ARS", s'inquiète Kevin Phalippon.
Comment enrayer le phénomène ?
Comment attirer ces pharmaciens, et notamment des plus jeunes dans les pharmacies, notamment en milieu rural ? "Il faut revaloriser le métier de pharmacien, son métier de base, c'est la dispensation de médicaments. Il y a aussi les nouvelles missions : le pharmacien ne peut pas s'appuyer que sur les nouvelles missions pour avoir de la croissance", indique Kevin Phalippon. "Il faudra aussi probablement des plans de soutien pour ces officines rurales. Elles sont plus petites, cette taille critique nécessaire n'est peut-être pas suffisante pour vivre de ce qui est prévu par la convention. Il faudra peut-être prévoir des dispositifs d'aide, qui sont aujourd'hui en négociation avec la CNAM et le ministère", avance le vice-président de l'Union Régionale des Professionnels de Santé Pharmaciens.
Les pharmaciens ont des craintes pour leur avenir et veulent le faire savoir.
Un mouvement de grève exceptionnel
Ce jeudi 30 mai, les rideaux des pharmacies resteront baissés pour alerter sur les fermetures d'officines, mais aussi sur les pénuries de médicaments, ou encore un possible assouplissement de la vente en ligne. Les syndicats réclament aussi une revalorisation de leur rémunération dès 2025, faisant valoir l'inflation qui pèse sur les charges.
Ce mouvement de grève rassemble tous les représentants de la profession, syndicats, groupements de pharmaciens, étudiants. Les syndicats prévoient que quelque 90% des pharmacies baisseront le rideau. Des manifestations sont prévues jeudi "un peu partout en province, notamment dans les villes universitaires.
La grève n'est pas une tradition chez les pharmaciens, la dernière d'ampleur remonte à dix ans. Dans de nombreux lieux, seules resteront ouvertes les officines réquisitionnées par les préfectures pour assurer la permanence pharmaceutique obligatoire.