Plastique. La pénurie de matières premières angoisse la Plastics Vallée dans l'Ain

C'est le paradoxe du moment, les carnets de commandes sont bien remplis dans l'industrie, mais les matières premières viennent à manquer. C'est le cas dans l'Ain, dans la fameuse Plastics Vallée. La plasturgie vit sur ses stocks mais ne pourra bientôt plus fabriquer, faute de polymères.

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"Aujourd’hui, je pense qu'il y a un problème très sérieux. Notre angoisse c'est de connaître le terme de cette crise que nous vivons", lance d'emblée Pierre Bourbon, le directeur général de Ronax, un groupement d'achats au service de la plasturgie. Sa centrale recherche de la matière première pour une vingtaine d'entreprises autour d'Oyonnax, dans la Plastics Vallée. Plus de 300 sociétés emploient ici quelque 9000 salariés. Interview.

"Il y a déjà des arrêts de production dans certains ateliers"

"Jusqu'à présent, nos adhérents ont utilisé leur stock de sécurité pour gérer les ruptures d'approvisionnements. Mais nous ne sommes qu'en mars ! Selon certains fournisseurs importants, le problème pourrait durer jusqu'en octobre. C'est très loin.

Aujourd'hui, mon équipe et moi-même passons beaucoup de temps à essayer de trouver de-ci de-là, dans nos réseaux, des matières premières qui font vraiment cruellement défaut. Il y a déjà des arrêts de production dans certains ateliers, et des ruptures au niveau des clients de nos adhérents..."

Une crise mondiale liée au pétrole

Il n'y a pas UN mais DES plastiques et tous les dérivés du pétrole se raréfient... En cause, le ralentissement du monde à l'heure de la Covid. 

Avec la baisse des activités de transports, comme le transport aérien, et la baisse du trafic automobile en raison des confinements, il y a eu moins de besoins en produits raffinés. Les raffineurs, -qui se sont retrouvés avec des cuves pleines-, ont donc ralenti la production. Mais ce sont les dérivés de ce raffinage qui permettent de faire les monomères et ensuite les polymères dont nous avons besoin. Ça, c'est vraiment un problème de base.

Pierre Bourbon, Ronax

Grain de sable au Texas

"Après, il y a eu le confinement du printemps dernier avec des usines à l'arrêt pendant 2 mois et on ne relance pas la pétrochimie d'un claquement de doigts, il y a une inertie. En parallèle, la demande est rapidement redevenue très forte.

Il a suffi d'un grain de sable pour aggraver une situation tendue. Le grain de sable en l'occurrence, c'est le phénomène des grands froids au Texas, où l'on trouve certains monomères clés. Comme il y a eu destruction de production par le froid, la chaîne a été sévèrement impactée... au pire moment."

Le réveil des consommateurs chinois

"La demande (en plastiques) est non seulement très forte en Europe mais aussi en Asie. La Chine par exemple n'exporte plus de matières premières comme qu'elle le faisait auparavant vers l'Europe, car son marché domestique est désormais très demandeur. Au contraire, les Chinois achètent même des matières à des prix supérieurs à ce que nous avons l'habitude de payer. Donc, ça fait un problème de ciseaux avec une offre qui finalement est en diminution, puis une demande qui est très forte." 

Tous les secteurs touchés

"Franchement, tous les secteurs sont touchés par cette crise, comme l'automobile qui travaille à flux tendu. En plus, c'est un secteur où la moindre rupture de chaîne de la part d'un fournisseur est pénalisée au prix fort. Les biens de grande consommation sont de la même manière impactés, d'autant que les confinements ont fait bondir les ventes dans les grandes surfaces de bricolage par exemple. Il y a aussi le médical. Souvenez-vous, il y a peu le ministre de la Santé a alerté du manque de polypropylène pour produire les pipettes utilisées par les labos. Donc tous les secteurs sont impactés. Le secteur médical doit même, entre guillemets, réquisitionner des volumes de matières en amont, ce qui vient d'autant plus impacter nos industries. Et ça fait encore moins de matières pour nous."

Que faire ?

"Je ne vais pas aller demander à Monsieur Le Maire s'il peut produire du polypropylène. J'ai un doute (sourire). Mais le gouvernement peut faciliter les relations clients/fournisseurs, la médiation de la République est nécessaire quand il y a des blocages. Il faut éviter les pénalités trop importantes, que les parties en présence trouvent des deals pour ne pas en rajouter."

Reportage Franck Grassaud et Maryne Zammit

 

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