"Nous n'arrivons plus à assurer nos missions", le département de l'Ain suspend la prise en charge des mineurs isolés étrangers

L'arrivée de mineurs isolés étrangers dans l'Ain a doublé entre 2022 et 2023. Le département dénonce l'immobilisme de l'Etat depuis des signaux lancés en septembre. Il suspend la prise en charge.

"La première raison est humaine." C'est ainsi que justifie le président LR du conseil départemental de l'Ain Jean Deguerry sa décision de suspendre "pour une période d'au moins trois mois" la prise en charge des nouveaux mineurs étrangers non accompagnés (MNA). Et ce, dès ce vendredi 1er décembre.

Nous n'arrivons plus à assurer correctement nos missions faute d'hébergements, faute de ras, malgré les 150 places que nous avons ouvert cette année.

Jean Deguerry, président LR de l'Ain

Cette mesure concerne les MNA qui entrent sur le territoire "par des arrivées directes, des passeurs, des filières criminelles qui les posent soit devant un commissariat, soit devant nos services sociaux. Cela ne concerne pas les réorientations" souligne le Département. Le territoire étant "confronté depuis des mois à une augmentation massive d'arrivées" et à la "difficulté croissante" pour ses partenaires "de recruter des encadrants éducatifs formés" dans les structures de prise en charge. 
Parmi les 252 arrivées directes enregistrées depuis le mois de janvier (contre 131 pour l'ensemble de l'année 2022), "une accélération flagrante" s'est opérée depuis septembre avec une moyenne de 43 arrivées mensuelles contre 23 entre janvier et août, selon le Département.

Un coût de l'accueil qui augmente en conséquence

"Le Département a consacré un budget de 5,6 millions d'euros aux mineurs non accompagnés en 2022 (131 personnes accueillies). Les dépenses pour 2023 (252 personnes accueillies) vont atteindre 7,7 millions d'euros et les projections pour le budget prévisionnel 2024 s'établissent à 8,7 millions d'euros"se désole Jean Deguerry qui demande "solennellement au gouvernement de lui donner les moyens d'agir" au regard "de cette situation humainement intenable".
Car pour M. Deguerry, c'est aussi "toute la protection de l'enfance qui est impactée", notamment pour "penser et développer des projets pour les familles et les enfants aindinois".
Depuis 2013, dans le cadre de leur mission de protection de l'enfance, les départements endossent la responsabilité de l'accueil, l'évaluation, l'hébergement et la prise en charge des MNA. Le mouvement migratoire, constaté notamment en Italie, provoque un afflux en France de mineurs isolés.
Avant l'été, plusieurs autres départements, également confrontés à un afflux de mineurs isolés étrangers notamment, avaient déjà alerté sur une situation "intenable".
En octobre, le conseil départemental du Territoire de Belfort, qui dit être confronté à une "saturation" de ses dispositifs de protection de l'enfance, avait annoncé qu'il allait plafonner la prise en charge des MNA.

Un "canapé" pour tous

Menacé d'expulsion, Yaya Bah était l'apprenti boulanger le plus médiatisé il y a deux ans. Grâce à sa famille d'accueil et à son travail d'intégration, il a pu rester en France. Il représente aujourd’hui l'association "Ain pour tous, tous pour Ain" qui aide les jeunes mineurs isolés. Il s'inquiète. "Ils vont aller où ? Dormir où ? Ils vont faire quoi ? Ils vont manger où?"

Une précarité préoccupante également pour Jean-Marc Jourdan, du collectif "Solidarité migrants".

Avec ce mauvais accueil, on crée un déni de droit mais surtout une telle précarité qu'on crée une maltraitance

Jean-Marc Jourdan, collectif "Solidarités migrants"

Face à l'inaction des collectivités publiques, Yaya Bah lance un appel. "Quand il y a urgence, il faut taper à toutes les portes et la solution que j'ai, tout de suite, ce sont les familles d'accueil. Et là, chaque personne a au moins un canapé dans son salon ! Lance-t-il en gardant le sourire.

Contactée, la préfecture de l'Ain n'a pas souhaité faire de commentaires.

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