C’est la bête noire des éleveurs de poulets blancs… Le renard est le prédateur le plus redouté des éleveurs de volailles de Bresse. La chasse traditionnelle par déterrage qu'ils plébiscitent provoque la colère des associations de protection des animaux qui la jugent trop cruelle. La préfète de l’Ain vient d’opter pour une prolongation de la pratique après une volte-face.
Le renard est considéré comme un nuisible, c'est inscrit dans la loi, mais sa régulation passe par une décision de la préfecture.
En novembre dernier, la commission de la chasse et de la faune sauvage du département de l’Ain, présidée par la préfète, n’a plus retenu la chasse dans les tanières (vénerie sous terre) comme solution de lutte contre le renard. Une décision finalement révisée un mois plus tard après un nouveau vote voulu par la représentante de l’Etat.
Entre les deux consultations, le monde de la volaille de Bresse aurait fait pression, selon Le Canard Enchaîné. Les éleveurs mettant en avant la pérennité de leur activité. "La préfète a compris qu'il y avait un intérêt pour les éleveurs de volailles de Bresse à continuer cette façon de faire. Elle date de plusieurs générations et fonctionne très bien" justifie Morgan Merle, éleveur, avant d'ajouter "pendant la Covid, avec l'arrêt du déterrage, on a retrouvé un nombre important de renards avec des attaques qui se sont multipliées".
Le renard tue pour s'amuser
En Bresse, le renard est le prédateur le plus redouté par les éleveurs.
"Aux mois de mars avril, quand il y a les jeunes renardeaux, on arrive à avoir une centaine de morts dans le champ pour que le renard n'en ramène point. C'est un jeu, c'est apprendre à chasser aux petits"
Morgan Merleéleveur de volailles de Bresse
Ce risque fait peur aux candidats qui souhaiteraient s'installer. La prédation peut, selon lui, être responsable de pertes de l'ordre de 20%.
Pour protéger son cheptel, Morgan Merle a électrifié, il y a 2 ans, le grillage qui entoure tous ses enclos. 10 000 volts pour repousser les prédateurs et un sacré budget ! 25 euros le mètre. Pour lui, il est primordial de sacrifier de nombreuses portées de renards. Ce qui est possible par le biais de la vénerie sous terre. Cette technique de chasse consiste à tuer directement dans le terrier toute la famille renard et limiter ainsi leur prolifération.
D'autres solutions prônées par les associations
Technique efficace pour les chasseurs, technique d’un autre âge pour les associations de protection des animaux. La volte-face de la préfète est donc mal vécue par ces dernières. L'association One voice a infiltré une équipe de chasseurs et à montrer des images de cette pratique pour alerter la population.
"Il y a moyen de protéger les poulets des renards. Il y a moyen de mettre des enclos qui tiennent et il y a certainement moyen pour les éleveurs de volailles de Bresse de demander de l'aide pour cela, mais on ne peut pas considérer la nature uniquement par les profits immédiats que l'on va en tirer. Il faut la considérer comme une globalité et là, on a besoin des renards" certifie Muriel Arnal, présidente de One Voice. L'association dénonce la cruauté de la vénerie sous terre et ne valide pas son efficacité.
Si ça (créer des enclos sécurisés) coûte cher, ce qu'il semble être le cas, ça prouve que ce n'est qu'une question d'argent, c'est-à-dire qu'on va martyriser des animaux en les pourchassant au fond de leur terrier [...] parce que les volaillers ne veulent pas financer des clôtures.
Muriel Arnal,présidente de One Voice
Muriel Arnal défend le rôle essentiel de prédateur des renards. "Ces derniers chassent les petits rongeurs qui envahissent les champs. Quand les renards sont là, il n'y a plus la maladie de Lyme portée par les tics et il n'y a plus besoin de pesticides" ajoute-t-elle.
L’arrêté ministériel qui doit confirmer la décision de la préfecture de l’Ain doit être publié au printemps, au Journal Officiel. Il ne résoudra pas les tensions entre les deux camps, mais dressera un cadre légal à cette chasse.