Un monument funéraire exceptionnel a été mis au jour lors de fouilles archéologiques dans l’Allier. Ce qui avait commencé comme un simple diagnostic de terrain à Néris-les-Bains a finalement révélé cette découverte inattendue.
C’est une découverte archéologique exceptionnelle mise en évidence à Néris-les-Bains, dans l’Allier. Marie-Laure Thierry, archéologue et responsable d'opérations, n’en revient toujours pas. Elle dirige le chantier de Néris-Les-Bains et coordonne l'équipe d'archéologues sur le terrain et les différents intervenants à l’INRAP (institut national de recherches archéologiques préventives). Tout a commencé par une demande de permis de construire, arrivée au service régional de l'archéologie. Néris-Les-Bains a un potentiel archéologique très fort et ce permis de construire a déclenché la prescription d'un diagnostic : “On fait juste quelques tranchées à la pelle mécanique, cela permet de voir s’il y a des vestiges ou pas”, se souvient Marie-Laure Thierry. Ces fouilles superficielles ont débuté en juillet 2021 et ont révélé la présence de murs ainsi qu’un un bloc sculpté qui met la puce à l'oreille des spécialistes, selon l’archéologue : “Le service régional de l'archéologie a prescrit une fouille. Ce sont des moyens supplémentaires et une durée plus longue. On a enlevé la terre superficielle du terrain pour mettre au jour tous les vestiges visibles.” Ces fouilles approfondies ont duré de décembre 2021 à mars 2022.
Une étonnante découverte
Les recherches sont fructueuses : “On a découvert plusieurs bâtiments qui peuvent s'apparenter à des maisons. On a trouvé aussi tout un réseau de canalisations. C'était assez intéressant mais pas très riche en mobilier, type poterie ou autre même si à Néris-Les-Bains, on n’est pas très loin du quartier artisanal, et d’une grosse villa romaine très riche qui a été fouillée plusieurs années. On savait que le quartier était assez riche”, relate Marie-Laure Thierry. Ce qui était une fouille archéologique classique a ensuite mis au jour un véritable trésor, raconte-t-elle : “Nous avons prélevé des blocs de pierres qu’on voyait depuis le début de la fouille, qui paraissaient un peu angulaires, comme taillés. On avait pu remarquer des traces d'agrafes dans ces blocs. On ne voyait rien de spécial parce que c'était cassé en 1 000 morceaux et noyé dans la terre. Il y avait une énorme fosse où ces blocs étaient comme jetés. On a un peu prélevé à l'aveugle. On a pris ceux qui étaient marqués, où il y avait des traces un peu spéciales.”
"C'est incroyable"
Quelques semaines après, lors du nettoyage de ces blocs, l’équipe se rend compte que des décors apparaissent progressivement. “Ça a été une très grosse surprise quand on a vu la qualité des décors. Ce n’est qu’après coup, finalement, qu’on a compris”, explique Marie-Laure Thierry. Elle est stupéfaite par cette découverte, dont l’équipe ne mesure pas tout de suite la portée : “C'est incroyable. Ce n’est pas ma spécialité à la base, la sculpture romaine. On a fait appel à des collègues, pour lever les blocs, les étudier. On a fait des réunions de travail au dépôt à Clermont-Ferrand pendant plusieurs jours. On avait surtout un bloc qui avait un aspect un peu conique et c'est ce bloc conique nous posait problème. On ne comprenait pas ce que c'était. On s'est imaginé un chapiteau de colonne, vu la position dans laquelle il a été retrouvé. Il y avait comme des traces de feuilles sur la surface sculptée mais ça ne correspondait pas du tout à la période ni au contexte archéologique. Finalement, le collègue spécialiste du lapidaire a compris : le bloc était à l'envers. On a retourné le bloc et là, on a compris qu'en fait, c'était un morceau de toiture.”
"On était tous fous sur place à ce moment-là"
Marie-Laure Thierry comprend alors qu’elle a affaire à un monument funéraire très rare dans la région, grâce à ce mystérieux bloc : “C'est typique des mausolées. Vu la taille du bloc, vu le morceau de toiture, on voit que ce n'est pas une maison, ce n'est pas possible. C'est une circonférence assez limitée, d'un peu plus d'un mètre. De plus, on sait qu’à l'époque romaine, les seuls bâtiments qui ont bénéficié d'une toiture conique étaient les mausolées. On était tous fous sur place à ce moment-là !” Tous les éléments concordent : “C'est là où on a compris pourquoi il y avait un Triton qui était sculpté sur un linteau. C'est un motif souvent associé aux mausolées de l'époque romaine. Tout concordait. Donc finalement, c'est comme ça qu'on a compris qu'on avait affaire à un mausolée.” Si des traces de fondations de mausolées ont déjà été mises au jour en Auvergne, près d’Aulnat et du Mont-Dore, c’est la première fois que l’on retrouve une structure. “Ce n'est pas du tout commun, en Auvergne. C’était une belle découverte”, se félicite l’archéologue. Elle ajoute : “On a l'architecture en élévation, mais on ne sait pas où était ce mausolée, on n'a pas les fondations sur le terrain.”
Un monument rare
Pour l’heure, impossible de dater avec précision cette découverte. L'étude fine n'a pas encore été réalisée, elle prendra plusieurs mois : “D'après la forme du visage, la façon de représenter la barbe, les pectoraux qui ont été très soulignés avec un côté réaliste, on pourra le dater. À côté de ça, on sait de manière générale que l'habitat trouvé sur le site est daté autour du premier ou deuxième siècle. Cela va se préciser dans les semaines qui viennent”, indique Marie-Laure Thierry. “Les mausolées sont des monuments funéraires d'exception. Il y en a très peu en France, que ce soit en Gaule romaine ou en France actuelle, ce ne sont pas des monuments qu'on voit beaucoup. Ce n'est pas pour le commun des mortels, c'est réservé à une élite, parce qu'il faut pouvoir construire ce type de bâtiment dédié à une personne. On connaissait déjà le passé monumental de Néris-les-Bains, on sait que c'était une ville romaine importante à l'époque mais là, on est face à un monument funéraire qui est quand même assez rare dans le monde Romain. Il a des décors quand même assez soignés qui montrent qu'il y a une pratique funéraire reliée aux élites de la vie romaine.” Une dizaine d'archéologues ont fouillé environ 1 000 m². Ils ont réussi à extraire 21 blocs s’apparentant au mausolée.