Lithium : l'une des plus grosses mines d'Europe bientôt exploitée en Auvergne

Après des mois d’analyses, la société Imerys a confirmé la présence de lithium sur le site de Beauvoir dans l’Allier, lundi 24 octobre. Des quantités « très attractives » qui en font "un gisement d'importance mondiale". Le lithium est nécessaire à la fabrication des batteries de voitures électriques.

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Un projet majeur d'exploitation de lithium a été annoncé le 24 octobre sur le site de Beauvoir, situé à Echassières dans l'Allier. A l'origine, la mine produit du kaolin pour la céramique depuis la fin du XIXe siècle. Imerys, la société exploitante du site, « ambitionne de devenir un acteur majeur du lithium en Europe » grâce au « projet Emili » (Exploitation de MIca Lithinifère par Imerys). Après avoir analysé le terrain, la société s’est en effet aperçu qu’il cachait des « concentrations et des quantités de lithium très attractives », annonce le groupe dans un communiqué. Imerys envisage de produire pas moins de 34 000 tonnes par an d'hydroxyde de lithium dès 2028. Cela équivaut à équiper quelque 700 000 véhicules électriques par an et cela ferait du groupe « un fournisseur de premier plan du marché européen des batteries et lui conférerait un rôle clé dans l'industrie mondiale du lithium ». Ce gisement aurait une durée de vie d’au moins 25 ans, « avec un fort potentiel d’augmentation », se félicite Imerys.  

"Nous avons fait environ 20 sondages jusqu’à 250 mètres de profondeur"

Le groupe connaissait depuis de nombreuses années la présence de la précieuse ressource, mais en ignorait la concentration : « On est partis de travaux qui avaient été faits depuis les années 70 par le BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et Minières) de l’époque. On a acheté cette opération en 2005 et déposé un brevet exclusif en 2015, ce qui nous a permis de faire des campagnes de sondage plus poussées. C’est ce que nous avons fait depuis l’année dernière, jusqu’à cette année. Nous avons fait environ 20 sondages jusqu’à 250 mètres de profondeur, ce qui nous as permis de faire des analyses géochimiques et géologiques du gisement pour déterminer cette concentration de lithium, son homogénéité ainsi que la taille potentielle du gisement », explique Alan Parte, directeur de projet Emili. Le lithium se trouve dans le granite : « C’est un gisement de granite. Ce granite est composé de plusieurs minéraux. Il s’agira de séparer ces minéraux pour isoler le mica, et en extraire le lithium. L’hydroxyde de lithium est le produit final. Il peut être directement utilisé dans la production de batteries. »

"On a un gisement d’importance mondiale"

L’ambition d’Imerys est également écologique et devrait donner une certaine indépendance énergétique au pays : « Une fois mené à bien, le projet contribuera aux ambitions de la France et de l'Union européenne en matière de transition énergétique et il permettra également d'accroître la souveraineté industrielle de la France et de l'Europe à l'heure où les fabricants de batteries et les constructeurs automobiles sont fortement dépendants des importations de lithium, élément essentiel de la transition énergétique. » En effet, selon le directeur général de la firme Alessandro Dazza qui était sur site ce lundi 24 octobre, cette mine sera unique en Europe : « C’est un gros projet pour ce site, mais pour la France aussi. C’est le premier projet d’extraction et d’exploitation de lithium en France et l’un des premiers en Europe. On a un gisement d’importance mondiale et les technologies pour l’extraire. On a identifié ici 1 million de tonnes de lithium. On peut extraire et produire du lithium à 35 000 tonnes par an pour 25 ans. »

Bruno Le Maire, ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique a déclaré dans le communiqué : « Je salue le lancement par Imerys de la première exploitation de lithium bas carbone en France. Ce projet […] contribuera à l’objectif fixé par le Président de la République de produire 2 millions de véhicules électriques en France d’ici 2030 et sera soutenu par le Gouvernement. »

Une exploitation "responsable"

La société insiste également sur la dimension écologique du projet avec « une conception de l’exploitation destinée à répondre aux critères IRMA 1, référence de l’exploitation minière responsable » et « une empreinte carbone plus réduite que les opérations existantes d’extraction de roches lithinifères connues ». En effet, le lithium, matière première et composant essentiel des batteries Lithium-ion, a été identifié comme « critique par la Commission européenne en 2020. Son utilisation devrait connaître une croissance exponentielle dans les prochaines années. » L’utilisation de techniques d’exploitation minière souterraines permettra, selon le groupe, de minimiser l’impact sur l’habitat naturel, explique Alain Parte : « C’est un choix que nous avons fait. Ce n’est pas un choix économique mais environnemental. Une mine souterraine permet de limiter les impacts environnementaux en surface et nous avons fait le choix de concevoir la mine en souterrain. Ce qu’on n’arrive pas à valoriser, on est capable de le remblayer sous terre. »

Le groupe veut rassurer : « Imerys vise à réduire les émissions de CO2 de son exploitation, afin de produire du lithium avec des émissions inférieures de moitié à celles de toutes les autres exploitations de lithium en roche dure existantes aujourd’hui dans le monde. Les initiatives de réduction des émissions de CO2 incluraient une flotte minière électrique, le transport par conduits souterrains, par train, ou l'utilisation du mix électrique français à faible émission de carbone ».

"On continue toujours à puiser dans les ressources naturelles"

Michelle Petit, France Nature Environnement

Malgré ces promesses, Michelle Petit, l’une des administratrices de France Nature Environnement dans l’Allier, confie ses doutes au sujet de cette mine : « Je vous avoue qu’on est très inquiets pour l’instant. On n’a jamais été conviés aux étapes de travail qu’il y a pu y avoir sur ce projet. On était au courant dans la mesure où on savait qu’il y avait un arrêté qui permettait la recherche de lithium pour la société Imerys, on pensait bien que cela nous toucherait. On a énormément d’inquiétudes car aucune association environnementale n’a été conviée. » En effet, le site de Beauvoir se trouve au cœur d’une zone riche en biodiversité : « La société exploite déjà une carrière dans la forêt des Colettes. C’est une réserve de biodiversité importante avec 2 sites Natura 2000. Il y a différents cours d’eau et il y a des espèces rares qui figurent sur la liste rouge des espèces menacées. On va y trouver des écrevisses à pattes blanches, des crapauds sonneurs à ventre jaune, des chats forestiers… Il y a aussi des végétaux extrêmement rares. La forêt des Colettes en elle-même est une des plus belles hêtraies d’Europe sur 2 000 hectares. On craint que le projet ne conduise à un déboisement partiel. »

La promesse d’une mine souterraine ne suffit pas à convaincre Michelle Petit : « Cela ne nous rassure pas, d’autant plus que pour extraire du lithium, il faut beaucoup d’eau. On craint qu’il faille aller chercher l’eau de plus en plus loin. Le but est encore de substituer une énergie à une autre, qui n’est pas plus vertueuse. On continue toujours à puiser dans les ressources naturelles. On est loin de la sobriété dont on nous parle. » 

Une source "durable et compétitive" d'approvisionnement en lithium

Alessandro Dazza, directeur général d’Imerys, se félicite dans le communiqué : « Je suis enthousiasmé par le potentiel de notre projet lithium et très fier du travail accompli par les équipes au cours des 18 derniers mois pour le développer. Une fois le projet Emili mené à bien, il devrait fournir une source domestique durable et compétitive d'approvisionnement en lithium pour les constructeurs automobiles français et européens et contribuerait largement à relever les défis de la transition énergétique. Nous estimons le gisement autour d'un million de tonnes d'oxyde de lithium. » Le projet devrait nécessiter un investissement estimé à approximativement 1 milliard d'euros : « C’est un investissement énorme mais c’est notre part dans la transition écologique. On est convaincus que c’est un projet clef pour rendre la France et l’Europe indépendants des importations de lithium qui est aujourd’hui une matière première critique, qui n’existe pas sur le sol européen. Il est entièrement importé », se félicite Alessandro Dazza.

Les quantités de lithium sont, selon le directeur du projet Emili Alain Parte, très intéressantes : « Le gisement est différent de ce qu’on peut trouver dans d’autres parties du monde. Aujourd’hui, le lithium en Europe provient d’Australie ou d’Amérique du Sud. Ici, on est sur un gisement avec une concentration en lithium parmi les plus élevées. C’est un gisement très attractif à cet égard. De plus, on n’est pas arrivé au bout du gisement. On a une deuxième campagne de sondage pour connaître l’étendue du gisement et sa profondeur. » Le coût de production du lithium à Beauvoir devrait se situer entre 7 €/kg et 9 €/kg, un « niveau compétitif en particulier sur le marché européen ». La production devrait débuter dans les 5 prochaines années, une fois les phases de laboratoire et de pilote industriels achevées.« On aura la partie minière ici, la partie de conversion dans la région. On est en discussion avec les localités des environs mais on sera sûrement sur un site industriel déjà existant pour limiter l’impact sur l’environnement », indique le directeur général. À terme, près de 1 000 emplois directs et indirects devraient être créés.

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