Harcèlement, dépôt de plainte... comment les élèves gendarmes sont formés à la question LGBT+

Pour prévenir les cas de harcèlement et améliorer l’accueil des personnes LGBT+, les élèves de l’école de gendarmerie de Montluçon (Allier) reçoivent une formation lors de leur cursus. L’institution s’investit dans la qualité de la prise en charge.

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En février dernier, Mickaël Bucheron, membre de l’association Flag (association de lutte contre les discriminations envers les personnes LGBT+ dans les forces de l’ordre) était à l’école de gendarmerie de Montluçon. L’objectif : former les futurs militaires et les sensibiliser. Face à des élèves en début de cursus, il aborde plusieurs points : « Il y a 2 grands thèmes : la partie prise en charge du public LGBT+, c’est-à-dire comment les accueillir et quelles sont les réalités vécues par ces personnes comme le mégenrage (NDLR : désigner une personne par un genre qui ne correspond pas à son identité), les violences et les difficultés rencontrées par ces publics auprès des gendarmes. La 2ème dimension est plutôt interne avec les problématiques que peuvent rencontrer ponctuellement les gendarmes LGBT+ et ce qui convient de faire, comment réagir aux situations de harcèlement et ne pas laisser le militaire tout seul dans cette configuration. »

Accueillir avec "bienveillance"

Mickaël Bucheron en est certain, une bonne prise en charge passe avant tout par une bonne connaissance de la question LGBT+ : « Il faut accueillir avec bienveillance et comprendre ce à quoi sont confrontées ces personnes. Si on ne connaît pas le mégenrage par exemple, on ne peut pas comprendre ce que vient expliquer une victime. Si on ne connaît pas l’outing (NDLR : révéler l’homosexualité ou la transidentité d’une personne contre son gré), c’est la même chose. Si on ne sait pas que des personnes peuvent être exclues du domicile familial parce qu’elles sont gays ou lesbiennes, forcément, l’accueil n’est pas adapté. Les gendarmes vont être amenés à rencontrer ces cas de figure. » Et pour cela, il s’adapte à son public et à une société qui évolue : « On évoque aussi le vocabulaire. Les jeunes générations ne se résument plus à lesbienne, gay, trans comme dans ma génération à moi. Il y a du nouveau vocabulaire : pansexuel, genderfluid… On peut juger ça pertinent ou pas, ce n’est pas le sujet. C’est une réalité. »

Réagir au harcèlement

Mais surtout, Mickaël Bucheron apprend à ces étudiants comment réagir en cas d’homophobie constatée sur leur lieu de travail : « Sur l’interne, on demande aux gendarmes de ne plus laisser faire. Ce genre de vocabulaire, de harcèlement qui peut arriver, est très rare heureusement mais quand ça arrive, il faut alerter les différentes structures en interne. Ça évite que le gendarme ne se retrouve seul à subir, avec des risques, dans le meilleur des cas d’une démission et dans le pire des cas, d’un suicide. L’homophobie n’est pas propre à la gendarmerie mais à toute la société française. Il y a un vocabulaire du quotidien qu’on emploie sans réaliser sa portée homophobe, qu’on a appris depuis le collège. En tant que gendarme, on a une obligation professionnelle de ne pas tenir ce genre de propos mais il faut prendre conscience que ces mots peuvent blesser. »

Eviter les questions intrusives

Mickaël Bucheron est l’un des fondateurs de Flag. Créée il y a 20 ans, l’association réalise des interventions dans les écoles de gendarmerie depuis 2016. Montluçon faisait partie des premières écoles. Il explique que, le plus souvent, les mauvaises prises en charge sont liées à des méconnaissances : « Globalement, ça se passe plutôt bien même s’il y a parfois des maladresses parce qu’on ne connait pas le sujet. Par exemple, demander à une victime si elle est homosexuelle lors d’une procédure d’homophobie. On pense que si la victime est homosexuelle, ça caractérise l’infraction. C’est faux. On peut être hétérosexuel et victime d’homophobie, si l’agresseur pense que vous l’êtes, ça suffit largement. Cette question est intrusive, elle peut être mal vécue par la personne et pour autant, le gendarme qui la pose pense le faire à bon escient pour la procédure. Il y a parfois des maladresses ou des méconnaissances. On pense bien faire et ce n’est pas toujours pertinent. »

Plusieurs milliers de gendarmes formés

Et selon Mickaël Bucheron, les élèves sont très intéressés : « On a des questions judiciaires parfois, ou des témoignages de réalité en interne qui peuvent intéresser aussi. Ce matin, j’ai eu un témoignage d’un gendarme qui m’a raconté comment ils avaient reçu une personne transgenre et comment les militaires avaient bien géré la situation en intégrant le genre de la personne indépendamment de la pièce d’identité de la personne, en séparant la partie administrative de la partie humaine et relationnelle, en la respectant dans le genre auquel elle se définit. » En 6 ans plusieurs milliers de gendarmes ont été formés : « Dire que dans la gendarmerie on peut avoir des camarades lesbiennes, bi, trans, hétéro, ne doit plus être un sujet. En revanche, il peut y avoir des comportements discriminants voire du harcèlement et il est essentiel de l’évoquer auprès des plus jeunes. Même si la société a évolué, on n’est pas à l’abri d’être témoin ou victime. Qui mieux que des policiers ou des gendarmes pour parler de ces sujets en interne ? »

Comprendre et écouter

Cet avis est partagé par la lieutenant Sonia Pontreras, référente égalité-diversité : « Dans tous les cours il y a ces thématiques, notamment en police route. Ça peut paraître anecdotique mais dans le contrôle d’identité, il ne faut pas juger que sur la pièce d’identité et de faire attention. Une personne en changement de genre, il faut comprendre et écouter. » Pour elle, il est essentiel que les jeunes gendarmes se sentent soutenus et écoutés : « On leur dit que quelle que soit leur problématique, on va y répondre. On a souvent dans les unités des logements d’accueil pour les femmes victimes. Pour les hommes, les personnes transgenres, qu’est-ce qu’on fait ? Qui on peut contacter? Le Flag, via une application qu’on leur conseille de télécharger, donne les bonnes pratiques. »

Ils sont formés à faire appliquer la loi et le règlement mais au-delà de ça, à combattre l’injustice.

Lieutenant Sonia Pontreras

Pour la lieutenante Pontreras, ces formations doivent être des espaces où la parole se libère. Selon elle, les élèves apprécient ces échanges : « Il n’y a pas de jugement. C’est important de leur dire qu’on est tous gendarmes, qu’on ne sera pas jugé et qu’on n’a pas le droit de juger. Les retours après les forums, les échanges, c’est qu’il y a de réelles discussions après. Même entre eux ils se reprennent. Ils se sentent directement concernés. Ils sont formés à faire appliquer la loi et le règlement mais au-delà de ça, à combattre l’injustice. On a énormément de retours. Il y a un réel enthousiasme. Ils sont ravis de savoir qui contacter, quoi faire et comment le faire. On va leur expliquer comment accueillir une personne qui vient faire part d’une problématique particulière, pour ne pas « louper » cette phase d’accueil et ne pas se mettre en porte-à-faux, afin de garantir l’efficacité de notre service. »  

Connaître les limites

Le lieutenant Laurent Sachs, lui aussi organisateur de ces formations, ajoute : « On a actuellement des formations avec une attention particulière au harcèlement dans le cadre de l’emploi. Ces formations sont dispensées à tous nos élèves. On aborde les différentes discriminations auxquelles peuvent être exposés les militaires, de manière à ce qu’ils puissent s’en prémunir et qu’ils connaissent les limites qu’ils doivent s’imposer et que leur impose la loi. Ils doivent savoir comment réagir : si je suis victime ou témoin, vers qui je peux me tourner, qui sont mes interlocuteurs pour me renseigner et me guider dans mes démarches. On leur explique toute la chaîne hiérarchique qui est à leur disposition. On a toujours du monde disponible pour eux. On a des cadres en permanence qui sont formés et là pour les écouter. » Ces formations sont autant pratiques que théoriques : par exemple, gérer l’accueil d’une personne LGBT+ venant déposer plainte pour violence.

Evolution des mentalités

Selon Mickaël Bucheron, entré en 1998 à l’école de police, les mentalités ont beaucoup évolué : « Ce n’est pas du tout comparable. Il y a 20 ans, il n’y avait pas d’homophobie car il n’y avait pas d’homosexuels dans la police, c’était la rhétorique qu’on pouvait entendre. Ce n’est plus aussi tabou aujourd’hui, on est reçus par des directeurs, des responsables… Ce sont des comportements isolés, mis en minorité. Ça n’a rien à voir par rapport à ma génération. Par contre, il reste que ce n’est pas facile pour certains car il y a toujours l’appréhension de subir une discrimination, de ne pas pouvoir obtenir tel ou tel poste. C’est particulièrement vrai chez les hommes mais ça peut aussi arriver chez les femmes. Maintenant, il y a un vrai soutien de l’institution. La police et la gendarmerie française ont évolué, tout comme la société. »

Des plaintes encore trop rares

La prise en charge des personnes se rendant à la gendarmerie a elle aussi été améliorée : « On a encore des remontées de problématiques d’accueil, dans les plaintes, des situations très claires d’amélioration. Mais, dans 90% des cas, ça se passe très bien. Il faut convaincre les personnes LGBT+ qu’on est là pour les accueillir et qu’il ne faut pas hésiter à venir porter plainte. Il faut corriger le tir quand il y a une erreur qui est signalée. Immédiatement, Flag saisit le commissariat ou la gendarmerie concernée quand il y a un problème d’accueil.  » Ces formations, disponibles également pour les gendarmes déjà en poste, répondent à des questionnements pratiques, le plus souvent sur l’hébergement des victimes et l’accueil des personnes transgenres. Entre 1 500 et 2 000 plaintes sont enregistrées en moyenne chaque année pour des cas de discrimination ou de violences transphobes et homophobes. Un résultat pourtant loin du nombre estimé de ces agressions : entre 200 000 et 400 000 par an selon Flag.

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