Depuis sa victoire à Milan San Remo, Julian Alaphilippe est n°1 mondial. Ses proches se souviennent du gamin de Montluçon (Allier). Son premier entraineur, Jean-Philippe Duracka et Jean-François Bourgeot, président de son premier club se souviennent de cette "graine de champion" .
Jean-Philippe Duracka a été le premier entraineur de Julian Alaphilippe, entre 2004 et 2006 et Jean-François Bourgeot, président de son premier club, l'Entente Cycliste Montmarault-Montluçon, entre 2002 et 2007. Tous les deux se souviennent du petit "Juju". Agé d'une dizaine d'années, il affichait déjà un potentiel hors-norme.
Question : Vous l'avez connu petit. Comment était Julian ?
Jean-François Bourgeot, président de l'Entente Cycliste Montmarault-Montluçon : "Petit, j’ai le souvenir de l’école de cyclisme et surtout des courses, le dimanche, où on voyait ses parents qui sortaient le vélo du coffre de la voiture et lui qui partait sur les trottoirs, à droite, à gauche… Il était déjà hyperactif mais pas dur à canaliser non plus parce qu’une fois qu’il était sur la ligne de départ c’était "prêt, feu, partez". Il n’était pas forcément au-dessus des autres, mais dans sa course on voyait bien que déjà, il y avait une petite graine de champion… Quand il n’était pas sur le vélo à l’école de cyclisme il était sur le vélo dans la rue, chez lui, partout ! Il a toujours fait du vélo toute la journée."
Jean-Philippe Duracka, premier entraineur de Julian Alaphilippe : "Il était toujours à 100% à l’heure ! C’était un sacré phénomène ! Un gamin qui avait autre chose, qui avait de la classe... Il comprenait les choses avant même qu’on les lui explique. Je l’emmenais tous les mercredis à l’entrainement et il n’y avait rien à lui dire. Les autres, fallait leur répéter "faut faire ci, faut faire ça"». Julian il avait compris le cyclisme avant qu’on lui explique et je disais à tout le monde "Vous allez voir! Celui-là il va faire un champion!". Mais il était un petit peu canaille… c’était toujours le premier à faire des blagues ou des petites betises. Mais il était tellement adorable qu’il savait toujours se faire pardonner ! "
Question : Il donne l’impression d’avoir un côté "chien fou". Est-ce que cela ne lui a pas coûté quelques victoires lorsqu’il est passé pro ?
Jean-François Bourgeot : "Oui, mais il a aussi gagné des victoires parce qu’il était "chien fou". Après, dès qu’il a été dans une équipe de niveau mondial, ils ont su le canaliser, même si quand vous avez autant d’énergie c’est difficile. Mais ils ont su le gérer avec à ses côtés les meilleurs coureurs du monde. Il est dans l’équipe idéale."
Question : A une époque, il était un peu pourtant l’éternel second…
Jean-François Bourgeot : "Les gens autour pensaient ça, mais pas nous. On savait très bien que ça allait passer. Ses deuxième places c’était rien, c’était un pneu sur Peter Sagan, mais c’était rien du tout on savait que ça allait passer rapidement… Il n’aurait pas eu ses problèmes de genoux il aurait gagné presqu’une année."
Question : Vous qui l’avez connu tout petit ça vous a fait quoi de le voir au Tour de France ?
Jean-François Bourgeot : "On réalise pas ! C’est vrai que le tour de France c’est la vitrine du cyclisme et on le voit exploser dans ce tour de France, on se dit "C’est pas possible, c’est pas possible, c’estJjulian !". A chaque fois j’appelle mes filles je leur dis "Venez voir c’est Julian qui est devant ! », on a du mal à y croire mais c’est la réalité, il va recommencer et tout gagner. Il a le profil pour être le meilleur coureur du monde sur les années qui viennent, c’est inévitable !"
Question : Et numéro 1 un mondial ?
Jean-Philippe Duracka : "Je n’arrive même pas à réaliser, pour moi c’est toujours le petit "Juju" de l’école de cyclisme, c’est fantastique ce qui lui arrive ! Et il reste le même ! Je l’ai eu au téléphone après Milan / San Rémo il m’a dit " Je ne comprends pas ce qu’il m’arrive ! Tout ce qui m’est arrivé c’est arrivé tellement vite ! " Julian ça reste quelqu’un d’extraordinaire ! "
Question : le Tour de France, c’est ce qui lui a permis de se faire connaître du grand public ?
Jean-Philippe Duracka : "Oui c’est l’explosion au niveau du public mais il a déjà été vice-champion du monde junior de cyclocross et il a remporté beaucoup d’autres des épreuves beaucoup moins médiathiques . Donc pour nous les coaches et les entraineurs, on a vu son évolution de course en course et sa progresion a été vraiment linéaire. On se demande toujours où il va s’arrêter! "
Question : Tout gagner cette année, comment Julian est-il arrivé à un tel niveau ? Où a-t-il trouvé sa progression ?
Jean-François Bourgeot : "Dans l’entraînement ! Je ne sais pas s’il y en a d’autres qui supporteraient ce qu’il fait à l’entraînement. On suit ce qu’il fait, c’est hors-norme, il s’entraîne plus que les autres, il est dans la douleur plus que les autres… Il est au top de l’entraînement et en plus il est très courageux. "
Question : Est-ce qu’il va un jour ramener le maillot jaune ?
Jean-François Bourgeot : "Il peut ramener le maillot jaune mais je ne pense pas que son entourage lui ait fixé cet objectif parce qu’on sait très bien que si c’est le cas, il y a des exemples, il pourra peut-être gagner une classique en début de saison et le championnat du monde en fin d’année, ce qui serait énorme, mais il faudrait qu’il centre sa saison sur le Tour de France. Et je ne pense pas que dans la tête il soit capable de voir les autres gagner sur des courses que lui-même aurait pu gagner. D’être à 80% sur une course, je ne sais pas s’il sait faire puisqu’il est à 100% partout, dans la vie ou sur le vélo. De plus, pour lui qui est hyperactif, se centrer sur trois semaines, ce sera un peu compliqué."
Question : Aujourd’hui selon vous qu’est-ce qu’il a dans la tête ?
Jean-Philippe Duracka : "Le titre de champion du monde c’est son objectif, ça fait deux ou trois ans qu’il tourne autour et il sera champion du monde ! Et si c’est pas cette année, ce sera l’année prochaine ou dans deux ans. J’espère que ce sera le plus vite possible. Ce serait tellement magnifique qu’il revienne à montluçon avec un maillot de champion du monde ! On constuirait une statue à son éffigie !"
Jean-François Bourgeot : "Il avait Milan / Remo c’est fait. Il a Liège, c’est sûr, le championnat du monde, la Lombardie… des classiques comme ça. Peut-être les trois, mais c’est imprévisible ! Au départ, s’il y a une bosse à l’arrivée il sera là pour gagner. Il est fabriqué pour tout gagner !"
Question : Même Paris / Roubaix ?
Jean-François Bourgeot : "Ce serait énorme de le voir sur le tour des Flandres et Paris / Roubaix parce que ce sont quand même deux monuments et je pense qu’il les a aussi dans la tête même si c’est pas pour cette année. J’ai hâte de le voir sauter sur les pavés du Paris / Roubaix, ça va être quelque chose, car il est capable de gagner un Paris / Roubaix, c’est sûr! "