Une exposition du musée Anne de Beaujeu à Moulins rend hommage au docteur Bailleau. Toute sa vie, ce médecin, archéologue amateur, a patiemment rassemblé des objets découverts dans le Bourbonnais, comme la « grotte des fées », ou sur les plus grands sites archéologiques préhistoriques, comme la vallée de la Dordogne et Solutré.
Jusqu’au 17 septembre, le musée Anne de Beaujeu de Moulins met à l’honneur le docteur Bailleau. Ce médecin et archéologue amateur a notamment effectué des fouilles sur la commune de Châtelperron, dans l’Allier. Un trou béant dans la roche, c’est là où tout a commencé. Cet endroit appelé « la grotte des fées » est une découverte majeure de celui que l’on a surnommé « le Docteur silex », Guillaume-Joseph Bailleau. Raphaël Angevin, archéologue et préhistorien, conservateur du patrimoine à la DRAC, raconte : « Il va trouver là des centaines d’objets en silex, des centaines d’animaux fossiles, des éléments de parures, des perles et des dents perforées, beaucoup d’éléments qui correspondent à la vie quotidienne des hommes de la préhistoire. Il va beaucoup s’interroger sur ces objets, sur les modes de vie des hommes de la préhistoire. Il a beaucoup d’interprétations, beaucoup d’idées sur comment les hommes ont pu occuper ces différents lieux ».
Une collection de référence
Nous sommes en 1866. L’homme est médecin de campagne, amateur d’archéologie préhistorique, une nouvelle science. Les silex trouvés sur place l’incitent à fouiller les lieux dès l'année suivante. Emmanuelle Audry-Brunet, attachée de conservation du patrimoine au Musée Anne de Beaujeu, explique : « La collection Bailleau est connue et reconnue par les spécialistes depuis longtemps. Déjà de son vivant c’était une collection de référence. Mais après sa mort, elle a été divisée en 9 lots : 8 lots pour ses héritiers et un 9e lot qui était resté auprès de l’évêché de Moulins. Elle a été un peu dispersée, à la fois sur le territoire national, notamment au musée national d’archéologie à Saint-Germain-en-Laye, mais également à l’étranger, au British Museum ou encore à Philadelphie, aux Etats-Unis ».
"Un héritage se transmet"
Des pierres mais aussi des ossements, une défense de mammouth ou encore des statuettes en terres cuites : la plupart des pièces présentées dans l’exposition n’avait jamais été montrées. Guillaume Bailleau, arrière-arrière-petit-fils du docteur Bailleau, indique : « Quand on est petit, on ne se rend pas compte de cela. On sait qu’il y a une vitrine dans le fond d’un couloir et qu’il ne faut surtout pas y toucher. On sait qu’un jour, on nous expliquera. Aujourd’hui, cela permet de savoir ce qu’il a fait et l’importance qu’il avait dans son activité ». Virginie Le Tarnec, arrière-arrière-petite-fille du Docteur Bailleau, ajoute : « Dans la famille, on a toujours cherché des silex taillés au bord de l’Allier. D’ailleurs, on en a trouvés pas mal. On est vraiment dans la lignée de cet ancêtre. De plus, ce qui nous plaît beaucoup dans cette exposition, c’est le côté transmission. Il s’agit de voir que de génération en génération, un héritage se transmet et il va enrichir la recherche ».
La découverte du Châtelperronien
Le docteur Bailleau s’intéresse aux modes de vies des hommes préhistoriques. Ses découvertes à Châtelperron remettent en question quelques certitudes. Raphaël Angevin rappelle : « Tout le travail du docteur Bailleau est de montrer que l’homme a été contemporain d’espèces animales disparues qui sont anciennes ou plus éloignées dans le temps que les quelques millénaires de la chronologie biblique ». Ces découvertes donneront quelques décennies plus tard un nom à l’une des plus grandes paléo-cultures de la préhistoire : le Châtelperronien. Raphaël Angevin poursuit : « Le Châtelperronien est une culture de transition qui marque la charnière entre ces deux périodes. Il y a une question majeure : qui sont les auteurs des industries châtelperroniennes ? Sont-ce les hommes de Néandertal ou les homo-sapiens ? Il y a eu beaucoup de discussions parmi la communauté préhistorienne. On a longtemps pensé que c’était l’homme moderne. Puis, on pense depuis une quarantaine d’années que c’est l’homme de Néandertal, puisqu’on a trouvé des vestiges humains associés à ces industries. De nouveau, la question se pose parce que l’association entre industrie et restes humains n’est pas toujours établie ».
De nouvelles fouilles ont été entreprises sur le site en 2019. « La grotte des fées » n’a pas encore livré tous ses secrets.