Alors que le Comité d’éthique vient de donner son feu vert à l’extension de la PMA aux couples de femmes lesbiennes et aux femmes seules, la députée LREM de l’Allier Laurence Vanceunebrock-Mialon, favorable au projet, raconte son parcours entre la France et la Belgique.
Laurence Vanceunebrock-Mialon a eu deux filles grâce à la PMA, la procréation médicalement assistée. Un acte aujourd’hui réservé en France aux couples hétérosexuels et motivé par des raisons médicales. Mais durant sa campagne, Emmanuel Macron s’était dit favorable à l’ouverture de la PMA aux couples de femmes lesbiennes et aux femmes seules. Membre de la mission d’information sur la révision de la loi relative à la bioéthique, la députée LREM de l’Allier entend bien peser dans le débat.
Vous avez eu recours deux fois à la PMA en Belgique, en 1999 et 2003, pour la naissance de vos filles. Comment cela s’est-il passé ?
L.V. "En 1999, je me suis tournée vers la Belgique puisque j’habitais à la frontière, à l’époque. Ce n’est pas simple ce genre de démarche, d’autant plus quand on est deux femmes. Il faut déjà expliquer à son employeur qu’on va avoir besoin de prendre des jours pour aller à l’étranger…
Quand vous êtes dans ce genre de démarche, vous avez déjà un premier rendez-vous dans l’hôpital ou la clinique que vous avez choisi en Belgique, vous rencontrez le professeur ou le médecin qui va vous suivre. Et puis ensuite, on vous donne un autre rendez-vous où là vous rencontrez assistant(e) social(e) et psychologue pour déterminer si vous êtes « capable » d’avoir une famille. S’ensuit des traitements hormonaux pour stimuler l’ovulation. C’est là que l’on peut appréhender le regard des gens, dans le sens où c’est très compliqué d’aller à la pharmacie avec une ordonnance venant de Belgique en expliquant qu’en fait on veut tout régler, surtout que ce ne soit pas remboursé par la Sécu, de toute façon, ça ne peut pas l’être (…) Ca se renouvelle dans les laboratoires quand vous faites des prises de sang. C’est un petit peu le parcours du combattant ! Et tout ça, ça serait très bien si la PMA, en tous cas les inséminations, fonctionnaient à coup sûr, à 100%. En l’occurrence, on sait très bien que cette technique ne rencontre en moyenne que 50% de succès pour toutes les femmes qui y ont recours. Ca multiplie à chaque fois les occasions de recommencer ce genre de périple".
Comment avez-vous vécu la nécessité de « s’exiler » à l’étranger dans le cadre de votre projet parental ?
L.V. "Pour moi, ça a été un crève-cœur parce qu’en fait, j’ai dans ma tête une grande représentation de la France, de la République. Et franchement, faire tous ces petits arrangements comme ça pour partir à l’étranger, ça m’a vraiment peinée. A l’époque, je n’avais même pas l’espoir qu’un jour ça puisse s’arranger et que, pour d’autres, ce soit plus simple. C’est quand même dommage d’habiter dans le pays des Droits de l’Homme et de devoir aller dans d’autres pays plus avancés sur certaines questions sociétales. Il y a des moments, j’avais presque honte de traverser la frontière et d’aller demander de l’aide à nos amis belges. Après la loi était faite ainsi, on s’y conforme. Du coup, on essaie de trouver des parades."
Quinze mois après un premier avis, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a réaffirmé mardi 25 septembre qu’il était favorable à l’élargissement de la PMA à toutes les femmes. Comment avez-vous accueilli cette annonce ?
L.V. "C’est un grand soulagement que tous ces représentants du CCNE se soient rassemblés autour d’une table pour dire oui. Que les personnes au sein du CCNE qui ne veulent pas se prononcer sur le sujet ne soient plus que deux, c’est aussi un signe d’évolution".
Le CCNE s’est prononcé en revanche contre la GPA, la gestation pour autrui, c’est-à-dire le recours à une mère porteuse. Emmanuel Macron y est également opposé. Quelle est votre position, en tant que femme ? Et en tant que députée ?
L.V. "En tant que femme, je suis pour la GPA, mais une GPA éthique, c’est-à-dire cette GPA humaniste dont parlait justement Israël Nisand (ndlr, gynécologue-obstétricien au CHU de Strasbourg) dernièrement. Il expliquait plusieurs cas, notamment dans certaines familles, où la sœur de l’épouse par exemple porte l’enfant du couple, c’est un geste purement humaniste. Il y a plein de cas relevés par ce professeur et d’autres où ça se passe très bien au Canada, aux Etats-Unis, dans différents états. Personnellement, je suis pour ce genre de GPA. Ensuite, en tant que députée de La République en Marche, je sais très bien que notre Président et le gouvernement sont contre. Nous n’irons pas en tant que représentants LREM dans ce débat et vers un texte".
Au-delà de la PMA, dont on parle beaucoup, vous souhaitez aussi mettre l’accent sur la question de la filiation. Vous dénoncez notamment des « oublis » dans la loi de 2013 sur le mariage pour tous. Pourquoi ?
L.V. "J’ai deux filles que j’ai eues avec mon ex-compagne, nous avons chacune porté un enfant, nous nous sommes séparées avant la loi sur le mariage pour tous. Et le problème qu’on rencontre maintenant, comme cette loi n’est pas allée jusqu’au bout de ce qui avait été promis par notre ancien Président François Hollande, je n’ai toujours aucun droit sur la plus jeune de mes filles, celle qui a été portée par mon ex-compagne (et réciproquement). Dans la construction de la loi, il y a d’autres problèmes vraiment signifiants. Avant de pouvoir adopter l’enfant qui est issu d’un même projet parental, il faut d’abord qu’on se marie. On peut très bien entendre que certains couples n’aient pas le mariage comme un projet de vie. Mais nous, on n’a pas le choix, si on veut fonder une famille, il faut forcément passer par le mariage et ensuite, seulement, ça entraîne la procédure d’adoption. Imaginons que pendant la grossesse, la femme qui va porter l’enfant du couple vienne à se séparer de sa compagne. Il n’y a rien qui protège ce deuxième parent. Et de ce fait, ça a engendré énormément de problèmes sur le territoire. Je le sais parce que beaucoup d’avocats dans toutes les régions me relatent des cas de séparation pendant la grossesse.
Moi et beaucoup de mes collègues de LREM, nous sommes vraiment motivés pour faire changer ces choses. Je sais que tout le monde parle de la PMA (…) Mais je suis persuadée que ce n’est pas le problème. Ce qui me fait peur, plutôt, je sais que le gouvernement veut aussi adjoindre à la PMA la discussion sur la filiation, j’espère qu’il va aller aussi loin que ce qui est vraiment nécessaire pour ces familles. Et si ce n’est pas le cas, je prépare déjà un texte – il est quasiment fini – sur la filiation et je m’attacherai pendant les débats à présenter tous les amendements nécessaires. L’idée, c’est de faire en sorte que sur notre territoire, tous les enfants de la République aient une filiation en bonne et due forme qui reconnaisse leur famille et qui leur permette d’avoir les mêmes droits que leurs petits voisins."